Archive pour avril 2023

Réhabilitons le sperme

vendredi 21 avril 2023

Les animaux ont obligé Dieu à embarquer des couples sur l’arche de Noé, car ils savaient d’instinct qu’il faut être deux pour faire des enfants. Longtemps après, Galien a envisagé le principe de la double semence. Mais si nul ne doutait que le sperme fut la semence mâle, la semence femelle restait énigmatique ; certains l’ont assez logiquement attribuée aux sécrétions vaginales émises lors de l’accouplement.  

Le microscope mit fin à cette poésie égalitaire en découvrant les gros ovules. En ces temps, la théorie du « préformationnisme » dominait, elle stipulait que l’embryon était déjà préformé dans l’une des deux semences, et que l’autre ne servait qu’à enclencher le processus de son développement. L’ovule semblait être le mieux placé pour abriter cette préformation. Mais lorsque le microscope découvrit des « animalcules » dans le sperme, un courant opposé prétendit que c’étaient ces spermatozoïdes qui contenaient l’embryon préformé, l’ovule ne servant alors que de réceptacle. Cette guerre des ovistes contre les spermatistes dura deux siècles jusqu’à ce que la biologie moderne donne une priorité définitive à l’ovule qui apporte à l’embryon son cytoplasme, donc sa première nourriture, ses mitochondries, donc son énergie, et tout l’ADN mitochondrial qui ne provient que des femmes. Fin du machisme embryologique.

On alla jusqu’à dire que la semence mâle ne servait qu’à déterminer le sexe de l’enfant. Et, après la découverte du processus d’empreinte génétique, sorte de guerre d’influence que se livrent les gènes d’origine paternelle et maternelle, on affirma que l’empreinte maternelle était plus forte. Bérézina des spermatozoïdes.

Certes, dans les sociétés complexes la contribution sociale du mâle est devenue aussi importante que sa contribution spermatique pour assurer l’avenir d’une progéniture. C’est pourquoi l’on voit tant de vieux spermatozoïdes ensemencer de jeunes ovules, confortant encore l’idée que la valeur du sperme importe moins que celle du compte bancaire. Ultime et sournois dénigrement de la semence mâle.

Bref, il est grand temps de réhabiliter les spermatozoïdes, car leur qualité importe autant que celle des ovules, comme en témoignent les recherches les plus récentes.

La procréation médicalement assistée échoue aussi souvent avec l’âge avancé du père qu’avec celui de la mère. Les fausses couches, la prématurité, les malformations congénitales, la mortalité infantile, les maladies génétiques augmentent proportionnellement à l’âge du père. L’autisme et la schizophrénie sont les pathologies les plus sensibles à l’âge de reproduction du père, voire du grand-père.

Les statistiques ont remplacé les microscopes.

La longévité érectile des mâles n’empêche pas leur sénescence spermatique. Les bricolages successifs de l’évolution n’ont simplement pas réussi à harmoniser la fonction érectile et la qualité du sperme.

Mettons un point final au sexisme entre ovules et spermatozoïdes. Les couples de l’arche de Noé étaient certainement très jeunes.

Références

Choisir son catastrophisme

mercredi 12 avril 2023

Les bouleversements écologiques qui nous sont rabâchés sont assurément le résultat de l’extraordinaire développement culturel qui caractérise notre espèce. Nous avons imposé aux autres espèces des changements environnementaux d’une ampleur et surtout d’une rapidité sans précédent : un centième de seconde à l’échelle de l’évolution biologique.

Ampleur et rapidité qui ne changeront pas la règle immuable de l’évolution : nombre d’espèces s’adapteront à ces nouvelles pressions environnementales et d’autres disparaîtront. Les espèces vivantes actuelles représentent moins d’un millième de celles qui ont existé. 

Pour une espèce, deux atouts sont importants pour survivre à un changement aussi brutal, d’une part un cycle de reproduction court, d’autre part une aptitude à modifier l’environnement à son avantage. Notre espèce ne possède que le second atout ; hélas, chaque plan de protection environnementale se heurte à nos impératifs biologiques et économiques de croître et de prospérer.

Comme tous les biologistes, je ne suis évidemment pas catastrophiste et je n’ai aucune inquiétude pour la vie en général. Pour l’espèce humaine, le catastrophisme qui me gagne n’est pas vraiment biologique. La culture qui avait permis notre adaptation semble désormais sélectionner de nombreux traits d’inadaptation.

En plus des religions dont les dogmes fomentent des guerres, on voit prospérer des milliers de sectes et des millions de complotistes dont la base culturelle absconse n’offre aucun espoir d’adaptation. 80% des citoyens du monde croient en un Dieu tout puissant qu’ils infiltrent dans le cerveau de leurs enfants dont certains sont prêts à mourir pour lui. Le monde compterait jusqu’à 40% de créationnistes cognitivement inaptes à modifier leur environnement. Les populismes basés sur le mensonge, l’immobilisme et l’irréalisme voient leur électorat grossir au-delà de leurs espérances. L’information et l’éducation semblent devoir passer plus souvent entre les mains de nouveaux Trump, Le Pen ou Bolsonaro que de nouveaux Lucrèce, Galilée ou Voltaire.

Notre planète abrite 12000 ogives nucléaires dont la moitié sont aux mains d’héritiers incultes ou de tyrans qui manipulent les réseaux sociaux où s’échangent des inepties et des photos de chats.

Quant aux démocraties, non seulement elles voient s’effondrer leur démographie, mais trop obnubilées par le vote et la survie de leurs vieillards infertiles, elles n’arrivent plus à évaluer les nouvelles infécondités de leurs enfants devenus obèses, illettrés ou dépressifs.

Enfin, 25% de la population mondiale souffre d’un trouble mental, et le commerce des drogues licites et illicites qui aggravent ces troubles est en augmentation fulgurante.

Bref, le réchauffement climatique, l’effondrement de la biodiversité, l’acidification des océans ou les polluants organiques persistants présentés comme des menaces sur notre espèce ont peu de poids en regard de l’inadaptation qu’elle-même sélectionne. Ne nous trompons pas de catastrophisme.  

Références