Archive pour février 2016

Zika ou la démesure infectieuse

dimanche 14 février 2016

Plus de 90% de mes confrères n’avaient jamais entendu parler de zika ; ils découvrent ce virus en même temps que le grand public.

Grâce à la génomique et aux tests virologiques, les diagnostics des maladies virales sont de plus en plus précis. Autrefois votre médecin vous exhortait à la patience en évoquant un « virus passager » pour dissimuler son ignorance. Fort heureusement, la plupart des viroses étaient bénignes ; les plus virulentes étaient identifiées ou avaient déjà leur vaccin.

Puis, le SIDA et son cortège de progrès ont fait naître la notion d’émergence. Les virus sont d’extraordinaires opportunistes, ils savent profiter de la libération sexuelle, des transports aériens ou des animaleries exotiques. Les humains sont une véritable aubaine.

Dans la grande famille des arboviroses, on a eu successivement la fièvre jaune, la dengue, le chikungunya, et le zika.  Les observateurs attentifs et optimistes auront remarqué que l’on est passé d’une létalité de 50% avec la fièvre jaune, inférieure à 20% avec la dengue, quasi-nulle avec chikungunya, et à une absence totale de symptôme dans trois quarts des cas de zika.

Pour assurer leur avenir, les arbovirus n’ont manifestement pas choisi la virulence, ils ont choisi la dispersion, donc l’émergence. Ils savent même changer de moustique vecteur.

Mais alors pourquoi tant de bruit médiatique devant tant de bénignité ?

Il est bien imprudent de tenter de répondre à une telle question.  Mais qui ne tente rien…

Même l’OMS est alarmiste ! On lui a reproché sa discrétion pour H1N1 et Ebola, et comme  rien n’est pire aujourd’hui, en politique comme en science, que d’être en retard sur les médias, l’OMS s’affranchit donc de la discrétion… Tant pis pour l’analyse sereine des faits…

Les chercheurs anglo-saxons ont compris depuis longtemps qu’il fallait brandir le péril infectieux pour attirer les subventions publiques et privées. Avec leur optimisme désuet, les chercheurs français sont plus pauvres, même après avoir identifié le virus du SIDA. La science mercatique supplante toutes les autres.

Soyons plus sérieux, il reste le problème de cette microcéphalie. Occasion de rappeler que presque tous les virus, médicaments et produits chimiques sont potentiellement tératogènes au premier trimestre de la grossesse.

Entre les microcéphalies du Brésil et le zika, il existe bien une forte corrélation, mais nous ignorons toujours si la causalité est aussi forte que la corrélation et, surtout, nous ignorons si elle est unique. Il faut patienter…

Enfin, la transmission sexuelle a été évoquée sur deux cas. Sans commentaire !

Mais il y a beaucoup mieux : l’Amérique catholique du Sud reparle d’avortement et de contraception.

Je ne sais pas quel est l’avenir de virulence et d’émergence du zika, mais après avoir convoqué le sexe et la religion, il a certainement un bon avenir médiatique.

Bibliographie

Ineptie des deux diabètes

lundi 8 février 2016

Au début du XVIII° siècle, les progrès de la microscopie ont permis de découvrir et de dénombrer les différentes cellules du sang. Ceci a permis de comprendre l’origine de certains cancers de la rate et des ganglions que l’on a nommé leucémies (du grec leukos, blanc, et haima, sang) en raison de l’abondance de globules blancs dans le sang et la moelle.

Puis en constatant qu’un excès de globules blancs pouvait advenir dans la plupart des infections, y compris une angine ordinaire, on a décidé de nommer « hyperleucocytoses » les excès de globules blancs qui n’étaient pas dus à une leucémie. Sage décision qui a permis d’éviter une confusion entre angine et leucémie, susceptible d’alarmer les patients, à la lecture d’une simple analyse de sang !

Une soif abondante et un excès d’urines caractérisaient cette antique maladie de « l’eau qui traverse le corps » que les grecs nommaient « diabainen » (qui passe au travers) et qui a donné « diabète ». Certains patients avaient l’urine sucrée tandis que d’autres avaient l’urine insipide. Les médecins goûtaient l’urine pour faire la distinction, mais cela ne servait à rien, car nul ne connaissait ni les causes ni les traitements. Puis on a compris que ces deux maladies étaient dues à un manque d’hormone : le diabète sucré résultait d’une carence en insuline et le diabète insipide d’une carence en hormone antidiurétique.

Plus tard, la généralisation des dosages de sucre dans le sang a permis de constater des excès de sucre, sans excès de soif ni d’urines, chez des personnes obèses ou en surpoids ; et, de façon aberrante, on les a nommées diabétiques.

Mais à l’inverse des leucémies, l’erreur ne s’est pas corrigée avec le temps, bien que ces personnes en surpoids n’aient qu’une « hyperglycémie », sans avoir de « diabainen ».

Il a fallu de nombreux réajustement pour tenter de corriger cette ineptie de départ ; on a parlé successivement de diabète gras, de diabète de l’âge mur, de diabète non insulino-dépendant, puis enfin de diabète de type 2, terme encore en usage aujourd’hui chez ces sujets qui n’ont pas le moindre symptôme de diabète.

C’est exactement comme si l’on parlait d’une leucémie de type 2 en cas d’angine.

L’insipide ayant été curieusement négligé dans la numérotation, il reste deux diabètes numérotés qui n’ont strictement rien de commun. Le 1 est une maladie auto-immune rare et gravissime qui commence dans l’enfance et entraîne une mort prématurée en l’absence de traitement. Le 2  est un facteur de risque très courant qui se corrige facilement avec des règles hygiéno-diététique et qui n’entraîne pas de mort prématurée.

Pourquoi deux maladies aussi dissemblables continuent à porter le même nom (on oublie même souvent la référence au numéro 1 ou 2) ?

Quelle autorité pourra corriger une aussi grossière erreur ? Quels lecteurs sagaces auront une idée sur les raisons de sa persistance ?

Bibliographie