Archive pour novembre 2013

Diabète de type 2 : on continue sans rien changer

mardi 26 novembre 2013

Parmi cent articles identiques sur le diabète, j’en choisis un au hasard, récemment inséré dans mon quotidien préféré (sans participation de sa rédaction). Dès les premières lignes, on comprend qu’il s’agit du diabète de type 2 (DT2). L’article précise, avec raison, que l’on ne meurt pas de ce diabète, mais de ses complications. C’est l’occasion de rappeler qu’à la différence du diabète de type 1 (DT1), pathologie gravissime qui tue rapidement les malades laissés sans soins, le DT2  n’est pas une « maladie », mais un « facteur de risque ». On peut s’étonner ici que la médecine manque de rigueur au point de donner le même nom à un facteur de risque non perçu par les patients, et à une maladie mortelle. Seul le numéro change. J’ai parfois lu certains articles de grands médias où le numéro du diabète n’était même pas précisé ! Stupéfiant laxisme qui ne peut guère améliorer le niveau de l’éducation sanitaire.

L’article, commandité par deux industriels, précise le coût sanitaire du DT2 (18 milliards € en France). Ce « facteur de risque » se répand à vive allure, il y a 350 millions de « malades » dans le monde (ce sont en réalité des non-malades à risque de le devenir), et il y en aura le double dans dix ans, d’après les prévisions de l’OMS.

Le décor de la catastrophe sanitaire est ainsi posé par les plus hautes autorités de santé et relayé avec sérieux par ces industriels vigilants. Voyons maintenant quels sont les remèdes proposés par les sponsors de l’article. Il faut « accompagner » ces « patients » en dosant leur sucre, de plus en plus tôt et de plus en plus souvent, en leur suggérant une meilleure hygiène de vie et, surtout, en leur enseignant l’observance thérapeutique pour faire baisser leur glycémie (taux de sucre).

Comme aucun symptôme ni aucun signe clinique ne donne à ces « patients » une idée approximative de leur glycémie, les auteurs « suscitent » l’anxiété en incitant à des dosages répétés pour vérifier que ce taux de sucre se situe bien au-dessous de la norme prédéfinie par la médecine. Tout semble clair et logique : c’est la seule façon d’éradiquer ce véritable fléau mondial…

La lecture est terminée…

Les esprits les plus curieux et les plus éveillés, se demandent alors certainement pourquoi cette méthode, déjà prônée et appliquée depuis plus d’un demi-siècle, n’a pas enrayé la forte progression de l’incidence du DT2, malgré des dépenses faramineuses.

Enfin, comment peut-on, au sein du même article, donner la méthode pour vaincre une « maladie » et annoncer le doublement de son incidence dans les dix ans ?

Les médecins n’auraient-ils donc plus confiance en leurs méthodes, ou se laisseraient-ils trop naïvement dicter leurs articles et leur mode de pensée par les stratèges de la mercatique, sans même prendre la peine d’une relecture attentive de clinicien et d’épidémiologiste ?

Références

Massacres de vaccinateurs

mardi 19 novembre 2013

En 2001, le monde avait tremblé d’un étrange effroi culturel en apprenant que les Talibans avaient fait dynamiter les deux gigantesques sculptures des Bouddhas de Bamiyan, classées au patrimoine mondial. Ces statues dataient d’une période préislamique qui insultait leur histoire revisitée.

Puis le monde a fini par oublier et relativiser cette grossièreté. Force était de redécouvrir que ces folies destructrices avaient toujours eu cours en tous lieux et de tous temps. Les révolutionnaires français avaient décapité les statues à la gloire de l’Ancien Régime, et Mao Zedong avait lancé ses gardes rouges à l’assaut des sculptures et des temples bouddhistes. On pouvait alors penser que rien n’est jamais vraiment nouveau sous les cieux de la barbarie…

Ce qui déroute le plus notre observation des Talibans, c’est leur surprenante vitalité nihiliste ; cet oxymore décrit assez bien la faculté qu’a leur violence à se nourrir de sa gratuité. Bombarder les écoles et les hôpitaux non coraniques, lapider les femmes, accumule les morts sans faire progresser leurs idées. Une idéologie qui n’arrive même plus à se nourrir de ses cadavres, cela, par contre, est une réelle nouveauté.

Les femmes privées de soins et d’éducation meurent désormais plus jeunes que les hommes ; cela est aussi une nouveauté dans l’Histoire de l’Humanité où les femmes ont toujours eu une meilleure espérance de vie que les hommes, principalement chez les peuples guerriers.

Mais c’eût été faire insulte à leur inventivité que d’avoir pu supposer qu’ils s’arrêteraient là. Ils s’en prennent désormais aux mères et à leurs propres enfants. Le massacre des vaccinateurs au cours de l’année 2013 a dépassé tout ce que l’on pouvait imaginer. Alors que l’OMS était sur le point d’achever sa campagne d’éradication de la poliomyélite, l’assassinat de vaccinateurs et même de mères amenant leurs enfants, est un nouvel épisode de leurs prouesses médiatiques.

La poliomyélite était presque sur le point d’être la deuxième maladie éradiquée après la variole. Il faudra attendre encore un peu, car la mort des vaccinateurs devient un risque sanitaire désormais supérieur à celui de la polio.

Et, avant de retourner à nos léthargies, prions Allah et les dieux de tous les panthéons pour que la polio puisse être, un jour, la seule nuisance qui persiste pour les enfants de Talibans.

Le placebo n’est pas une insulte

jeudi 14 novembre 2013

Nous ne cessons jamais de redécouvrir la puissance de l’effet placebo ni de disserter sur ses mécanismes obscurs.

De tous temps, les placebos ont représenté l’essentiel des thérapeutiques ; en réalité, ils contenaient toujours quelque « simple », « essence » ou « principe », hérités de croyances et d’empirismes ancestraux. Ces traditions d’apothicaire se sont maintenues jusqu’à nos jours, permettant d’éviter d’avoir à affronter cette vérité : la plupart des maladies et symptômes ont une histoire naturelle qui les conduit spontanément à la guérison, à la tolérance ou à la disparition. Les pharmaciens ont ainsi fabriqué et vendu avec bonheur d’innombrables placebos dont le seul véritable effet était souvent un effet indésirable. Certaines nuisances de ces placebos étaient d’ailleurs vécues comme une preuve indirecte de leur efficacité. Le seul critère d’évaluation étant la conviction intime des patients.

Puis avec l’émergence de la « médecine basée sur les preuves », il a fallu fabriquer de « véritables » placebos afin de les comparer à des médicaments dont on voulait prouver l’efficacité par des méthodes statistiques. Ces placebos destinés aux essais cliniques ne contiennent qu’une poudre inerte à l’intérieur d’une gélule ou d’un comprimé. Ces placebos « modernes » sont donc moins toxiques que les anciens, ils ne peuvent avoir aucune nuisance réelle, même si l’on s’étonne de constater qu’ils provoquent aussi de véritables effets secondaires ! Ces « nocivités placebos » confirment bien l’extraordinaire complexité du phénomène.

Cette méthodologie conduit à la disparition progressive des anciens placebos, car les autorités refusent de rembourser des médicaments n’ayant pas réussi l’épreuve statistique. Par ailleurs, on refuse de commercialiser de nouveaux vrais placebos, car de très nombreux patients vivraient, sans doute, la chose comme une insulte à leur égard.

Essayons maintenant d’être pragmatiques. Un vrai placebo a deux effets possibles : soit ne rien faire, soit faire du bien. Un ancien placebo et un vrai principe actif ont trois effets possibles : soit ne rien faire, soit faire du bien, soit faire du mal.

Soyons maintenant plus biologistes en considérant les gestes et objets de  médiation dont Konrad Lorenz a démontré l’importance, dans le monde animal, comme « déclencheurs innés » des chaînes réflexes et comportementales. L’homme ne fait pas exception et le placebo est certainement l’un de ces « déclencheurs ».

Rien ne devrait donc nous empêcher de réhabiliter, de commercialiser, voire de rembourser le vrai placebo, car sa balance bénéfices/risques est toujours positive et il n’est décidément pas une insulte à la biologie la plus élémentaire.

PS : Idéalement, éduquer nos enfants à ne pas ingérer de vrai ou faux placebo les aide à mieux connaître l’histoire naturelle de leurs symptômes. Cette connaissance sert assurément de « déclencheur acquis » pour les adultes ainsi éduqués.

Générations futures des césariennes

vendredi 8 novembre 2013

Médecins et épidémiologistes avaient constaté depuis longtemps que la naissance par césarienne semblait augmenter le risque de diabète et d’obésité chez l’enfant, et par la suite, chez l’adulte.

Les indications de la césarienne pour raison exclusivement médicale concernent moins de 8% des naissances. En France, depuis 1980, le taux de césariennes est passé de 10% à 24%. Il est de 30% aux Etats-Unis, de 47% en Chine, et dans plusieurs pays, quelques villes ou cliniques affichent des taux de césariennes de 80% !

Il ne suffit pas de constater que la prévalence de l’obésité augmente parallèlement au nombre de césariennes pour affirmer une relation de causalité entre les deux. Une telle affirmation nécessite, d’une part, des études comparatives de population, d’autre part, une explication physiologique rationnelle. Cela est désormais chose faite.

Une première étude vient d’être publiée, à partir d’une banque de données prospective de 1300 nourrissons suivis pendant 10 ans.

Les résultats confirment que le risque d’obésité à l’âge de 12 ans est multiplié par 1,9. Il y a donc presque deux fois plus d’obèses chez les enfants nés par césarienne.

Quant à l’explication physiologique, elle commence à être également bien comprise. L’accouchement par césarienne empêche le nouveau-né d’avoir un contact initial avec la flore de la muqueuse de la filière pelvi-génitale de sa mère (microbiote vaginal). Ce premier contact a d’importantes répercussions sur la constitution de la flore intestinale initiale du nourrisson. Nous savons par ailleurs que le déséquilibre de cette flore, notamment l’inversion du rapport firmicutes/bactéroïdètes est une cause importante d’obésité.

L’épidémie mondiale d’obésité est donc partiellement due à l’augmentation du nombre d’accouchements par césariennes. Il y a évidemment bien d’autres facteurs de risques, mais celui-ci doit être considéré avec attention, car il est l’un des rares, avec l’augmentation de la consommation de sucres, dont la preuve est désormais établie.

Les dérives médicales proviennent souvent de la cupidité des uns ou de l’angoisse des autres, mais elles proviennent plus sûrement d’une méconnaissance de la complexité de l’écosystème que représente notre organisme.

Cette confirmation du risque d’obésité vient s’ajouter à la liste déjà trop longue de risques majorés chez les enfants nés par césarienne : troubles respiratoires, asthme, allergies, diabète de type 1.

À l’heure où le thème des générations futures semble nous préoccuper, il n’est pas vain d’alerter les obstétriciens et les parturientes sur cette dérive des césariennes qui contribue à aggraver la morbidité de nos descendants.