Archive pour août 2013

L’alcool n’est pas discriminatoire

mardi 27 août 2013

Boisson fermentée et magique qui permettait de se rapprocher des dieux, l’alcool a été consommé de tout temps et dans toutes les cultures.

Les civilisations arabes ont été les premières à s’en méfier, puis à dénoncer son action malsaine sur la raison, pour finir par le proscrire définitivement. Cette prohibition a été suffisamment précoce dans l’Histoire pour se transformer en valeur culturelle et religieuse.

Dans le même temps, l’Occident en a magnifié les vertus jusqu’à le nommer parfois « eau de vie » ou l’introduire dans certains rites religieux. Pour finir par en fabriquer des quantités industrielles au moment de la révolution du même nom.

Très vite, on a évalué les ravages sociaux et sanitaires de cette consommation de masse, mais il était trop tard pour arrêter la machine commerciale. La tentative de prohibition aux Etats-Unis a été un cuisant échec.

La violence conjugale est le plus constant des dégâts de l’alcool, et elle est passée au premier plan, devant les accidents du travail et de la route. Le viol est assez souvent, lui aussi, un produit dérivé de l’imprégnation neuro-hormonale. L’émancipation des femmes occidentales au cours du XX° siècle n’y a rien changé ; elles restent les premières victimes de l’ivresse masculine.

Si la libération de la femme n’a pas encore atteint  les rives des pays arabes, il faut cependant constater que les femmes y tombent moins souvent sous les coups de leurs mâles abstinents. Cet avantage, certes relatif, se paie parfois au prix très fort selon les pays. La lapidation pour adultère, la prison pour avoir levé le coin du voile, ou le viol collectif, sont quelques aspects régionaux des sévices de substitution à ceux de l’alcool.

Ne nous risquons jamais à comparer les us et coutumes ou à tirer des conclusions hâtives. Ne tombons pas dans le piège du politiquement incorrect en jugeant tel peuple ou telle pratique.

L’alcool nous fournit ici une excellente occasion de neutralité et d’impartialité. L’alcool n’est décidément pas un objet de discrimination. Indépendamment du pays ou de la culture, quel que soit le niveau d’alcoolisation des mâles, ce sont les femmes qui « trinquent ».

La misère est-elle mauvaise pour la santé ?

mardi 20 août 2013

La médecine basée sur les preuves a encore frappé. Une publication dans un très sérieux journal médical psychiatrique [[1]] révèle que le chômage parental et de mauvaises conditions socio-économiques dans l’enfance favorisent les addictions, les troubles du comportement et la délinquance à l’adolescence.

« Étonnant, non ! », aurait dit feu Pierre Desproges.

Jusqu’à ce jour, beaucoup de parents essayaient de trouver du travail, de mettre leurs enfants dans de bonnes écoles, de diminuer le nombre d’heures passées dans la rue ou devant la télévision, mais ils n’étaient pas encore certains que toutes ces contraintes avaient un intérêt pour leur progéniture.

Désormais, la preuve est faite ; les enfants de chômeurs ont plus de problèmes que les enfants de travailleurs. Mieux encore : « Mieux vaut être riche et en bonne santé que pauvre et malade », comme aurait dit Coluche, un autre grand disparu.

Nous savions depuis longtemps que l’humour est la forme suprême de l’épistémologie. Nous savons désormais que l’absence d’humour est  l’aboutissement des grands diplômes et des études prestigieuses.

Ce sujet sur les dangers de la misère pourrait donc être définitivement clos. Hélas, toute étude est sujette à caution.

D’un côté, quelque ignorant de la chose statistique dira, avec sérieux, qu’il connaît un enfant battu, malnutri et non scolarisé, devenu cadre supérieur et bon père de famille, ou un enfant de milliardaire ayant connu toutes les infortunes comportementales avant de se suicider.

De l’autre côté, un esprit brillant va détecter le biais fatal, car toute étude populationnelle en comporte au moins un. Particulièrement, celles où les critères de jugement sont socio-économiques et psycho-cliniques. Ce lobbyiste ou leader d’opinion pourra alors promouvoir l’illogisme absurde que nous chérissons tant : si la preuve de la thèse est fausse, c’est que l’antithèse est vraie.

Les gouvernements pourront alors laisser tranquillement s’aggraver les inégalités sociales. Les enfants de chômeurs, privés d’école et de diplômes, pourront conserver leur humour.

Et cela donnera du travail à des diplômés pour de nouvelles recherches sur des médicaments actifs contre les addictions et la délinquance, voire sur les causes génétiques de ces deux « maladies », que le chômage ne saurait expliquer !


[1] Seethalakshmi Ramanathan et coll.: Macroeconomic environment during infancy as a possible risk factor for adolescent behavioral problems. JAMA Psychiatry 2013; 70: 218–225.

Requins, platanes ou bolides

jeudi 1 août 2013

Les requins sont les plus redoutés des carnivores marins, et ils sont en très bonne place, avec le lion et le loup, dans le bestiaire de nos fantasmes.

Incontestablement, les requins attaquent parfois l’homme, même en dehors des studios d’Hollywood. Le requin bouledogue à La Réunion, et le requin blanc en Australie, sont les plus meurtriers.

L’homme ne fait pas partie de leurs proies habituelles ; ils n’aiment pas sa chair et craignent sa présence. Parfois, ils ne le reconnaissent pas, car il est bizarrement affublé d’un surf ou autre artifice inconnu. Ils pratiquent alors une morsure dite « d’exploration », pour savoir si cette « nouvelle » proie peut être intéressante. Hélas, la morsure d’un requin, même si elle n’est réalisée qu’à titre de « curiosité », peut être mortelle pour le surfeur.

Le record annuel est de 80 attaques, dont cinq mortelles, pour trente millions de surfeurs dans le monde. La létalité est une valeur relative qui indique le risque de mort d’une pratique ou d’une maladie donnée. La létalité annuelle du requin/surf est donc inférieure à 0,00002%.

Depuis quelques années, la pratique de la Formule 1 est devenue beaucoup moins dangereuse. De dix morts par an dans les années 1970, nous sommes passés à deux par an dans les années 2000, et à un tous les cinq ans aujourd’hui.

Il y a environ une centaine de pilotes dans le monde. La létalité de la Formule 1 est donc dix-mille fois plus élevée que celle du surf/requin (0,2%).

Le drame médiatisé de chaque nouvelle mort interpelle et oblige les décideurs.

Certains ont songé à éliminer tous les requins pour protéger les surfeurs, comme d’autres avaient envisagé de couper tous les platanes pour répondre à la grogne des motards venant s’y fracasser par centaines.

En raisonnant en termes de mortalité absolue, il faudrait éliminer, dans l’ordre : les motos, les platanes, puis les requins, et enfin les bolides de Formule 1.

Si l’on considère la létalité, il faudrait éliminer, dans l’ordre : les motos, les bolides, les platanes, puis les requins.

Dans une société complexe, nul politique n’oserait proposer la suppression des motos et de la Formule 1. Ce n’est pas une raison pour pratiquer une démagogie vengeresse sur les platanes et les requins.

La seule règle valable reste la « règle d’or », celle que l’on appliquerait à soi et à ses proches. Que conseillerait-on plutôt à ses enfants ? Pour ma part, j’ai choisi : ce serait le surf. Ce choix est forcément le meilleur puisqu’il a le rare avantage de faire coïncider des pressentiments avec des données épidémiologiques.