Archive pour juillet 2010

Le sens des retours et la maladie d’Alzheimer.

dimanche 25 juillet 2010

Chaque été, lorsque la France vadrouille et que se taisent les législateurs et les syndicats, l’information continue avec ses deux marronniers de vacances que sont la météo et le trafic routier. Nous entendons, sans surprise, qu’il pleut en Bretagne et qu’il fait beau en Corse. Nous apprenons aussi, par exemple, que les routes sont dégagées dans le sens des départs et qu’elles sont embouteillées dans le sens des retours.

Les cinquante millions de français qui n’habitent pas en Île de France, sont habitués depuis longtemps à la gymnastique cérébrale consistant à situer leur ville sur l’un des grands axes de migrations traditionnels vus par un informateur parisien : Paris-Océan, Paris-Alpes ou Paris-Allemagne pour le sens des départs, ou bien Méditerranée-Paris, Pyrénées-Paris ou Auvergne-Paris pour le sens des retours.

Les Toulousains, les Nantais et les Lyonnais peuvent alors grossièrement évaluer quelle part de ces perturbations qui leur revient de droit.

Cependant, l’exercice n’est pas anodin, il nécessite au préalable une représentation cérébrale de la carte de France sur laquelle le raisonnement sera souvent inversé. Cette mentalisation obligatoire est un atout non-négligeable pour les habitants des régions, car chaque entraînement cognitif retarde quelque peu l’apparition de la maladie d’Alzheimer.

Réjouissons-nous donc de cet égocentrisme parisien, comme il faut nous réjouir aussi que la langue française s’éloigne définitivement de son élection comme idiome international, car cela nous oblige à manier au moins deux langues pour survivre dans le monde moderne. Réjouissons-nous aussi que l’Europe n’ait pas encore réussi à éradiquer les microbes de nos fromages qui nous protègent un peu des allergies et des maladies auto-immunes.

Bref, tout ce qui nous éloigne des uniformisations culturelles, des centralismes rassis et des hygiénismes administratifs est bon pour notre santé.

La mort dans le PIB

vendredi 2 juillet 2010

D’après le CNPS, la santé représente 11% du PIB. Diverses études de caisses d’assurance évaluent entre 10% et 15% la part des dépenses de santé concernent la dernière année de vie pour des actions thérapeutiques dont le bénéfice s’évalue en mois, voire jours, de survie de qualité médiocre.

Ce serait une manipulation perverse de rapprocher, sans plus de précisions, ces deux chiffres qui soulèvent deux questions fondamentales. Est-il logique de se consacrer énergiquement à la gestion de la dernière année de vie de nos patients ? Est-il logique de lui consacrer une telle part du PIB ?

À la première question, la réponse est évidemment oui.

La deuxième question ne doit pas être posée sous cette forme fermée (oui/non), car nul n’y répondra de la sorte. Les industriels de la santé et les proches des patients ne verraient pas d’inconvénient à y consacrer 50% du PIB, en arguant que la cause est noble et que l’affection des siens n’a pas de prix. Ce qui est d’une ridicule évidence. Les médecins et soignants qui consacreraient volontiers 90% du PIB à la santé, seraient probablement plus modérés quant à la répartition du budget entre les différents âges de la vie. Ils parleraient aussi de protection maternelle et infantile, d’éducation sanitaire, de prévention, etc. Enfin, nous serions sans doute surpris d’apprendre que les patients concernés ne sont pas les plus revendicateurs quant à l’augmentation de la part de PIB dans la gestion de leurs derniers instants. Dans tous les cas, même IFOP ou SOFRES ne réussiraient pas à obtenir des réponses qui ne soient pas biaisés par l’affect.

Pourtant, il existe déjà au moins deux solutions éthiques à ce dilemme : la loi Leonetti et les soins palliatifs qui représentent de véritables progrès des idées et des mœurs. Sur le terrain, il en va tout autrement : la loi Leonetti est ignorée, voire dissimulée et les unités de soins palliatif ne disposent ni du budget ni du personnel dont disposent chimiothérapies et réanimations  diverses.

Disons le plus simplement : le refus institutionnalisé de l’idée de mort génère des actions inefficaces à un coût déraisonnable et en augmentation régulière sous la pression des acteurs et consommateurs de soin. (Répétons que le résultat objectif de ces dépenses est médiocre, sinon nous n’aurions même pas osé ce sujet.)

Il faut alors poser une question fermée. Est-il souhaitable pour l’avenir d’un pays de consacrer l’essentiel de ses dépenses de santé à la gestion d’un refus illusoire de la mort aux dépens de l’enfance, de la maternité, de la précarité sanitaire ou de l’éducation ?

Si l’on avait le courage d’y répondre, la réponse est évidemment non.

Ce problème est d’autant plus crucial en France que le coût de la protection sociale, qui couvre presque toutes les dépenses de santé, repose sur les salariés et les entrepreneurs qui sont généralement les plus jeunes et les plus indispensables à ce même avenir national.

Le refus de considérer ce problème majeur est une double peine pour les jeunes et pour la nation, car il fragilise l’économie et dégrade la santé publique. L’absence de courage politique et idéologique est le maillon faible de nos riches démocraties. Les ministères confondent volontiers programme et démagogie sanitaire, car leurs électeurs confondent souvent éthique et sensiblerie.