Archive pour juin 2022

Crise des urgences

mercredi 29 juin 2022

Les urgences connaissent une crise sans précédent dont la cause, très prévisible, est identifiée depuis longtemps. L’absence de contrainte sur les médecins libéraux et la raréfaction des généralistes ont conduit toutes les souffrances physiques et morales à l’hôpital. Ce lieu de haute technicité et de grande complexité administrative n’a ni la vocation ni l’expertise de l’insignifiance médicale.

Ne doutons pas que le manque de personnel est un facteur de dégradation. La preuve en est donnée par les meilleurs résultats de l’obstétrique, de la chirurgie d’urgence et de la réanimation en semaine que le week-end, et le jour que la nuit. Tout aussi élémentaires sont les études qui font un lien entre la longueur de l’attente et le risque de complications ultérieures. Pour le dire encore plus simplement, les services d’urgence semblent utiles. Leur fermeture est une réaction colérique, a priori hasardeuse…  

Il faut donc cesser de considérer l’offre pour se concentrer sur la demande. Cette dernière est en effet déraisonnable. On évalue à 5% des adultes et 10% des enfants qui quittent les urgences sans avoir été examinés et sans risque ultérieur. Ceux qui ont été examinés et sont repartis sans soins ou avec des soins minimes représentent plus de 90%.

Mais les services publics auraient tort de reprocher au public son angoisse excessive devant le moindre symptôme alors que ces mêmes services, du côté de leur médias, martèlent des messages alarmants sur les risques de mort subite, d’AVC, d’infections virales et ne cessent d’encourager les citoyens à des tests et consultations inutiles.

Lorsque les SAMU et SMUR n’existaient pas, les généralistes réglaient seuls le robinet des admissions aux urgences. Mourrait-on plus ou moins de pathologies aigues ? Il est difficile de répondre à cette question, tout comme il est difficile aujourd’hui d’évaluer la performance des unités neuro-vasculaires sur le pronostic des AVC ou les gains de vie par d’autres types de réanimations spécialisées.

Pour fermer le robinet des admissions, bien d’autres pistes sont à explorer, toutes issues de données probantes. Par exemple les lois anti-tabac et l’interdiction de fumer dans les lieux publics ont fortement diminué les admissions pour infarctus et détresse respiratoire. Les pics de pollution augmentent les insuffisances respiratoires aiguës des nourrissons et des personnes âgées. Le confinement a diminué de 30% le nombre d’admission pour infarctus. L’alcool, le cannabis et les tranquillisants sont les premiers pourvoyeurs de traumatismes graves. Enfin, plus on est riche, moins on est admis aux urgences. Faute de pouvoir agir sur ces leviers, les pouvoirs publics doivent négocier avec les syndicats des urgentistes et demander à l’Ordre des médecins d’être plus ferme avec ses ouailles.

Et puisque des services d’urgence ferment leurs portes, ce sera une belle occasion d’évaluer leur impact sur l’espérance de vie, si tant est que cela soit souhaitable et/ou possible.

Bibliographie

Statines à tous les étages

samedi 18 juin 2022

Les statines sont ces médicaments qui abaissent le taux des mauvaises graisses encrassant nos artères. Leur prescription, après un premier accident vasculaire, diminue le risque d’un second. L’idéal serait de ne pas avoir de premier accident ; hélas les statines n’empêchent pas la survenue d’un premier accident, ce qui laisse supposer que le vieillissement de nos artères n’est pas dû exclusivement au cholestérol. On a en effet déjà identifié plus de cent autres facteurs, permettant de conclure hardiment que la mort est plurifactorielle.

  Les statines ont fait l’objet de plus de 200 000 publications. Cette saturation de l’espace éditorial leur confère une place de choix dans la médiatisation de l’immortalité. Leur chiffre d’affaires annuel d’environ 40 milliards d’euros permet de financer la recherche qui permet à son tour de produire des publications. Il n’est même pas besoin de corruption directe, car cette auto-inflation est un inaltérable pilier de la science mercatique.

Parfois, des leaders de la cardiologie, conscients ou non de leurs conflits d’intérêts, finissent par se lasser. Dans un sursaut cognitif ils veulent parler d’autre chose, sans pour autant se priver des divers soutiens académiques, éditoriaux et financiers des marchands de statines. L’exercice est délicat et risqué pour leur carrière. Ils y parviennent pourtant en mêlant les statines à toutes les sauces (non grasses évidemment) …

Ainsi, l’utilité de ces médicaments a été montrée, ou plus souvent cherchée pour de nombreuses maladies : dans le cancer du sein et de la prostate, dans d’autres cancers à l’épidémiologie moins rentable, dans la démence, l’asthme, la schizophrénie, la maladie bipolaire, l’autisme, la migraine, la dépression, le suicide, la sclérose en plaques, la DMLA, la maladie d’Alzheimer, les kystes ovariens, les septicémies, et beaucoup d’autres que je n’oserai pas citer même en fournissant la bibliographie correspondante. Sans oublier la covid 19 qui ne pouvait pas échapper au test des statines ; les seigneurs doivent s’honorer mutuellement.

Cette panacée qui exerce une suprématie sur la médecine depuis les années 1990 commence à donner des signes de faiblesse. Le chiffre d’affaires des statines diminue régulièrement. N’allez pas croire que cette baisse est liée à leurs nombreux effets secondaires, ni aux publications démontrant que l’arrêt du tabac ou la marche font cent fois mieux, ni aux preuves accumulées de leur inutilité après 70 ans. Non, tout cela est marginal ou considéré comme tel par la cardiologie officielle. Le chiffre d’affaires diminue essentiellement parce que de nouvelles molécules anticholestérol, donc anti-mortalité, apparaissent à grand renfort de publications.

Une nouvelle boucle auto-inflationniste s’annonce, encore plus prometteuse. Les premiers essais sont concluants. La seule précaution d’emploi, tant pour les statines que pour ces nouvelles panacées, est de ne pas les prescrire en même temps que l’extrême-onction.

Bibliographie

Déclin de la transcendance

mardi 7 juin 2022

La neurophysiologie fascine par ses progrès fulgurants et agace par sa prétention à percer les secrets de notre esprit et de nos émotions.

Ceux qui relatent avoir vu un OVNI sont sincères, il ne faut pas leur parler d’hallucination visuelle, car ils le vivent comme une insulte, même en précisant que les hallucinations ne sont pas une exclusivité des psychotiques. Leur rêve d’OVNI dépasse tous ceux de la neurophysiologie.

Dire que les voix de Jeanne d’Arc auraient résulté d’un dysfonctionnement du gyrus parahippocampique suivi d’une stimulation inadaptée de l’aire du langage associée aux hallucinations auditives, serait à la fois sacrilège et traître à la patrie.

Pourtant, nul n’est à l’abri d’une hallucination, même sans psychose et sans Dieu.

Laissons Dieu tranquille pour parler plus simplement d’auto-transcendance, un trait de personnalité qui englobe les comportements religieux. Des neurophysiologistes sont allés jusqu’à établir des scores de cette transcendance afin d’étudier, en imagerie fonctionnelle, sa corrélation avec la densité de récepteurs à la sérotonine dans le néocortex. D’aucuns diront qu’il faut avoir l’esprit tordu pour de telles expériences, d’autres qu’il faut être un prosélyte de l’athéisme. Cependant, la réponse est claire : il existe une corrélation inverse entre les scores de transcendance et le nombre de récepteurs.

Après les dérives de la pharmacologie psychiatrique, voilà de quoi s’inquiéter d’éventuels dégâts de la chimie spirituelle…

Quant aux extraterrestres, ces petits hommes verts qui vous regardent étrangement, il était troublant que plusieurs personnes sans lien en fassent la même description. Une possible explication est basée sur les réveils inopinés en cours d’anesthésie générale : expériences traumatisantes pouvant laisser de pénibles séquelles. Mais pourquoi les petits hommes verts seraient l’une de ces séquelles ? C’est trop bête. Les personnes entrevues lors de ces réveils au bloc opératoire portaient tous des blouses et bonnets verts et regardaient étrangement le patient. On croit volontiers ces patients lorsqu’ils relatent leur peur panique et leur sentiment d’impuissance à ce moment.

Les expériences de mort imminente sont un curieux phénomène identifié dans les années 1970. Les patients ayant survécu à un arrêt cardiaque, coma, noyade, asphyxie ou autre, relatent tous les mêmes sensations : vie qui défile, franchissement d’un tunnel, corps qui flotte au-dessus de soi, paix intérieure. Ces sensations, qui ont logiquement majoré les préoccupations métaphysiques des patients, sont similaires à celles de l’intrusion de sommeil paradoxal dans l’état de veille, constatée dans quelques pathologies. L’explication avancée est un mécanisme cholinergique venant contrebalancer la réaction d’alerte noradrénergique liée à l’accident.

Si les neurophysiologistes continuent à nous spolier des dieux et de la transcendance, il ne nous restera que les djihadistes pour croire en l’au-delà. 

Bibliographie