Archive pour avril 2019

Substituts d’aliments et de cathédrales

samedi 20 avril 2019

Un couple d’amis qui nous logeait n’a pas pu nous offrir de lait au petit déjeuner. Ils nous ont proposé en remplacement un liquide blanchâtre garanti sans lactose, sans gluten et sans soja. L’absence de soja m’a surpris, car cet aliment est parfois utilisé comme substitut du lait pour les nourrissons diagnostiqués intolérants au lait. Occasion d’affirmer ici qu’il n’existe aucun nourrisson intolérant au lait, et que les allergies aux protéines du lait de vache sont plus que rarissimes. Mais ces diagnostics de fortune ont donné lieu à de nouvelles filières d’aliments transformés. Les aliments sans gluten et autres « sans » découlent de diagnostics abusifs d’intolérances et allergies alimentaires. Occasion de rappeler ici que 94% des diagnostics d’allergie alimentaire sont des surdiagnostics et que les aliments abusivement exclus peuvent être réintroduits sans problème dans 90% des cas !

J’ai dû subir ce petit déjeuner sans lait, le matin qui a suivi l’incendie de Notre Dame de Paris ; coupant court à toute velléité de discussion médicale ou alimentaire, nous avons partagé l’émotion à l’unisson de nos compatriotes.

Puis quelques jours après le drame, chacun est revenu à ses marottes et ruminations intellectuelles. Donc moi aux miennes…

Nous sommes viscéralement attachés à notre histoire et nous sommes de fieffés conservateurs des joyaux architecturaux qui la jalonnent. Mais pour nos propres viscères, l’attachement est étrangement moins viscéral. Nous avons une fâcheuse tendance à détériorer toutes les filières alimentaires que nos aïeux ont élaborées durant des millénaires. Nous prenons avec notre santé alimentaire des risques insensés que nous n’oserions pas prendre avec nos vieux monuments.

Ces propos de circonstance peuvent être qualifiés d’elliptiques ou de fallacieux, je l’admets volontiers. D’autant plus que l’acception des cathédrales n’est plus aujourd’hui ce qu’elle était hier. Nous y contemplons l’art et l’histoire alors que nos ancêtres y communiaient avec leur Dieu. Nous y dissertons l’évidence anthropologique des religions, alors que nos aïeux y priaient pour leur survie. Pour ceux qui vivent encore la foi avec intensité, une arrière-cuisine est suffisante pour prier.

Comme tous, je souhaite conserver les cathédrales, entretenir les châteaux et réhabiliter les usines pour un certain besoin de permanence. Et bien que ni la biologie, ni la culture ne soient caractérisées par leur permanence, mes connaissances biomédicales me portent à penser que s’il faut évidemment du lait de femme pour nos nourrissons, nos enfants auront toujours davantage besoin de vrai lait provenant de vraies vaches mangeant de la vraie herbe que de charpentes moyenâgeuses.

Références

Devoir yankee de santé publique

vendredi 12 avril 2019

Selon le critère économique, progressivement devenu le seul critère de classement des nations, les Etats-Unis occupent résolument la première place. 

Mais ce pays détient aussi le record des catastrophes climatiques et géologiques. Sa côte Ouest subit de terribles tremblements de terre, sa côte Est affronte régulièrement les ouragans les plus puissants et les plus ravageurs. Il connaît de longues périodes de sécheresse et de gigantesques incendies. Sans oublier les records de froid et de précipitations enregistrés dans certaines régions.

Cette malchance géographique est aggravée par la tyrannie du marché qui impose le climato-scepticisme. Cette suprématie du business provoque également des catastrophes sanitaires de bien plus grande ampleur.  La misère physiologique des obèses n’est comparable à aucune autre. Les armes à feux provoquent la mort de  10 000 personnes chaque année et génèrent plus de 20 000 grands handicaps. La consommation massive de drogues est un fléau pour la santé cognitive. La dépendance aux opiacés de prescription médicale est un nouveau facteur de diminution de l’espérance de vie. Les nuisances chimiques et pharmaceutiques sont devenues l’une des premières causes de mortalité prématurée.

Devant cette débâcle sanitaire, il faut savoir prendre de grandes et bonnes décisions. Les autorités sanitaires viennent de baisser officiellement les seuils de diagnostic de l’hypertension artérielle et d’élargir le diagnostic de pré-hypertension. Ce sont désormais 46% des américains qui vont devoir prendre un traitement contre l’hypertension contre 32% avant 2019. Dans les années 1980-1990, les premiers abaissements des seuils avaient fait passer le nombre d’hypertendus de 9% à 32% de la population.

Les études indépendantes des bénéfices d’une telle mesure évaluent un gain sur la mortalité cardio-vasculaire de un pour mille à un pour dix-mille patients. Les plus pessimistes – disons plutôt les plus polémistes – parlent d’un effet négatif. 

Pour les laboratoires qui ont fait des études prospectives, cette décision officielle était  nécessaire pour la santé et l’espérance de vie des américains.

Sachons prendre modèle sur les experts américains de santé publique qui ont le sens de l’empathie et du devoir.

Référence

Devinettes et numéros discrets

jeudi 4 avril 2019

Première devinette.

Quelle est la maladie dont on parle tous les jours sur tous les médias, qui propose 25 millions d’entrées sur Google France, qui fait l’objet de dix-mille publications par an dans de grandes revues scientifiques, qui ne provoque aucun symptôme et pour laquelle aucun médicament n’a la moindre efficacité ?

Si vous répondez le diabète, vous êtes à la fois étourdi et perspicace. Etourdi comme la quasi-totalité des médecins, journalistes et patients qui ne savent pas que le mot diabète n’a aucune signification si l’on oublie de préciser de quel numéro il s’agit. Perspicace, car c’est bien du diabète de type 2 (DT2) dont il s’agit. Cependant, dans tous les cas, vous avez tort, car le DT2 n’est pas une maladie, c’est simplement un facteur de risque pour d’autres maladies. C’est même un facteur de risque plus facile à éliminer que beaucoup d’autres.

Deuxième devinette.

Pourquoi oublie-t-on toujours de mentionner le numéro qui fait la différence entre ce facteur de risque gérable et la maladie auto-immune irréversible et gravissime qu’est le diabète de type 1 (DT1) ?

La réponse exige ici témérité et nécessite des indices.

Premier indice. Pour faire disparaître le DT2, il faudrait réglementer sévèrement les sodas, l’automobile en ville, les distributeurs de sucreries, les écrans pour enfants, les aliments transformés, les escaliers roulants et tant d’autres succès de la technologie et moteurs de la croissance.

Deuxième indice. Les médicaments du DT2 ne changent rien au risque de mortalité, mais le leurre individuel permet d’éviter les affres économiques du premier indice.

Le troisième indice est lié aux gains faramineux du deuxième indice.

À ceux qui oseraient une réponse et proposeraient des solutions, il faudrait rappeler qu’aucun gouvernement au monde n’a encore imaginé de projet alternatif à la croissance.

On ne peut donc pas espérer mettre un terme prochain à la confusion entre DT1 et DT2.

Si je parle d’une science de faussaire, d’une terminologie trompeuse ou d’une médiatisation biaisée on m’accusera d’être un théoricien du complot.

Je devrai alors me contenter du principe de réalité en constatant que même la très austère HAS (Haute Autorité de Santé) ne parvient pas à la rigueur scientifique qui convient à ces deux diabètes si dissemblables, puisque le Conseil d’Etat a dû récemment abroger la fiche de transparence et les recommandations sur le DT2.

De quoi conclure que les numéros des diabètes seront discrètement oubliés pendant très longtemps et qu’il faudra plus longtemps encore pour oser affirmer que le numéro 2 n’est pas une maladie.

Références