Archive pour septembre 2011

Economie d’hier et santé d’aujourd’hui

vendredi 30 septembre 2011

« Pendant sa grossesse, la future mère ne doit pas se livrer à un travail pénible, ne pas porter de jarretières, de vêtements serrant la taille, mais un corset de grossesse, une ceinture soutenant le bas-ventre, un soutien-gorge. Elle a besoin de grand air, de repos au lit ; elle fera chaque jour une petite promenade. Son alimentation sera abondante : peu de viande ; pas d’épices, de conserves, d’aliments indigestes, de liqueurs, de café ; pas plus d’une bouteille de vin par jour. II faut combattre soigneusement la constipation, mais il ne faut pas de purgations. Dans les derniers mois, pétrir tous les jours les bouts de sein et les laver à l’eau de Cologne. »

Ce texte peut être lu sur les livrets de famille distribués aux jeunes mariés en 1940. Il est signé du Bureau Municipal d’Hygiène de Saint-Etienne.

En 1940, les gestantes pouvaient boire une bouteille de vin par jour avec l’agrément du ministère. Ne sourions pas de ce laxisme sanitaire, car il est inélégant de regarder hier avec les yeux d’aujourd’hui. L’analyse n’en reste pas moins intéressante. Un autre passage de ce même texte précise que 10% des nouveau-nés français mourraient au cours de la première année – quel progrès en un demi siècle ! – et cite parmi les deux causes majeures de ces morts prématurées, les maladies chroniques et l’alcoolisme des parents. Le problème de l’alcoolisme parental avait donc été bien identifié par les autorités sanitaires.

Le texte poursuit : « Tout ce qui éloigne l’enfant de sa mère le met en danger. L’envoyer en nourrice lui fait courir les plus grands risques de mort ou d’infirmités ; il meurt presque dix fois plus de nourrissons séparés de leur mère que d’enfants recevant le lait maternel. » Nous pourrions penser que la nourrice pouvait présenter un avantage en cas d’alcoolisme maternel, mais ce n’était pas le cas, car un peu plus loin, dans le chapitre concernant l’hygiène de la nourrice on peut lire : « Elle ne doit pas boire plus d’une bouteille de vin par jour ; jamais d’alcool, qui passe dans le lait et présente de graves dangers pour l’enfant. »

Nous voyons encore que le problème de l’alcool avait été bien identifié, mais que le vin n’était pas considéré comme de l’alcool. Le vin était, et reste, l’un des fleurons de l’économie française et de sa renommée internationale.

Aujourd’hui comme hier, les problèmes sanitaires sont bien identifiés. Seule leur formulation et leur vulgarisation diffèrent selon l’environnement économique et les besoins du marché. Que cela ne nous empêche pas aujourd’hui d’être certains que le vin est bon pour le système cardio-vasculaire et la bière excellente pour les nourrices.

Quant au tabac, nous avons désormais la certitude qu’il est mauvais pour tout. Comment expliquer avec nos mots d’aujourd’hui que sa consommation augmente considérablement chez les jeunes futures gestantes. Il nous faut attendre d’avoir les mots de demain.

Injustice des diagnostics

lundi 5 septembre 2011

Le diagnostic officiel de Jacques Chirac est celui d’anosognosie qui signifie la non reconnaissance par un patient de son état pathologique.

Ce rapport médical ne contient probablement que des vérités, il souffre cependant d’une grave lacune : l’anosognosie n’est pas une maladie mais un symptôme.

Quel que soit son intérêt ou son désintérêt pour l’épistémologie médicale, le professeur qui a officialisé ce diagnostic à l’intention des médias ne peut pas ignorer la différence entre une maladie et un symptôme.

D’après les dires de son entourage, notre ancien président souffre aussi de troubles importants de la mémoire immédiate, il ne reconnait pas les visages familiers (prosopagnosie) et n’est plus en prise avec la réalité (agnosie). Lors de diverses apparitions publiques, il a été facile de constater aussi sa perte des convenances et la levée des inhibitions les plus fondamentales.

Tous ces symptômes réunis chez le même patient ne laissent aucun doute sur le diagnostic réel que la plupart de mes confrères ont fait depuis longtemps.

 Jacques Chirac n’est donc pas atteint d’un symptôme unique au nom ésotérique et médiatique, mais d’une maladie fort courante dont tout médecin peut établir le diagnostic clinique avec certitude.

Il y a certainement des raisons très louables pour lesquelles ses médecins n’ont pas prononcé le nom de la maladie. La première est de ne pas heurter l’entourage qui ne souhaitait pas entendre ce nom, car il est des mots qui aggravent la douleur des proches. La seconde consiste à respecter un illustre personnage en ne l’affublant pas d’un diagnostic que l’on considère comme dévalorisant.

C’est ici qu’il convient de critiquer ce bulletin de santé. Il est en effet insultant pour tous les patients atteints de démence de suggérer un aspect péjoratif de cette pathologie. Cela est également irrespectueux pour la souffrance terrible et bien réelle de leur entourage. Enfin, cela est irrespectueux pour les médecins qui osent nommer et affronter cette terrible réalité avec les familles.

La maladie de Waldenström à laquelle avaient succombé le Shah D’Iran et les présidents Boumediene et Pompidou, avait fini par être assimilée à une maladie de chef d’état.

Le nom de Jacques Chirac ne sera pas ajouté à cette illustre liste, il viendra s’ajouter à celui de Ronald Reagan, Margaret Thatcher ou Annie Girardot.

Il est regrettable de ne pas prononcer le nom de démence vasculaire ou celui de maladie d’Alzheimer qui n’ont ni l’une ni l’autre de relation avec le statut social et les capacités cognitives passées des patients atteints. Ces manipulations grossières embrouillent le peuple et l’éloignent encore plus de la médecine et de la politique.

Le diagnostic ne sera pas le même selon que vous serez puissant ou misérable, on pourra déguiser un symptôme au nom complexe pour en faire une maladie.

Nul ne s’étonnera ensuite que le peuple dénonce une justice ou une médecine à deux vitesses, alors que l’injustice envahit aussi le domaine diagnostique.