Archive pour le mot-clef ‘maladies auto-immunes’

Psycho-immunologie

mardi 1 octobre 2019

La psycho-immunologie est un nouveau domaine de recherche clinique et biologique en plein essor. Il s’agit de comprendre la nature des liens entre le système immunitaire et les maladies mentales.

Les cliniciens ont toujours observé des relations complexes entre, d’une part, maladies auto-immunes et infections à répétition, et d’autre part, dépressions et troubles de l’humeur. Ils en ont aujourd’hui la confirmation statistique. Il existe une parfaite relation de type dose-réponse entre le nombre d’épisodes infectieux sévères et le risque de schizophrénie. La même relation existe entre le nombre d’hospitalisations pour infection ou maladie auto-immune et le risque de troubles de l’humeur.

Malgré ces corrélations, il reste hasardeux de vouloir établir des causalités. Est-ce la dépression qui favorise les infections ? Est-ce la polyarthrite rhumatoïde qui favorise de façon compréhensible les troubles anxieux ? Est-ce l’inverse ? Ou encore, les deux types de morbidité résultent-ils d’une conjonction d’autres facteurs génétiques et environnementaux ?

Ce genre de question est récurrent en médecine clinique, on fait alors appel à la biologie. Celle-ci nous a déjà confirmé que le taux de cytokines pro-inflammatoires est plus élevé en cas de dépression, de comportements agressifs et dans la majorité des troubles mentaux.  Ces résultats ne doivent pas nous faire perdre notre lucidité de clinicien face aux empressements thérapeutiques.

Il est trop tôt pour proposer des anti-inflammatoires à toutes les dépressions, comme certains se sont empressés de le faire après avoir constaté quelques améliorations passagères.

Même si le lien entre infections et schizophrénie peut s’expliquer par la présence d’autoanticorps cérébraux, il serait prématuré de traiter cette maladie avec des antibiotiques ou des immunosuppresseurs. Pourtant un dérivé mixte est déjà à l’étude, car il agirait à la fois sur les cellules gliales du cerveau et sur le microbiote intestinal.

D’autres vont jusqu’à proposer le dosage des autoanticorps pour diagnostiquer les dépressions. Ici l’enthousiasme confine au délire.

Plus lucidement : les maladies mentales augmentent en fréquence et en durée, cette réalité épidémiologique est un cuisant constat d’échec. Il en est de même pour les maladies auto-immune où mon ignorance globale n’a d’égale que celle des autres.

L’importance du marché dans le financement des études est devenue le talon d’Achille de la connaissance. Le but n’est plus d’intégrer de nouveaux niveaux de compréhension, mais de trouver rapidement une hypothèse réductionniste susceptible de faire valider un traitement. Donner des antiinflammatoires à tous les déprimés provoquera assurément des épidémies d’ulcère gastrique et d’insuffisance rénale.

Nos échecs pour les maladies mentales et auto-immunes doivent inciter à plus de prudence. Deux négatifs conduisent à un positif, mais je doute fort que cette mathématique s’applique aux sciences biomédicales.

Références

Sexisme pittoresque de la médecine

mardi 23 octobre 2018

Les médecins de l’ancienne Egypte considéraient l’hystérie féminine et les sorcelleries qui en émanaient, comme le résultat d’une errance de l’utérus. Par ailleurs, l’ibis, grand destructeur de sauterelles était un oiseau sacré. On comprend alors pourquoi les papyrus médicaux pharaoniques stipulaient de faire entrer par la vulve les fumées d’un ibis de cire placé sur des charbons ardents pour faire revenir l’utérus à sa place. On ignore cependant le nombre de brûlures vulvaires secondaires à cette thérapeutique.

Avec un sens aigu de l’observation, les médecins du XVII° siècle, avaient remarqué que les femmes en cours de grossesse n’avaient plus de règles. Ainsi, lorsqu’une femme enceinte était frappée de quelque fièvre ou fatigue soudaine, l’Académie, déduisant qu’elle devait être « engorgée » par tout ce sang accumulé au fil des mois, conseillait de pratiquer la saignée. La pratique a persisté jusqu’en 1850 et nous ignorons toujours le nombre de femmes et d’embryons victimes de cette théorie.

Plus récemment, dans l’Occident des années 1970, la ménopause, indemne de sorcellerie et d’engorgement sanguin, a été plus savamment considérée comme une maladie, et soignée comme telle. La théorie était aussi sexiste et farfelue que les deux précédentes, mais les progrès statistiques ont ici permis de constater l’augmentation considérable de cancers du sein qui en a découlé.

Aujourd’hui, les progrès des sciences biomédicales et de la statistique, nous permettent de découvrir un nombre de plus en plus importants de maladies auto-immunes dont la plupart touchent essentiellement les femmes. Cette différence peut avoir une composante hormonale, mais elle est plus probablement due aux ajustements immunitaires que la présence d’un embryon « à moitié étranger » impose à sa mère.

En raison, de leur caractère cyclique et de la très grande variété et variabilité de leurs symptômes, ces maladies ont été longtemps classées comme psychosomatiques, et certaines le sont encore. Le mal étant décrété « dans la tête » et non dans le système immunitaire, les femmes ont été victimes des abus thérapeutiques de cette catégorisation psychique. Opiacés, tranquillisants et antidépresseurs continuent d’emprisonner nombre de femmes dans l’addiction.

L’importante féminisation actuelle du corps médical pourrait être un moyen d’atténuer le sexisme lié à notre ignorance biologique ? J’en cultive l’espoir, et j’encourage vivement les plus diplômées et les plus expérimentées de mes consœurs à y travailler avec la rigueur scientifique exigée pour un tel sujet. Et je propose, avec toute la neutralité de genre qui convient, de les accompagner dans ce passionnant exercice clinique.

Références