Archive pour la catégorie ‘Médecine’

Brève pharmacologie de la longévité

lundi 3 décembre 2018

Au Danemark, la dépense en médicaments est de 200 € par an et par personne pour une espérance moyenne de vie de 80,6 ans. Les Pays-Bas, avec une dépense de médicaments un peu plus élevée de 365 € atteignent une espérance de vie de 82 ans. La France, pour 425 € annuels de médicaments par personne arrive à une espérance de vie de 82.5 années. On aurait envie de voir continuer cette belle corrélation pour connaître le budget pharmaceutique d’une population centenaire, hélas la progression perd brutalement de son charme, car l’Allemagne qui atteint une dépense de 480 € a une espérance moyenne de vie de 81 ans, à peine supérieure à celle du Danemark. Et au sommet de cette série se trouvent les USA qui, avec une dépense de 725 € de médicaments par an et par personne (presque deux fois celle de la France et quatre fois celle des Pays Bas), ont une espérance de vie d’à peine 78 ans.

Cette corrélation se traduit par une courbe dite en « U inversé ». Ce qui signifie que, pour le cas où existerait une relation de causalité entre le budget pharmaceutique d’un pays et l’espérance moyenne de vie de ses habitants, ce ne serait que jusqu’à un certain montant au-delà duquel, la courbe s’inverse et l’espérance de vie diminue.

Je reconnais la faiblesse clinique de cette démonstration et la probable ténuité du lien entre pharmacie et espérance de vie.

Par ailleurs, à l’intérieur d’un même pays, ce sont ceux qui consomment le plus de médicaments qui ont la plus courte espérance de vie. Cette nouvelle corrélation peut être analysée de deux façons grossières. La première est d’accuser méchamment les médicaments de diminuer la durée de vie. La seconde est de suggérer que les plus gros consommateurs de médicaments sont ceux qui avaient la santé la plus fragile, donc la plus faible espérance de vie. La première analyse est injustement agressive envers les médicaments, bien qu’ils soient une cause majeure de mortalité. Si la seconde analyse semble plus honnête et plus réaliste, on peut néanmoins affirmer que les médicaments ne suffisent pas à combler le déficit initial d’espérance de vie.

Pour donner un peu plus de rigueur à cette courte dialectique, nous pouvons appliquer le principe de consilience. Lorsqu’aucune démonstration n’est suffisante à elle seule, ce principe consiste à juxtaposer plusieurs hypothèses indépendantes concourant à mieux cerner un phénomène.

La consilience nous permet alors de conclure avec parcimonie que les médicaments ne sont manifestement pas la meilleure option pour la vie éternelle.

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N’épousez pas de vieux messieurs

dimanche 25 novembre 2018

À leur naissance, les femmes ont un stock limité d’ovocytes dont certains subiront une maturation aboutissant à la libération régulière d’ovules entre la puberté et la ménopause. Chez les hommes, inversement, les cellules germinales souches disponibles à la naissance ne cesseront de se diviser pour émettre quotidiennement un nombre infini de spermatozoïdes.

Ainsi un ovule est une cellule neuve, alors qu’un spermatozoïde est le résultat d’un nombre infini de divisions cellulaires. La génétique de base nous apprend que chaque division cellulaire s’accompagne inévitablement de mutations dites « de novo ».

Plus un père est âgé, plus il transmet de mutations de novo à son enfant. Un père de 20 ans en transmet environ 25, un père de 40 ans en transmet 65, alors qu’une mère n’en transmet qu’une dizaine quel que soit son âge.

Cette base théorique est confirmée par les données cliniques. Le risque global de malformations augmente parallèlement à l’âge du père : 1,5 % pour les pères âgés de 25 à 29 ans ; 4 % pour les pères de 30 à 35 ans ; 8 % pour les pères de 40 à 49 ans ; 15 % pour les pères de plus de 50 ans.

Le cerveau étant un organe comme les autres, les maladies psychiatriques ne font pas exception dans ce tableau. Les pères de plus de 50 ans ont un risque 3 fois plus élevé d’avoir un enfant autiste que les pères de moins de 30 ans, et jusqu’à 6 fois plus pour l’autisme de haut niveau. L’âge de la mère semble n’avoir aucun impact sur cette pathologie. Un père de plus de 55 ans a deux fois plus de chance d’avoir un fils schizophrène et 3,5 fois plus pour une fille. Là encore, le risque relatif augmente régulièrement par tranche de 10 ans d’âge du père.

Même constat pour certaines maladies rares comme le syndrome d’Apert dont la fréquence augmente proportionnellement à l’âge du père.

Des études plus récentes montrent que des risques que l’on croyait liés exclusivement à l’âge maternel, comme le diabète gestationnel et la prématurité, sont aussi majorés par l’âge paternel. Enfin, la mortalité, toutes causes confondues, double chez les enfants nés de père de plus de 50 ans.

Certes, toutes les pathologies citées ici sont multifactorielles, mais quelles que soient les autres causes, le risque global est toujours multiplié par le nombre de mutations de la spermatogenèse. De plus, les mutations de chaque division cellulaire dépendent aussi de la durée d’exposition à des polluants mutagènes. Par exemple, il y a plus de leucémies chez les enfants de père tabagique.

Dans nos sociétés complexes, le choix d’hommes plus âgés ou de meilleur statut social peut être une garantie de ressources. Cette contribution matérielle pourrait être préférée à la contribution génétique d’un jeune géniteur. Cependant ni les biologistes ni les médecins ne peuvent encourager un tel choix.

 

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Consistance des maladies virtuelles

samedi 17 novembre 2018

La morbidité se définit comme un « état de maladie » ou un « caractère relatif à la maladie ». Ces définitions sous-entendent que la morbidité est vécue par le patient avant d’être comptabilisée par la médecine. La troisième définition est statistique : « pourcentage de personnes atteinte d’une maladie donnée ».

Désormais, la médecine se propose d’intervenir avant les premiers signes de maladie. Le dépistage organisé et la détection des facteurs de risque créent ainsi une nouvelle morbidité qui n’est plus vécue par les patients. Une image suspecte, une cellule anormale, une prédisposition génétique, un chiffre élevé de pression artérielle, de sucre ou de cholestérol ne sont pas des signes ressentis par le patient mais des informations qu’il reçoit de la médecine. Cette morbidité est donc virtuelle pour le patient.

Si je peux comprendre l’intérêt de la biomédecine pour ces maladies virtuelles, je suis toujours surpris de la docilité avec laquelle ces patients « virtuels » acceptent ces nouveaux diagnostics et les vivent comme des maladies dont ils auraient réellement ressenti les symptômes. Ils les vivent même parfois avec une intensité dramatique supérieure à celle d’une maladie réellement vécue.

Pourtant, un grand nombre d’images ou de chiffres suspects, disparaissent comme ils apparaissent sous l’effet de multiples facteurs variables et labiles. On peut être hypertendu pendant deux ans et ne plus l’être pour tout le reste de sa vie. On peut avoir une cellule cancéreuse sans que jamais n’apparaisse ni tumeur ni métastase. Dans leur grande majorité, les prédispositions génétiques restent indéfiniment à l’état de prédisposition.

Le plus surprenant est la définition rétrospective de ces virtualités à partir d’une proposition théorique de soin. C’est exclusivement l’idée d’un soin qui leur confère une réalité morbide.

Cette inversion complète des processus diagnostiques et thérapeutiques répond merveilleusement aux nouvelles normes mercatiques et informatiques de notre monde auxquelles la médecine n’a pas de raison d’échapper. Ce n’est plus le patient qui vient proposer au médecin des symptômes vécus dans l’espoir qu’il ne s’agisse pas d’une vraie maladie, ce sont les médecins qui proposent des pathologies virtuelles que le patient va alors vivre comme de vrais maladies.

Avec cette nouvelle normativité, aura-t-on encore besoin de l’expertise clinique des médecins ? Si oui, quel sera alors l’utilité de ces nouveaux experts ? Nous avons de bonnes raisons de penser que leur rôle principal consistera à dissimuler un diagnostic de maladie virtuelle lorsqu’ils estimeront que le fait de la donner à « vivre » pourrait dégrader la santé plus que ne le ferait la maladie réelle supposée évitable…

Vaste programme à inscrire d’urgence dans le cursus universitaire médical…

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Très chères minutes de vie

dimanche 11 novembre 2018

En cancérologie de l’adulte, la chirurgie et la radiothérapie ont permis de prolonger la vie de nombreux patients. On a longtemps et honnêtement pensé que la pharmacologie pourrait encore améliorer les choses. Mais depuis une vingtaine d’années, les études indépendantes montrent l’inefficacité globale des anticancéreux anciens ou modernes.

Pour évaluer l’action des anticancéreux lors des essais cliniques, on utilise principalement trois critères : les biomarqueurs (analyses biologiques), l’amélioration clinique et la survie sans progression tumorale. Il s’agit de critères dits « intermédiaires ». Le seul critère   important pour le patient et ses proches étant celui de la survie globale assortie ou non d’une qualité de vie acceptable. Les critères intermédiaires ne sont que des leurres. Certes la baisse d’un biomarqueur ou la diminution du volume tumoral à l’imagerie sont une grande source de satisfaction pour les patients et les médecins, mais elles ne sont pas corrélées à une augmentation de la quantité-qualité de vie.

Il peut paraître cruel de dire les choses aussi brutalement, mais peut-on vraiment faire progresser la médecine sans admettre les faits cliniques ?

Par rapport aux anciens antimitotiques, les nouvelles thérapies ciblées, et plus récemment, les immunothérapies, ont trois caractéristiques nouvelles : un support théorique séduisant, des tests de surveillance auto-satisfaisants et un coût faramineux. Hélas, à une ou deux fragiles exceptions près, elles ne prolongent la vie que de quelques mois ou semaines.

Ces coûts exorbitants et injustifiés ont deux effets pervers inattendus. D’une part, ils deviennent la plus importante part de l’effet placebo, d’autre part, en politisant le sujet, ils majorent les revendications des associations de patients. « Le cancer est un fléau » et « la vie n’a pas de prix » sont devenus des arguments indirects bougrement efficaces qui détournent l’attention hors de l’examen objectif des résultats. Les lobbyistes  de l’industrie ont bien compris la puissance de ces arguments indirects et ils misent diaboliquement sur la détresse des patients en utilisant leurs associations pour faire pression sur les ministères. Ils savent aussi que les élus sont piégés par l’électoralisme et la démagogie et que les médias sont à l’affut de leurs moindres ambiguïtés.

Enfin, la validation de ces supercheries par les agences du médicament soulève inévitablement la question de la corruption.

Quand bien même certaines thérapies feraient gagner quelques minutes de vie, aucune société, quel que soit son niveau de richesse, de compassion ou de solidarité, ne peut supporter les coûts indécents de chacune de ces minutes, sans se mettre toute entière en péril.

Il est difficile d’expliquer ceci à des patients en détresse et à leurs proches, mais ce n’est pas une raison pour laisser de séduisantes théories renouer avec l’obscurantisme médical des siècles d’antan.

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Renouveau du magnétisme médical

lundi 29 octobre 2018

En 1778, le médecin Allemand Franz Mesmer fit la gloire du magnétisme médical. Ses fameux « baquets » de « fluide universel » devinrent de célèbres lieux de mondanités hystériques du Tout-Paris. Puis, lorsque cette mode thérapeutique connût des dérives érotiques – pâmoisons magnétiques de dames calmées par des messieurs dans des boudoirs annexes – l’Académie s’en émut. En 1784, Louis XVI demanda à deux illustres savants, Benjamin Franklin et Antoine Lavoisier, d’évaluer la magnétothérapie. Après des observations au protocole exemplaire, leur conclusion fut sans appel : « Le magnétisme sans l’imagination ne produit rien. La pratique de la magnétisation est l’art d’augmenter l’imagination par degrés ».

Aujourd’hui, malgré nos progrès, il subsiste de nombreuses situations (douleurs chroniques, troubles somatomorphes, désordres fonctionnels) où la médecine est constamment bafouée. Laissant libre cours à toutes les fantaisies thérapeutiques qui peuvent alors fleurir, flétrir, mourir et renaître de leurs cendres.

Le magnétisme thérapeutique est réapparu en neuropsychiatrie dans les années 1980 sous la forme plus sérieuse de « stimulation magnétique transcranienne » (TMS). Abandonnée en 2015 dans la schizophrénie par manque de résultats, les TMS se poursuivent ailleurs, car les ondes électromagnétiques semblent pouvoir activer ou inhiber certains circuits neuronaux.

Le terme d’hystérie ayant été banni, on parle aujourd’hui de troubles « somatomorphes », « psychogènes », « conversifs » ou « fonctionnels », autant de qualificatifs qui occultent le désarroi médical devant des symptômes incompris et souvent handicapants. Les expériences de TMS relatent des cas miraculeux (guérison de paraplégies) ; hélas ces cas individuels ne permettent ni généralisation ni théorisation. Et la médecine scientifique, bien qu’ayant admis l’extraordinaire efficacité de l’effet placebo, ne peut s’empêcher de fouiller au-delà.

Sur des douleurs chroniques, comme la fibromyalgie, les résultats très fluctuants ont néanmoins permis aux médecins de ne plus seulement considérer la douleur comme le signal d’alerte d’une autre maladie, mais comme une maladie neurologique en soi. Malgré la forte corrélation de ces douleurs à l’anxiété ou au manque de flexibilité mentale, la médecine veut savoir pourquoi les nerfs « modifient leur cadre physiologique habituel ». Une périphrase qui masque l’ignorance, tout en défendant l’idée de modifications neurologiques réelles encore inaccessibles à nos technologies.

On a prouvé récemment que des ondes électromagnétiques de faible intensité induisaient la réparation de l’ADN, alors que des ondes de forte intensité libéraient des toxines cellulaires. Ces recherches ravivent évidemment de nouveaux charlatans qui facturent des séances de magnétisme au prix de la neurochirurgie.

Tant qu’un nouveau Lavoisier n’aura pas sonné le glas de ces expérimentations, gardons l’espoir que le cerveau puisse un jour comprendre le cerveau…

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Sexisme pittoresque de la médecine

mardi 23 octobre 2018

Les médecins de l’ancienne Egypte considéraient l’hystérie féminine et les sorcelleries qui en émanaient, comme le résultat d’une errance de l’utérus. Par ailleurs, l’ibis, grand destructeur de sauterelles était un oiseau sacré. On comprend alors pourquoi les papyrus médicaux pharaoniques stipulaient de faire entrer par la vulve les fumées d’un ibis de cire placé sur des charbons ardents pour faire revenir l’utérus à sa place. On ignore cependant le nombre de brûlures vulvaires secondaires à cette thérapeutique.

Avec un sens aigu de l’observation, les médecins du XVII° siècle, avaient remarqué que les femmes en cours de grossesse n’avaient plus de règles. Ainsi, lorsqu’une femme enceinte était frappée de quelque fièvre ou fatigue soudaine, l’Académie, déduisant qu’elle devait être « engorgée » par tout ce sang accumulé au fil des mois, conseillait de pratiquer la saignée. La pratique a persisté jusqu’en 1850 et nous ignorons toujours le nombre de femmes et d’embryons victimes de cette théorie.

Plus récemment, dans l’Occident des années 1970, la ménopause, indemne de sorcellerie et d’engorgement sanguin, a été plus savamment considérée comme une maladie, et soignée comme telle. La théorie était aussi sexiste et farfelue que les deux précédentes, mais les progrès statistiques ont ici permis de constater l’augmentation considérable de cancers du sein qui en a découlé.

Aujourd’hui, les progrès des sciences biomédicales et de la statistique, nous permettent de découvrir un nombre de plus en plus importants de maladies auto-immunes dont la plupart touchent essentiellement les femmes. Cette différence peut avoir une composante hormonale, mais elle est plus probablement due aux ajustements immunitaires que la présence d’un embryon « à moitié étranger » impose à sa mère.

En raison, de leur caractère cyclique et de la très grande variété et variabilité de leurs symptômes, ces maladies ont été longtemps classées comme psychosomatiques, et certaines le sont encore. Le mal étant décrété « dans la tête » et non dans le système immunitaire, les femmes ont été victimes des abus thérapeutiques de cette catégorisation psychique. Opiacés, tranquillisants et antidépresseurs continuent d’emprisonner nombre de femmes dans l’addiction.

L’importante féminisation actuelle du corps médical pourrait être un moyen d’atténuer le sexisme lié à notre ignorance biologique ? J’en cultive l’espoir, et j’encourage vivement les plus diplômées et les plus expérimentées de mes consœurs à y travailler avec la rigueur scientifique exigée pour un tel sujet. Et je propose, avec toute la neutralité de genre qui convient, de les accompagner dans ce passionnant exercice clinique.

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Pygmalion a de la poigne

jeudi 18 octobre 2018

Voyant Pygmalion fol amoureux de la sculpture qu’il venait de réaliser, Aphrodite la transforma en femme afin que le sculpteur puisse l’épouser. L’effet pygmalion, issu de cette mythologie grecque, désigne une prophétie auto-réalisatrice positive. Inversement, Golem est un humanoïde hideux, issu de la mythologie juive. Il est soumis à son maître et dépourvu de libre-arbitre. L’effet Golem est une prophétie auto-réalisatrice négative.

Ces prophéties auto-réalisatrices sont régulièrement constatées dans des études en sciences cognitives. Lorsque les expérimentateurs s’attendent à des résultats positifs, les sujets testés ont de meilleurs résultats. Et inversement, si l’environnement est plus suspicieux, ils obtiennent de moins bons résultats aux tests.

En médecine, cela peut aller encore plus loin. Après avoir appris qu’ils possèdent le gène ApoEε4 connu pour augmenter le risque de maladie d’Alzheimer, des sujets sains de 50 à 90 ans obtiennent de moins bons résultats aux tests cognitifs que des sujets possédant ce même gène sans en avoir été informés. Quant aux sujets informés qu’ils ne possèdent pas ce gène, ils ont de meilleurs résultats que ceux qui ignorent s’ils le possèdent ou non.

Ainsi, ce n’est pas le gène qui détermine les performances cognitives, mais le fait d’en être informé ou non.

Nous supputions déjà l’inutilité et l’absurdité de recherches génétiques chez des personnes saines et sans antécédents familiaux, voici que nous en découvrons la nocivité.

Une autre étude a utilisé l’échelle de Ryff pour évaluer « l’élan vital » et le « bien-être psychologique » chez 4500 personnes. Elle a montré une corrélation positive entre cette évaluation et deux indicateurs sanitaires mesurés 4 ans plus tard : la force de préhension (la poigne) et la vitesse de marche.

En ce qui concerne la poigne, une méta-analyse d’une cinquantaine d’études conclut qu’elle est un excellent révélateur de l’âge biologique et de l’état de santé des personnes vieillissantes. Dans le même registre, une cohorte d’adolescents, suivis pendant 25 ans, révèle que ceux dont la force de poigne est inférieure à la moyenne semblent avoir un risque un peu plus élevé de mortalité cardio-vasculaire et de suicide.

Les cliniciens n’ont pas besoin de telles études pour confirmer certains faits qui leur semblent évidents. Néanmoins, ces études, bien que surprenantes ou amusantes, ont une méthodologie rigoureuse qui peut conforter les cliniciens dans certaines conduites. Pour éviter l’effet Golem et renforcer l’effet pygmalion, ils éviteront les bilans, analyses et enquêtes génétiques chez leurs patients de plus de 60 ans, tout particulièrement à ceux qui ont une bonne poigne. Quant à ceux qui une mauvaise poigne, ils pourront judicieusement leur conseiller de remplacer le temps passé à faire et à commenter ces analyses par du temps de marche. Tout en renforçant ces conseils par une vigoureuse poignée de main.

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L’inégalité d’accès aux soins n’est plus ce qu’elle était

mercredi 3 octobre 2018

Dans les années 1960, vingt ans après la création de la sécurité sociale, les dépenses de santé ont augmenté de façon vertigineuse jusqu’à créer d’intolérables déficits. Qui fallait-il accuser ? Les mandarins qui ont dépensé sans compter pour le prestige de nos CHU. Les assurés qui ont tiré à hue et à dia sur le système jusqu’à devenir les plus gros consommateurs de médicaments et d’arrêt-maladie.  Les médecins et professionnels de santé qui ont multiplié les actes inutiles. Les industriels qui ont médicalisé la société pour vendre de plus en plus d’imagerie, de biologie et de pharmacologie. Les mutuelles privées qui ont brandi de futiles spectres pour avoir leur part du profit de la peur.

Contrairement à un réflexe bien républicain, je n’inclus pas les gouvernements dans cette liste des responsabilités. Certes, ils n’ont fait que poser des « rustines » ayant la discrétion qui convient – on ne touche pas impunément au sujet sensible de la santé –, mais bon an mal an, entre des déficits faramineux approchant 25 milliards d’euros et des années presque à l’équilibre, le système a survécu déjà plus de 70 ans. Saluons donc nos dirigeants qui ont établi le record mondial de longévité d’un système national de protection.

 

Or voilà que le nouveau défi n’est plus celui du budget, mais celui de l’inégalité de l’accès au soin : celle-là même que souhaitait abolir la sécurité sociale. Qui doit-on accuser de ce retour à la case départ ? Les mandarins à la solde des laboratoires qui délaissent les vrais malades pour mieux façonner l’opinion sur les risques des bien-portants. Les assurés nantis qui exigent le droit à l’immortalité sans contrainte. Les médecins et professionnels de santé qui font désormais passer leur qualité de vie avant le sacerdoce et la fonction. Les industriels qui falsifient impunément la recherche clinique. Les mutuelles qui, devenues financières, ont déjà choisi leur camp avant l’implosion du système.

Cette nouvelle inégalité de l’accès aux soins est très différente de celle qui avait prévalu à la création de la sécurité sociale. Elle ne se résume pas à de triviales inégalités sociales, elle résulte aussi d’un remaniement profond de la pensée médicale, d’un bouleversement du mode de vie des acteurs du soin et de la financiarisation de tous les marchés de la santé.

Saluons encore les tentatives du gouvernement actuel, bien qu’il ne puisse plus ignorer que la politique des rustines est définitivement inadaptée à ces nouveaux contextes.

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Serai-je le méchant ?

mardi 25 septembre 2018

L’amyotrophie spinale est une grave maladie génétique qui entraîne généralement de grandes souffrances suivies de la mort des nourrissons avant l’âge de deux ans. Tout commentaire est dérisoire devant de tels drames.

Les rapides progrès de la biologie moléculaire ont permis de comprendre que certaines formes de cette maladie résultaient de la déficience d’une protéine nommée SMN. Et les progrès fulgurants des biotechnologies ont permis de synthétiser un nucléotide qui agit sur l’ARN messager afin d’améliorer et d’augmenter la synthèse de cette protéine. Cette perfection théorique a donné lieu à un brevet suivi de la commercialisation du « nusinersen ».

Les grands succès de la médecine ont toujours résulté d’un empirisme qui ignorait les théories sous-jacentes. Avec l’évolution très récente des sciences biomédicales, ce sont inversement les théories qui façonnent les soins en négligeant d’évaluer les retombées cliniques.

En ce qui concerne le nusinersen, trois essais cliniques de médiocre qualité n’ont pas pu conclure à une amélioration de la qualité de vie, ni à une prolongation très significative de la durée de vie. Le mode d’injection intrarachidienne provoque des douleurs et des effets secondaires très désagréables.

Devant ces faits, faut-il critiquer violemment l’autorisation de mise sur le marché d’un tel produit ou saluer les progrès et l’activisme suscités par d’aussi insupportables drames ?

Mais la réflexion ne doit pas se réduire à cette alternative, car le prix de ce médicament vient de battre tous les inimaginables records déjà connus. Ce traitement coûte 500 000 € par an ! L’angélisme du progrès et de l’activisme cède brutalement place à un diabolique chantage à la souffrance parentale.

Puisqu’il semble que les autorités sanitaires n’ont plus les moyens de s’opposer au cynisme des lobbys. Puisque les parents désemparés sont devenus les marionnettes de l’industrie et que leurs associations de patients sont les suppôts naïfs des plus vils marketings. Puisque la flamboyance des théories nous rend inaptes à constater les réalités cliniques. Puisque les universités n’osent plus affronter ces diaboliques machinations. Puisque la démagogie politique n’ose plus dire que le roi est nu.

Tentons alors d’ébranler la conscience des spécialistes hospitaliers qui abuseront de l’illusoire prestige de cette prescription théorique, et tentons-le aussi pour ceux qui sont imbus d’une science ne servant qu’à masquer des conflits d’intérêts. Un tel traitement, cliniquement, humainement et socialement pervers, ruine notre solidarité nationale, abuse de la détresse et de la confiance des parents sans améliorer le sort de ces nourrissons victimes des horreurs du hasard.

Dans la logique binaire des débats sur le soin, il me reste encore à espérer, en écrivant ces lignes, ne pas être catégorisé comme le méchant qui tue les innocents nourrissons et n’a aucune pitié pour les parents…

 

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Equilibre proies/prédateurs et ministère de l’écologie

mercredi 19 septembre 2018

L’équilibre proie-prédateurs est un grand classique des lois de l’évolution. Plus il y a de proies, plus les prédateurs peuvent proliférer, mais plus les prédateurs prolifèrent plus le nombre de proies diminue. Ces vagues successives finissent par s’atténuer pour atteindre un point d’équilibre qui peut se mesurer avec une grande précision.

Lorsque les ressources alimentaires deviennent insuffisantes, la compétition interne diminue la vitalité et les capacités reproductrices jusqu’à ce que ces ressources, animales ou végétales, se reconstituent et redonnent vigueur aux individus qui ont résisté. Si la ressource disparaît par d’autres causes que la prédation, c’est alors toute l’espèce pour laquelle cette ressource était vitale qui disparaît à son tour.

La vitalité d’une espèce se mesure donc par ses capacités reproductrices, son extension géographique et son adaptation à une grande variété de ressources. Les bactéries, les sangliers et les humains sont des champions toutes catégories, alors que les félins et les pandas ont une bien piètre flexibilité.

Mais, jamais un groupe animal ne se contraint volontairement à épargner ses proies ou à ménager son environnement. Car si les lions du Kenya décidaient d’épargner leurs antilopes, ce sont les lions de Tanzanie qui profiteraient de cette nouvelle manne.

Si par une impensable prouesse culturelle, les sapiens d’Europe réussissaient à s’extraire de ces lois animales, ce sont les sapiens d’Asie ou d’Amérique qui viendraient remplir les cases démographiques vides et les niches vacantes. D’autant qu’un tel miracle culturel contredisant pour la première fois ces lois de l’évolution, ne pourrait vraisemblablement pas se produire dans des sous-groupes au ventre encore à moitié plein.

Voilà pourquoi un ministre de l’écologie est condamné à faire du tricot pendant le temps nécessaire à ce que tous les sapiens soient gavés de ressources au point d’annihiler leurs impératifs biologiques intrinsèques d’extension, de reproduction et d’adaptation…

Selon toute évidence cela devrait prendre du temps…

Sans compter que l’enthousiasme culturel capable de contredire les lois milliardaires de l’évolution impose une force politique de rassemblement dont les prémices ne sont constatables à ce jour en aucun point de la planète. Tout particulièrement parmi les militants écologistes.

 

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