L’inégalité d’accès aux soins n’est plus ce qu’elle était

Dans les années 1960, vingt ans après la création de la sécurité sociale, les dépenses de santé ont augmenté de façon vertigineuse jusqu’à créer d’intolérables déficits. Qui fallait-il accuser ? Les mandarins qui ont dépensé sans compter pour le prestige de nos CHU. Les assurés qui ont tiré à hue et à dia sur le système jusqu’à devenir les plus gros consommateurs de médicaments et d’arrêt-maladie.  Les médecins et professionnels de santé qui ont multiplié les actes inutiles. Les industriels qui ont médicalisé la société pour vendre de plus en plus d’imagerie, de biologie et de pharmacologie. Les mutuelles privées qui ont brandi de futiles spectres pour avoir leur part du profit de la peur.

Contrairement à un réflexe bien républicain, je n’inclus pas les gouvernements dans cette liste des responsabilités. Certes, ils n’ont fait que poser des « rustines » ayant la discrétion qui convient – on ne touche pas impunément au sujet sensible de la santé –, mais bon an mal an, entre des déficits faramineux approchant 25 milliards d’euros et des années presque à l’équilibre, le système a survécu déjà plus de 70 ans. Saluons donc nos dirigeants qui ont établi le record mondial de longévité d’un système national de protection.

 

Or voilà que le nouveau défi n’est plus celui du budget, mais celui de l’inégalité de l’accès au soin : celle-là même que souhaitait abolir la sécurité sociale. Qui doit-on accuser de ce retour à la case départ ? Les mandarins à la solde des laboratoires qui délaissent les vrais malades pour mieux façonner l’opinion sur les risques des bien-portants. Les assurés nantis qui exigent le droit à l’immortalité sans contrainte. Les médecins et professionnels de santé qui font désormais passer leur qualité de vie avant le sacerdoce et la fonction. Les industriels qui falsifient impunément la recherche clinique. Les mutuelles qui, devenues financières, ont déjà choisi leur camp avant l’implosion du système.

Cette nouvelle inégalité de l’accès aux soins est très différente de celle qui avait prévalu à la création de la sécurité sociale. Elle ne se résume pas à de triviales inégalités sociales, elle résulte aussi d’un remaniement profond de la pensée médicale, d’un bouleversement du mode de vie des acteurs du soin et de la financiarisation de tous les marchés de la santé.

Saluons encore les tentatives du gouvernement actuel, bien qu’il ne puisse plus ignorer que la politique des rustines est définitivement inadaptée à ces nouveaux contextes.

Références

 

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4 commentaires sur “L’inégalité d’accès aux soins n’est plus ce qu’elle était”

  1. marie josephe dzula dit :

    dans cela, tous ont une part de responsabilité.
    On médicalise trop, on n’ose pas les conseils de prévention ( plein de gens en parlent aussi bien que nous) et on conserve une vision étriquée de la santé qui est aujourd’hui environnementale

  2. GAUTIER dit :

    La verve et la pertinence au service de l’impertinence des vérités.
    Il y a belle lurette que le libéral est mort. Médecins et syndicats ne sont-ils pas sous contrats divers et avariés, perfusés à 90% par la CPAM?
    Pour ne plus être inféodé, il faudrait lâcher la potence, passer en secteur 3, et retrouver la liberté de soigner… en âme et conscience, s’il en reste quelques vestiges dans le monde mutant.

  3. gautier dit :

    La confusion entre la santé et la maladie règne en maître. Soins et prévention disparaissent du registre de la médecine au profit de la promotion de la santé pour tous, au service des exigences sociétales et des convenances personnelles de chacun.
    Soigner les bien-portants rapporte gros, traiter les malades coute cher

  4. pibi dit :

    Mais avec l’émergence des pratiques médicales dématérialisée, de teleconsultation et avis, sans parler des téléconseils, l’accés aux soins va être trés compliqué pour le pauvre n’ayant pas de mutuelles prémium, ou celui ne sachant pas ou ne pouvant plus manier l’internet et les appareils y menant. Quant aux perspectives de la prévention dans certaines populations … si il n’y a plus une figure humaine et respectée pour leurs promotions, celle du docteur eh bien beaucoup ne feront aucune démarches pour se faire dépister. Peut être que à ce niveau, l’avenir serait dans la médecine du travail.

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