Archive pour décembre 2010

Comment avoir du retard ?

dimanche 19 décembre 2010

–              Docteur, j’ai du retard, m’avait dit cette jeune patiente sénégalaise avec un air triste.

J’hésitais à répondre, car il m’étonnait de constater une déception ou une inquiétude pour un retard de règles chez une jeune femme africaine.

C’est vrai qu’elle était accompagnée de deux enfants de deux et quatre ans et on pouvait imaginer qu’elle souhaitait en rester là, car les temps sont difficiles.

–              Très bien, et de quand datent vos dernières règles, m’enquis-je avec tout le professionnalisme qui convient à ce genre de consultation ?

–              D’hier, je les ai eues hier matin.

–              Excusez-moi, je ne comprends pas. Alors vous n’avez pas de retard.

–              Eh bien si j’ai du retard. J’ai arrêté d’allaiter le dernier depuis plus de trois mois et je ne suis pas encore enceinte.

C’est alors, et alors seulement, que j’ai compris qu’à l’heure de la globalisation, la médecine et le soin resteront toujours les moins exportables des cultures.

Ne martyrisons plus nos obèses

mardi 7 décembre 2010

L’obésité est une maladie où la prise en charge risque d’être blessante pour des patients qui vivent une double exclusion. Sociale en tant qu’enfants fragiles de nos nouveaux modes de vie. Médicale en raison de l’échec de toutes les thérapeutiques.

Lorsque l’obésité est définie comme une maladie environnementale, les obèses ont spontanément tendance à se sentir coupables. Nous devons les rassurer sur ce point, car le mode d’alimentation de l’adulte et la sédentarité ne sont qu’une infime part des causes environnementales de cette pathologie. La vie intra-utérine, le mode d’allaitement du nourrisson, l’alimentation de l’enfance, la sédentarité de petite enfance, les inflammations, les infections et les traitements antibiotiques perturbateurs du microbiote intestinal sont des causes environnementales majeures dont ils n’ont pas à assumer la responsabilité.

Cette déculpabilisation, ne règle hélas aucun des problèmes thérapeutiques, puisque le seul moyen d’espérer une amélioration est l’action sur le ratio calorique : diminution des entrées et augmentation des sorties. Ce qui suppose une volonté farouche et aboutit à de nouveaux échecs qui majorent la culpabilité et aggravent inévitablement la maladie. L’obésité est une ignominie morale et un cercle vicieux physique.

Ainsi, lorsque médecins et marchands leur proposent des traitements ou des régimes miracles, les obèses se jettent dessus avec l’avidité du désespoir. Clientèle captive d’un marché qui sait tirer habilement les ficelles de ces pauvres marionnettes.

Mais là n’est pas encore le pire…

La plupart des médicaments qui ont été proposés dans l’obésité se sont révélés non seulement inefficaces, mais aussi très dangereux. Après les retraits du marché du Pléthoryl en 1988, de l’Isoméride et du Pondéral en 1997, du Triacana en 2004 et du Sibutral en 2010, la récente mésaventure Médiator vient nous confirmer une fois de plus la toxicité de ce genre de traitement.

N’en doutons pas, de nouveaux traitements seront proposés et retirés du marché. Il semble pourtant tellement logique qu’une maladie environnementale ne puisse être traitée par un comprimé !

Comme nos patients obèses espèrent toujours un traitement actif en dehors de l’action sur le ratio calorique, ils sont définitivement incapables de refuser, par eux-mêmes, les comprimés que nous leur proposons. Ecoutons alors leur physiologie s’exprimer de plus en plus clairement : chaque nouveau traitement médical est un nouveau coup que nous leur portons.

Il est des  domaines de la médecine où, définitivement, seules la prévention et les règles hygiéno-diététiques ont droit de cité.