Archive pour juin 2019

Dépistage de la normalité

mercredi 19 juin 2019

En 2014, résumant les dernières années de recherche, George Johnson osait affirmer « Le cancer n’est pas une maladie, c’est un phénomène ».  

Depuis une décennie, la biologie nous confirme que le cancer est l’évolution normale de toutes les lignées cellulaires. Chacune y aboutissant plus ou moins tôt en fonction de son rythme prédéterminé de renouvellement tissulaire (les muqueuses intestinales ou bronchiques plus rapidement que les os ou les neurones)

Dans le même temps les progrès des technologies biomédicales ont permis de détecter les cellules tumorales dans l’organisme. Les micropuces à ADN avaient inauguré le dépistage de l’ADN tumoral dans les années 1990. Désormais, les ADN, ARN, voire protéines ou exosomes tumoraux sont détectables par la dénommée « biopsie liquide », c’est-à-dire une simple prise de sang. Des biopsies de peau chez de jeunes personnes saines révèlent systématiquement des mutations précancéreuses.

Ces nouvelles technologies rendent caduque le vieux débat sur le dépistage systématique, puisqu’à court terme, elles aboutiront à un diagnostic de cancer chez tous les adultes. Les meilleurs experts non normatifs de la cancérologie commencent à déclarer sans détour que les dépistages systématiques sont inutiles, et certains pays commencent à les supprimer des programmes sanitaires. Décision d’autant plus sage que, toujours dans le même temps, les progrès de la chirurgie, de la radiothérapie, et de rares chimiothérapies ont permis d’améliorer la survie des cancers cliniques.

En dehors de la prévention, les maigres résultats épidémiologiques de la cancérologie depuis un demi-siècle ne résultent pas du dépistage mais du meilleur traitement des cancers cliniquement déclarés. 

La bonne question n’est donc pas, pourquoi nous développons des cancers, mais pourquoi nous en avons si peu qui parviennent au stade clinique ? Les mammifères dont nous faisons partie ont mis en place de solides mécanismes de défense pour retarder cet inexorable phénomène.

Enfin, si l’humour peut améliorer notre appréhension de la cancérologie, ne nous en privons pas. Les statistiques montrent que les patients atteints de maladies psychiatriques ou d’Alzheimer ont beaucoup moins de cancers que les autres. Non, il ne s’agit pas d’une chance compensatrice, mais simplement du fait qu’ils font moins de dépistage systématique. La mort par cancer finit par les rattraper, aux mêmes âges que les autres.

Les patients ne sont pas encore prêts à ces réflexions contre-intuitives. Les médecins non plus, y compris la grande majorité des cancérologues. Il en est ainsi dans les domaines où une orchestration dramaturgique formate la pensée. Mais, n’en doutons pas, un jour relativement proche viendra où lorsqu’un sénior en bonne santé viendra consulter avec l’angoissante question de savoir s’il a un cancer, le médecin pourra sereinement lui répondre :

– oui vous en avez certainement plusieurs, mais rassurez-vous, c’est normal…

Références

Bébés thérapeutiques

jeudi 6 juin 2019

Le terme de « bébé médicament » désigne un enfant conçu in vitro pour sauver un frère ou une sœur porteur d’une maladie génétique. L’embryon sélectionné doit être indemne de la maladie et immuno-compatible avec son aîné afin d’utiliser le sang de cordon ombilical. Cette pratique rarissime est difficile, et nous ignorons l’impact psychologique à long terme sur ces enfants découvrant qu’ils ont été conçus exclusivement pour la survie d’un autre.

Inversement, existe une pratique courante que nous pouvons nommer « bébé thérapeutique », conçu essentiellement pour le bénéfice de ses géniteurs. Nous ne parlons pas de la vertu thérapeutique qu’ont tous les enfants en apportant du bonheur à leurs géniteurs. Classiquement, on désapprouvait les couples en conflit dont un nouvel enfant semblait avoir été conçu comme médiateur. Mais ce sujet n’est pas médical.

Le médecin doit commencer à s’interroger lorsque le bénéfice parental risque de se faire aux dépens des enfants et des adultes qu’ils deviendront. Dans ce cadre, les enfants nés par PMA (FIV ou stimulation ovarienne) sont exposés à plus de risques que les autres.

Le risque de malformations cardiovasculaires, musculo-squelettiques, urogénitales et gastro-intestinales est significativement plus élevé. Le risque de troubles cognitifs et d’infirmité motrice cérébrale est aussi plus élevé. Les troubles visuels sérieux sont plus fréquents. Les enfants ainsi conçus ont un net excédent de maladies orphelines, particulièrement celles qui sont liées à une anomalie de l’empreinte parentale (épigénétique).

Les dépressions du post-partum sont plus importantes après PMA et retentissent évidemment sur l’enfant.

Le recours à la PMA se révèle nocif en lui-même, indépendamment de la méthode utilisée. En effet les personnes y ayant recours ont logiquement des problèmes d’infertilité, le plus souvent liés à l’âge parental. Le risque d’autisme et de schizophrénie augmente considérablement avec l’âge du père.

Il existe également un risque majeur avec les jeunes anorexiques niant leur problème. La stimulation ovarienne réussit très souvent chez ces jeunes femmes (parfois adolescentes ou vierges) et conduit à des grossesses qui aggravent les troubles psychiatriques et créent de sévères pathologies de l’attachement nuisibles à l’enfant.

La liste est plus longue et encore mal connue. En effet, notre pays déconseille de faire des études sur les enfants nés par PMA pour ne pas les stigmatiser. Les médecins n’étant pas bridés par le législateur ont tendance à élargir les indications pour le plaisir des parents et pour la prouesse technique ; hors de toute considération éthique, et inconscients des malformations et handicaps induits.

Se préoccuper du réchauffement climatique, de la biodiversité, de la pollution atmosphérique et chimique, pour les générations futures, est une bonne chose. Encore faut-il concevoir des enfants qui seront psychologiquement, cognitivement et physiologiquement capables d’affronter et de gérer ces périls.

Références

Thérapies divines et divinatoires

samedi 1 juin 2019

J’ai récemment assisté à quatre enterrements de personnes âgées, d’une génération où la célébration comporte obligatoirement une messe par respect pour les convictions du défunt. Dans ces 4 cas, le prêtre était un africain issu d’une de nos anciennes colonies. Comme les médecins, les prêtres se font rares, et l’on est obligé de faire appel à de la « main d’œuvre » étrangère.

Pendant que ces officiants parlaient d’espérance, de résurrection et d’agneau de Dieu, je donnais libre cours à quelques divagations. Amicale : les africains mettent un point d’honneur à payer leur dette en nous rapportant la bonne parole que nos missionnaires leur avaient livrée à domicile au XIX° siècle.  Moqueuse : le racisme à totalement disparu de notre pays au point de confier le salut de notre âme à des noirs. Méchante : la misère de ces pays favorise des vocations qui garantissent le gite et le couvert sans trop d’efforts.

Tout aussi récemment, j’ai trouvé dans ma boîte des tracts des professeurs Kolida, Bangaly, Diakarya et Haoussouba. Tous médiums et voyants originaire de la même Afrique que nos prêtres. Leurs propositions thérapeutiques ont attiré mon attention d’indécrottable clinicien.

Kolida traite l’impuissance sexuelle et garantit le retour de la personne aimée. Il propose aussi des séances de désenvoûtement et affirme une réussite totale dans les cas les plus désespérés

Bangaly assure les succès sentimentaux et commerciaux et peut résoudre tous les maux, particulièrement « tout ce qui vous agace dans votre vie ».

Diakarya se présente comme un marabout aux dons similaires, il promet des mariages durables et accepte de faire des visites à domicile, (ce qui devient rare avec la pénurie de médecins).

Enfin Haoussouba affiche ses 25 ans d’expérience et garantit, lui aussi, la réussite sexuelle, sentimentale ou commerciale, mais en 4 jours maximum. Et, plus médicalement, il a des solutions pour grossir, maigrir et soigner le mal de dos.

L’Afrique n’est pas la championne du télé-achat ni des offres thérapeutiques. Nous disposons en Occident de plus de 300 types de psychothérapies, d’une centaine de thérapeutiques dites alternatives, de nombreuses sociétés d’audit, de coaching, d’accompagnement, remplies de conseillers et formateurs aux inspirations toujours renouvelées. Le nombre de soignants risque de dépasser le nombre de soignés, la concurrence est rude.

Nos pillages matériels et nos arrogances culturelles de colons n’ont pas amoindri la force tranquille de l’Afrique. Avec leur bonhomie naturelle, nos amis africains ne seraient-ils pas en train de préparer la plus insidieuse des vengeances ? Nous avons perdu l’expertise de Dieu et des divinations. Ce marché a toujours été le plus profitable dans toutes les civilisations et toutes les époques. Ces nouveaux entrepreneurs africains de la foi et des théismes ont de quoi ébranler le marché grouillant de nos thérapies. La concurrence s’annonce de plus en plus rude…

https://lucperino.com/633/therapies-divines-et-divinatoires.html