Archive pour août 2010

Devoir de vulgarisation

vendredi 20 août 2010

Beaucoup de scientifiques pensent que la vulgarisation est une perte de temps et d’efficacité pour la recherche. En plus de l’élitisme qu’elle dissimule, cette idée reçue est doublement fausse.

 Les rares études réalisées sur ce sujet montrent clairement que les chercheurs vulgarisateurs sont aussi les plus productifs et les plus souvent cités par leurs pairs. (1)

De plus, les processus cognitifs obligeant à reformuler son savoir afin d’être mieux compris par le profane, sont très bénéfiques par leur effet rétroactif sur l’organisation générale de ce savoir. Ainsi, la pédagogie n’est pas seulement un luxe ou une faculté, elle fait partie intégrante de l’organisation globale des processus mentaux qui régissent un domaine de compétence. (2)

La vulgarisation est donc doublement bénéfique pour le chercheur lui-même.

 Enfin, bien évidemment, la vulgarisation scientifique est utile à la nation puisqu’elle peut susciter des vocations, au même titre que le fait une brillante équipe de football dans une ville.

Enfin et surtout, la vulgarisation est un devoir citoyen, car il en est des populations comme de tout objet soumis à la gravitation : quand on le tire vers le haut, il monte, et quand on le lâche, il tombe.

 Pour toutes ces raisons, le ministère devrait également évaluer les chercheurs et les laboratoires sur la qualité et l’efficacité de leur vulgarisation. Pour l’instant, les astronomes ont la médaille d’or tandis que biologistes, chimistes et médecins sont à la traîne. 

(1) P. Jensen, La recherche, N° 407, Avril 2007, p 20-21

(2) Saczynski JS et coll. Am. J. Epidemiol. 2006, 163, p 433-40.

LUCA et le Big Bang

dimanche 8 août 2010

Depuis Galilée, qui avait tant agacé nos papes, la vulgarisation de l’astronomie a fait florès. Faites un test vous-mêmes auprès de vos amis ou patients en posant des questions simples. Le Big Bang, par exemple, a un taux de pénétration de plus de 99% dans la population. Il n’est plus un seul adulte qui ne sache grossièrement exposer de quoi il s’agit.

Un concept équivalent à celui du big-bang a vu le jour en biologie depuis la découverte des lois de l’évolution, il s’agit de LUCA.

Le modèle scientifique actuel des lois biologiques, malgré son ancrage conceptuel encore plus solide que le modèle astrophysique n’a pourtant pas réussi sa vulgarisation.

Faites la même expérience avec vos amis ou confrères au sujet de LUCA et vous verrez leur bouche béer comme, possiblement, la vôtre à la lecture de ces lignes.

LUCA est le sigle de (Last Universal Common Ancestor) qui correspond à la cellule procaryote définie comme l’ancêtre commun de toutes les formes de vie actuelles, selon le modèle évolutif admis par tous les chercheurs. Sa définition est à la fois aussi précise et aussi imprécise que celle du Big-Bang.

La question qui se pose alors est celle de la persistance d’un tel fossé entre la connaissance biologique et sa vulgarisation. Certes, il y a bien deux siècles d’écart entre l’astronomie moderne et la biologie moderne, cependant le Big Bang n’a qu’un demi-siècle alors que LUCA avait déjà été clairement évoqué dans la « soupe primitive » de Darwin il y a 150 ans.

La raison essentielle relève d’une intimité sommaire. La biologie nous concerne trop directement. Nos individualités acceptent volontiers l’idée d’un ancêtre commun à toutes nos étoiles, mais rechignent à partager un ancêtre avec un voisin, un bédouin, une fourmi ou une asperge.

En médecine où l’intimité biologique n’a plus rien de sommaire, le fossé devient insondable. Celui qui essaie de faire de la vulgarisation médicale en mesure chaque jour toute l’importance.

Au travail.