Archive pour avril 2013

Rendons des malades à Pluton

jeudi 25 avril 2013

Trier, classer, ordonner, catégoriser sont certainement les activités primaires de tout système nerveux dès les premiers stades de l’évolution. Pour les poux, le monde se divise en deux catégories : les poils et tout le reste. Les animaux classent les objets de leur environnement en fonction de critères tels que « se mange », « ne se mange pas », « dangereux », « inoffensif », etc.

Chez l’homme, la catégorisation et la classification sont des activités cognitives élaborées. Toute science progresse par un jeu de classifications et déclassifications successives.

Neptune avait été prédite dans la catégorie « Planètes », avant même d’avoir été observée. Et, plus récemment, une nouvelle définition des planètes a fait sortir Pluton de cette catégorie.

Le succès scientifique insurpassable d’une classification est de permettre des prédictions qui se vérifient.

Darwin, en établissant le lien entre le groupe des plantes à fleurs et celui des insectes pollinisateurs, a pu prédire l’existence d’hyménoptères grâce à des orchidées, et inversement.

Le tableau de Mendeleïev a permis d’affirmer l’existence d’éléments chimiques encore inconnus, tels que le gallium et le germanium qui sont venus combler les cases vides qui les attendaient.

La classification des maladies selon le modèle actuel des sciences biomédicales permet de prédire l’existence de maladies encore inconnues. Les puces à ADN, qui détectent désormais des cellules tumorales circulantes, nous réservent une moisson de cancers méconnus qui apparaîtront de plus en plus tôt. La catégorisation des humeurs et élans de la vie va permettre d’enrichir à l’infini les entités psychiatriques. Au-delà de la génomique, les trente millions de mutations qui distinguent chacun d’entre nous de son voisin, nous exposent à une infinité de maladies potentielles et orphelines que la science saura assurément déceler longtemps avant notre mort.

L’existence de ces maladies sera, chaque fois, confirmée par la publication d’essais thérapeutiques pleins d’espoir. L’espoir étant toujours la plus tangible des réalités thérapeutiques.

Ainsi, comme l’astronomie, la biologie évolutionniste ou la chimie, la médecine pourra accéder au rang de science exacte si elle opte définitivement pour le référentiel actuel des classifications du modèle biomédical.

Les médecins humanistes persistent à maintenir un référentiel centré sur la réalité sanitaire des patients. Ils se basent sur des maladies et des symptômes vécus dont la variabilité, l’évolutivité, voire la disparition spontanée, ne permettent aucune classification définitive. Ils ne prétendent pas à la science exacte, ni pour eux, ni pour leurs patients.

Avec la classification biomédicale, les patients meurent après de longues maladies. Sans cette classification, ils meurent à l’abandon.

Pour sauver ces patients de l’abandon, il est urgent de changer de classification, afin que chacun puisse enfin mourir de sa bonne mort…

Comme Pluton.

Observance et éducation thérapeutique

mercredi 10 avril 2013

L’observance thérapeutique est un sujet de grande importance pour une médecine qui se veut scientifique, car il est impossible de connaître l’efficacité exacte d’un traitement si le patient ne le prend pas correctement.

Lors des réunions de travail entre industriels de la santé et professionnels du soin, le thème de l’observance fait l’objet de réflexions autour des méthodes les plus efficaces pour l’améliorer. Démontrer au patient la nécessité de suivre son traitement, l’alerter sur les dangers de sa négligence et lui enseigner les moyens de bien gérer sa thérapeutique.

Eludons le caractère infantilisant de cette « éducation thérapeutique », pour insister davantage sur l’aspect très réducteur de cette vision des choses.

Les praticiens de terrain constatent l’excellente observance des traitements dont dépend réellement la vie de leurs patients. Les vrais diabétiques, c’est-à-dire ceux qui ont une déficience auto-immune du pancréas, n’oublient jamais leur injection d’insuline. Les insuffisants rénaux ne ratent jamais ni le jour ni l’heure de leur dialyse. Les rescapés de phlébite, d’AVC ou d’embolie pulmonaire surveillent scrupuleusement l’efficacité de leur anticoagulant.

Inversement, la non-observance se constate presque toujours pour des « pathologies » qui n’en sont pas, au sens littéral du terme, mais qui ne sont que des « facteurs de risque », tels que l’hyperglycémie, l’hypertension ou l’hypercholestérolémie. On la constate aussi, à un moindre degré, dans certaines pathologies à expression clinique variable, telles que l’asthme, l’eczéma ou encore la dépression.

Ne pourrait-on interpréter cette mauvaise observance comme la connaissance tacite et profonde, par les patients, du caractère marginal de ces thérapeutiques par rapport à l’importance des règles hygiéno-diététiques ou des modifications de leur environnement ? Les patients finissant par percevoir le caractère dérisoire et illusoire de ces emplâtres sur leur mode de vie.

La grande mode actuelle de « l’éducation thérapeutique » dans les consensus imposés aux médecins, est une réaction des firmes de la santé à cette non-observance, non seulement, car elle réduit le volume de leurs ventes,  mais surtout, car elle risque de fragiliser les preuves qu’elles avancent.

Alain Froment, cardiologue et épistémologiste, en avait déjà compris les bases métamercatiques : « La notion de Mal est dénaturée et se résume à une anomalie objective à laquelle le médecin confère une valeur négative, et dont le Bien se déduit a contrario. L’éducation thérapeutique cherche à faire partager cette conception par le profane. »

Dénoncer l’irrationalité de la non-observance n’est finalement qu’un trompe-l’œil, au même titre que revendiquer la rationalité des thérapeutiques proposées dans ces cas particuliers.

Pilule et tabac libérateurs

mercredi 3 avril 2013

Comme tous les médicaments, la pilule peut tuer. Chaque année, 0,03% de la population française meurt à cause d’un médicament. C’est-à-dire presque autant que par la grippe, deux fois plus que par suicide, et dix fois plus que par septicémie !

Dans les années 1970, on a compris le danger de la pilule pour certaines femmes ayant des troubles génétiques de la coagulation. C’était la contre-indication majeure avec celle de l’insuffisance veineuse.

La pilule est un cas particulier dans l’Histoire de la médecine, puisque c’est la première fois qu’une prescription pharmaceutique faite par le médecin n’avait pas pour objectif de soigner une maladie. La pilule a été un réel progrès social, une amélioration de la qualité de vie pour les femmes et l’un des éléments de leur « libération ».

Est-il scandaleux qu’un élément de confort et de qualité de vie puisse tuer ? Il semble que non, puisque nous nous accommodons fort bien des 3000 morts prématurées par accident de la route, des 30 000 par l’alcool et des 60 000 par le tabac.

Améliorer sa qualité de vie est devenu si indispensable que nul n’oserait jamais suggérer une suppression de la pilule, de l’automobile, de l’alcool ou du tabac.

Il est cependant des interactions particulièrement dangereuses, comme celle de l’automobile et de l’alcool, qui a causé tant de morts qu’il a fallu légiférer. Boire ou conduire, il fallait choisir. En quelques années, la loi a fait chuter les morts de la route de 16 000 à moins de 6000. Un gain de 10 000 vies est appréciable.

L’interaction entre pilule et tabac est également très mauvaise. Certes, les 20 morts annuelles de la pilule paraissent une moindre urgence de santé publique, mais il est pourtant facile de diviser ce chiffre par quatre en supprimant l’association pilule-tabac. Un gain de 15 vies par an serait également appréciable. Mais, faute de pouvoir légiférer sur ce point, profitons du « buzz » contre la pilule pour faire le « buzz » contre le tabac.

Les jeunes filles et jeunes femmes fument de plus en plus. Leur mortalité par cancer du poumon est en train de rattraper celle des hommes qui ne tarderont pas à les talonner pour l’espérance de vie. C’est sans doute le prix à payer pour la « libération ».

Le tabac est également un facteur important de cancer du sein. Parmi les autres facteurs de ce cancer, il faut noter les grossesses tardives et l’absence d’allaitement. Il serait donc souhaitable que les femmes ne fument plus, ne prennent plus la pilule, enfantent très tôt et allaitent pendant au moins 1 an !!…

L’ange est passé… Profitons de son absence pour répéter que le stérilet est un moyen de contraception simple, écologique, efficace et sans danger…

À condition de réapprendre les gestes simples aux médecins et de ne plus les laisser s’enfermer dans la chimie.