Archive pour la catégorie ‘Médecine’

Même la course à pied

jeudi 14 septembre 2023

La médecine antique avait observé les mille vertus de l’exercice physique. Depuis, les preuves se sont accumulées bien au-delà de ce qu’avaient supposé Hippocrate et ses prédécesseurs. L’exercice physique résume la médecine préventive et il surpasse la médecine curative dans nombre de pathologies où nul ne l’aurait imaginé.

Il améliore la quasi-totalité des scores métaboliques, il diminue fortement le risque de tous types de cancers et de troubles mentaux, il retarde l’apparition des maladies neurodégénératives. Il améliore les fonctions cognitives, la qualité du sommeil et les troubles respiratoires. Enfin, il est incroyablement plus efficace que tous les médicaments connus à ce jour dans les maladies cardio-vasculaires, y compris l’insuffisance cardiaque.

Ces assertions ne nécessitent plus de bibliographie, et l’on peut même se demander pourquoi l’on continue à effectuer des recherches.

Hélas, les variétés modernes d’Homo sapiens ont perdu le sens de la mesure, et les bienfaits du sport sont en train de disparaître par la démesure des compétitions et des commerces qu’il engendre.

Le dopage excessif des cyclistes leur a déjà fait perdre plus d’années de vie que leur sport ne leur en a fait gagner. Les anabolisant détruisent les nageuses des dictatures et les culturistes des démocraties. Le sommet de l’Everest est jonché de cadavres d’obsessionnels de la performance. Les plaisirs du jogging se transforment en névroses d’« iron man ».

De tels risques, pour quelques secondes de gloire ou de plaisir, ne seraient qu’anecdotiques sans le commerce lucratif qui s’en est emparé.

Le football ne peut plus se concevoir sans les milliards d’euros qui lui sont indissociablement liés. Il serait malvenu d’évoquer un risque sanitaire lié à l’alcoolisme des supporters, à la violence des stades ou à l’empreinte carbone des vols internationaux. Le rugby, longtemps épargné, sombre à son tour dans ce commerce, ainsi que tous les sports d’équipe. Enfin, leur accessibilité aux femmes, fruit d’un légitime combat égalitariste, est une occasion de doubler le chiffre d’affaires de ces spectacles populaires qu’il serait fou de critiquer.

Inversement, les courses d’endurance, par nature individualistes et dépourvues de spectacle, semblaient devoir être épargnées par ces démesures. Nenni.

Ultra Trail du Mont Blanc, Marathon des sables, ou Iron Man sont des marques déposées et des commerces lucratifs qui cherchent leurs prospects dans des foires. Ces derniers, à la différence des gladiateurs, paient pour aller au bout de l’exténuation, puis ils mourront précocement d’asphyxie par hypertrophie cardiaque.

Ces courses des milliers de gobelets et bouteilles en plastique, ainsi que des voyages aériens sans autre objet que la course d’un jour. Les chaussures de transition du triathlon sont jetées et viennent s’ajouter aux tonnes d’ordure qui jonchent les pistes. Ceux qui ne mourront pas d’hypertrophie cardiaque subiront plus tard l’impact sanitaire négatif de ces empreintes carbone.

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Pas de médecine après 75 ans

lundi 24 juillet 2023

L’augmentation de l’espérance moyenne de vie à la naissance résulte essentiellement de l’élimination des morts infantiles et très peu du prolongement de la vie des séniors. Cependant, l’évolution de la consommation et des pratiques médicales conduit à considérer la mort comme un échec répréhensible, quels qu’en soient l’âge et la cause. Cette distorsion provient moins des progrès réels de la biomédecine que des promesses ubuesques de son marché. Le simple constat des résultats des promesses passées en apporte confirmation.   

Les statines ont été largement prescrites aux séniors contre le mauvais cholestérol (LDL) ; on constate pourtant que le taux de ce LDL est inversement associé à la mortalité toutes causes confondues. Après un premier accident cardio-vasculaire, les statines semblent utiles en prévention secondaire, mais elles n’ont jamais réussi à faire la preuve de leur efficacité an prévention primaire, c’est-à-dire avant tout accident. Elles sont également inutiles en prévention secondaire après 75 ans. Elles n’ont plus leur place sur le podium de l’immortalité.

Nous pouvons en dire autant de la testostérone (particulièrement délétère), de la DHEA et des nombreux antioxydants qui, malgré leur célébrité, n’ont jamais fait gagner un jour de vie à quiconque et en ont souvent fait perdre.

Le traitement de la ménopause, abandonné car trop dangereux, a été remplacé par le calcium, prescrit pour éviter les fractures, mais ce dernier augmente le risque de maladies cardio-vasculaires et rénales.

Après un certain âge, le traitement de l’hypertension artérielle devient plus nuisible que bénéfique, en augmentant le risque de démence, de chutes et de fractures.

Après avoir vacciné les séniors contre la grippe et le coronavirus, on constate qu’un banal rhinovirus peut les tuer tout autant.

D’une manière générale, les médicaments abusivement prescrits en gériatrie comme les hypnotiques, les anticoagulants ou de simples antiacides gastriques, sont l’une des premières causes d’hospitalisation et de mortalité. Malgré cela, l’hospitalisation majore les prescriptions inappropriées : les ordonnances de sortie sont plus chargées qu’à l’entrée. Dans sa dernière année de vie, un patient hospitalisé sur 6 reçoit plus de 35 médicaments.

Même l’oxygène ne fait pas mieux que l’air ambiant pour améliorer l’état des patients. Pourtant nul hôpital n’ose supprimer ce symbole de survie.

De façon plus triviale, l’hospitalisation et l’alitement aggravent les déclins fonctionnels de la vieillesse : perte de masse osseuse, musculaire et plasmatique. Les traitements administrés à l’hôpital sont souvent plus agressifs et moins compatibles avec une mort paisible. Même à cent ans, l’exercice reste le meilleur gage de survie.

Partant du principe qu’être en vie à 75 ans signe un passé sanitaire favorable, la conclusion paraîtra sacrilège : la raison clinique, confortée par une très riche bibliographie, impose d’éviter la médecine après 75 ans.

PS : ceci ne concerne pas la chirurgie.

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Des patients prosélytes et sans regrets

mercredi 9 janvier 2019

Le fait de continuer à investir dans un projet sans espoir est un comportement irrationnel et pourtant très fréquent. Les neuropsychologues le nomment de diverses façons « phénomène du regret » ou des « coûts irréductibles » ou encore «  sophisme du Concorde ». En effet, l’histoire de notre avion supersonique franco-britannique en est une parfaite illustration : malgré l’évidence de cet investissement sans retour, on a continué à financer cet avion pour ne pas admettre avoir dépensé tant d’argent pour rien.

Une décision optimale devrait logiquement résulter d’un équilibre entre les bénéfices escomptés et les coûts déjà consentis. C’est hélas rarement le cas. À un extrême, se trouvent les joueurs pathologiques qui ne voient que les bénéfices potentiels, à l’autre, se trouvent les administrations qui ont tendance à surenchérir dans des organisations complexes et dispendieuses dans l’espoir de justifier les coûts passés.

Ces comportements sont bien étudiés en sciences cognitives, et la médecine en offre de belles illustrations. Chaque nouveau plan cancer ou nouveau plan Alzheimer accumule des coûts sans oser affronter l’évidence de l’échec. Les dépistages organisés et bilans de santé prolifèrent malgré des bénéfices de plus en plus faibles. Il faut des décennies pour admettre qu’un médicament, un jour approuvé, puisse être dangereux.

Certes, les administrations et les médecins en portent une grande part de responsabilité, mais ce sont souvent les patients qui  amplifient ces dérives comportementales, pouvant aller jusqu’à la dissonance cognitive.

Les psychanalysés ont dépensé des fortunes en se persuadant que tout le temps perdu ne pouvait pas être définitivement perdu. Même dans les pays où les ministères doutent de l’utilité des dépistages organisés de cancer, des patientes amputées d’un sein manifestent activement pour « octobre rose », le fameux mois de promotion du dépistage. Des patients amputés de la prostate, au lieu d’admettre que leur opération était peut-être inutile, préfèrent rejoindre la manifestation « movember » ou « moustaches de novembre ». Il n’y a pas encore de « mois du cholestérol », mais les patients traités, parfois victimes d’effets secondaires désastreux, hésitent à supprimer leur traitement, refusant l’idée d’avoir surveillé aussi attentivement leurs analyses et tant souffert pour rien.

Les marchands de diagnostics et de médicaments n’ont pas besoin d’utiliser toutes les sophistications du neuro-marketing pour arriver à leurs fins, il leur suffit de financer et d’organiser le prosélytisme de ces patients convaincus de leurs choix. Ces marchands peuvent s’appuyer confortablement sur les administrations, coutumières du sophisme du Concorde.

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Du protège-lame au gilet jaune

jeudi 27 décembre 2018

De nombreux accidents domestiques et de travail ont jalonné l’ère industrielle. L’alcool en a été un facilitateur, mais aussi la candeur, car l’usage de l’électricité ne s’improvise pas et il faut du temps pour que les machines et les hommes s’apprivoisent mutuellement.

Chaque année, de nouvelles normes de sécurité sont imposées aux fabricants et aux installateurs. Ces normes, déduites des accidents passés, ont incontestablement diminué la morbidité et la mortalité imputables à la technologie.

Aujourd’hui, les normes s’accumulent et devancent parfois les accidents ; elles peuvent même, à leur tour, devenir une source d’accidents nouveaux et imprévisibles. Avec les disjoncteurs et interrupteurs différentiels, plus personne ne peut s’électrocuter par distraction, mais les prises femelles étanches ont un degré d’obturation si efficace que des blessures surviennent lors de l’introduction ou du retrait des prises mâles. Les fabricants sont dans l’obligation d’équiper leurs machines-outils de systèmes de protection de plus en plus nombreux qui augmentent le coût de production. Ces accessoires sont donc parfois de piètre qualité et gênent le fonctionnement normal des machines. Ainsi, des accidents proviennent de manœuvres diverses pour décoincer un protège-lame ou contourner un garde-fou.

Dans les appartements et ateliers, les déclenchements intempestifs de sirènes d’effraction et de détecteurs de fumée finissent par estomper la vigilance de base.

Ces équipements superflus ou maximalistes sont certainement meilleurs pour le commerce que pour la santé publique Avant d’imposer de nouvelles normes, le législateur devrait en calculer le coût et en estimer le ratio bénéfices/risques, comme il devrait le faire pour chaque nouveau médicament.

Dans le domaine automobile, c’est plus souvent le détournement d’usage qui provoque les accidents, comme dans les exemples des feux de détresse et des gilets jaunes qui ont été imposés à tous les véhicules dans le but initial d’éviter certaines collisions. Les feux de détresse sont utilisés essentiellement par  des automobilistes goujats qui se garent en double file ou sur des pistes cyclables. Les cyclistes ainsi dévoyés sont alors renversés par d’autres véhicules. La palme revient sans doute aux gilets jaunes qui n’ont probablement jamais sauvé une vie, mais qui, récemment détournés de leur usage pour aller manifester sur les routes, ont déjà provoqué la mort de dix personnes et occasionné de nombreuses blessures en quelques semaines. Un ratio bénéfices/risques qui n’est pas encore aussi négatif que celui du Médiator®, mais qui pourrait s’en approcher dangereusement…

La goujaterie a remplacé l’alcool, les réseaux sociaux ont remplacé la candeur, et le risque zéro semble désormais s’éloigner à chaque nouvelle création de norme.

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Contagion de la violence : en médecine comme dans la rue

mercredi 12 décembre 2018

La « preuve sociale » est un principe de sociologie qui stipule qu’un individu ne sachant quoi faire ou quoi penser, a tendance à adopter le comportement ou le point de vue d’autres personnes. Si un grand nombre de gens fait quelque-chose, c’est certainement pour une bonne raison et l’individu en conclut que c’est la meilleure chose à faire.

Cette preuve se manifeste dans le choix d’un restaurant déjà plein considéré a priori comme meilleur qu’un restaurant vide. Les séries télévisées qui utilisent des boîtes à rire abusent de ce principe en espérant majorer la sensation de comique. Le rayonnage des meilleures ventes est un procédé de libraire pour stimuler encore les ventes.

En médecine, le domaine de l’obstétrique en offre les meilleurs exemples. Allonger la parturiente, déclencher ou stimuler les contractions, pratiquer l’épisiotomie, aspirer le bébé, se ruer sur le cordon, doivent être de bonnes pratiques puisqu’elles ont toujours été majoritaires. La pédiatrie n’est pas en reste avec des décennies d’inutiles paracentèses, adénoïdectomies, amygdalectomies, sous l’effet d’une violence mimétique.

Baser son action exclusivement sur des faits actuels présente l’avantage d’éviter les pénibles arcanes de la décision. C’est parfois un bon choix, voire une force, mais c’est souvent une dangereuse faiblesse, comme l’a bien résumé Cialdini « La preuve sociale représente un raccourci commode, mais elle rend en même temps celui qui l’emprunte vulnérable aux assauts des profiteurs embusqués sur le chemin. »

En ces temps de trouble social, les profiteurs embusqués sur le chemin sont nombreux, populistes ou casseurs, leur idéologie se façonne sur le tas, dans un imbroglio cognitif auquel la preuve sociale finit par donner une apparence présentable.

Ajoutons à cela que la passivité devant un drame, connue sous le nom « d’effet spectateur » est une parfaite illustration du principe de la preuve sociale. Passivité qui peut se transformer en violence, en plagiant le premier qui a osé donner un coup de pied dans le ventre d’un homme à terre.

Celui qui a pratiqué la première épisiotomie ou la première adénoïdectomie a eu tant d’adeptes que la question de cette pratique n’a plus été posée pendant longtemps.

En obstétrique ou en pédiatrie, comme dans la rue, la violence est contagieuse.

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Brève pharmacologie de la longévité

lundi 3 décembre 2018

Au Danemark, la dépense en médicaments est de 200 € par an et par personne pour une espérance moyenne de vie de 80,6 ans. Les Pays-Bas, avec une dépense de médicaments un peu plus élevée de 365 € atteignent une espérance de vie de 82 ans. La France, pour 425 € annuels de médicaments par personne arrive à une espérance de vie de 82.5 années. On aurait envie de voir continuer cette belle corrélation pour connaître le budget pharmaceutique d’une population centenaire, hélas la progression perd brutalement de son charme, car l’Allemagne qui atteint une dépense de 480 € a une espérance moyenne de vie de 81 ans, à peine supérieure à celle du Danemark. Et au sommet de cette série se trouvent les USA qui, avec une dépense de 725 € de médicaments par an et par personne (presque deux fois celle de la France et quatre fois celle des Pays Bas), ont une espérance de vie d’à peine 78 ans.

Cette corrélation se traduit par une courbe dite en « U inversé ». Ce qui signifie que, pour le cas où existerait une relation de causalité entre le budget pharmaceutique d’un pays et l’espérance moyenne de vie de ses habitants, ce ne serait que jusqu’à un certain montant au-delà duquel, la courbe s’inverse et l’espérance de vie diminue.

Je reconnais la faiblesse clinique de cette démonstration et la probable ténuité du lien entre pharmacie et espérance de vie.

Par ailleurs, à l’intérieur d’un même pays, ce sont ceux qui consomment le plus de médicaments qui ont la plus courte espérance de vie. Cette nouvelle corrélation peut être analysée de deux façons grossières. La première est d’accuser méchamment les médicaments de diminuer la durée de vie. La seconde est de suggérer que les plus gros consommateurs de médicaments sont ceux qui avaient la santé la plus fragile, donc la plus faible espérance de vie. La première analyse est injustement agressive envers les médicaments, bien qu’ils soient une cause majeure de mortalité. Si la seconde analyse semble plus honnête et plus réaliste, on peut néanmoins affirmer que les médicaments ne suffisent pas à combler le déficit initial d’espérance de vie.

Pour donner un peu plus de rigueur à cette courte dialectique, nous pouvons appliquer le principe de consilience. Lorsqu’aucune démonstration n’est suffisante à elle seule, ce principe consiste à juxtaposer plusieurs hypothèses indépendantes concourant à mieux cerner un phénomène.

La consilience nous permet alors de conclure avec parcimonie que les médicaments ne sont manifestement pas la meilleure option pour la vie éternelle.

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N’épousez pas de vieux messieurs

dimanche 25 novembre 2018

À leur naissance, les femmes ont un stock limité d’ovocytes dont certains subiront une maturation aboutissant à la libération régulière d’ovules entre la puberté et la ménopause. Chez les hommes, inversement, les cellules germinales souches disponibles à la naissance ne cesseront de se diviser pour émettre quotidiennement un nombre infini de spermatozoïdes.

Ainsi un ovule est une cellule neuve, alors qu’un spermatozoïde est le résultat d’un nombre infini de divisions cellulaires. La génétique de base nous apprend que chaque division cellulaire s’accompagne inévitablement de mutations dites « de novo ».

Plus un père est âgé, plus il transmet de mutations de novo à son enfant. Un père de 20 ans en transmet environ 25, un père de 40 ans en transmet 65, alors qu’une mère n’en transmet qu’une dizaine quel que soit son âge.

Cette base théorique est confirmée par les données cliniques. Le risque global de malformations augmente parallèlement à l’âge du père : 1,5 % pour les pères âgés de 25 à 29 ans ; 4 % pour les pères de 30 à 35 ans ; 8 % pour les pères de 40 à 49 ans ; 15 % pour les pères de plus de 50 ans.

Le cerveau étant un organe comme les autres, les maladies psychiatriques ne font pas exception dans ce tableau. Les pères de plus de 50 ans ont un risque 3 fois plus élevé d’avoir un enfant autiste que les pères de moins de 30 ans, et jusqu’à 6 fois plus pour l’autisme de haut niveau. L’âge de la mère semble n’avoir aucun impact sur cette pathologie. Un père de plus de 55 ans a deux fois plus de chance d’avoir un fils schizophrène et 3,5 fois plus pour une fille. Là encore, le risque relatif augmente régulièrement par tranche de 10 ans d’âge du père.

Même constat pour certaines maladies rares comme le syndrome d’Apert dont la fréquence augmente proportionnellement à l’âge du père.

Des études plus récentes montrent que des risques que l’on croyait liés exclusivement à l’âge maternel, comme le diabète gestationnel et la prématurité, sont aussi majorés par l’âge paternel. Enfin, la mortalité, toutes causes confondues, double chez les enfants nés de père de plus de 50 ans.

Certes, toutes les pathologies citées ici sont multifactorielles, mais quelles que soient les autres causes, le risque global est toujours multiplié par le nombre de mutations de la spermatogenèse. De plus, les mutations de chaque division cellulaire dépendent aussi de la durée d’exposition à des polluants mutagènes. Par exemple, il y a plus de leucémies chez les enfants de père tabagique.

Dans nos sociétés complexes, le choix d’hommes plus âgés ou de meilleur statut social peut être une garantie de ressources. Cette contribution matérielle pourrait être préférée à la contribution génétique d’un jeune géniteur. Cependant ni les biologistes ni les médecins ne peuvent encourager un tel choix.

 

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Consistance des maladies virtuelles

samedi 17 novembre 2018

La morbidité se définit comme un « état de maladie » ou un « caractère relatif à la maladie ». Ces définitions sous-entendent que la morbidité est vécue par le patient avant d’être comptabilisée par la médecine. La troisième définition est statistique : « pourcentage de personnes atteinte d’une maladie donnée ».

Désormais, la médecine se propose d’intervenir avant les premiers signes de maladie. Le dépistage organisé et la détection des facteurs de risque créent ainsi une nouvelle morbidité qui n’est plus vécue par les patients. Une image suspecte, une cellule anormale, une prédisposition génétique, un chiffre élevé de pression artérielle, de sucre ou de cholestérol ne sont pas des signes ressentis par le patient mais des informations qu’il reçoit de la médecine. Cette morbidité est donc virtuelle pour le patient.

Si je peux comprendre l’intérêt de la biomédecine pour ces maladies virtuelles, je suis toujours surpris de la docilité avec laquelle ces patients « virtuels » acceptent ces nouveaux diagnostics et les vivent comme des maladies dont ils auraient réellement ressenti les symptômes. Ils les vivent même parfois avec une intensité dramatique supérieure à celle d’une maladie réellement vécue.

Pourtant, un grand nombre d’images ou de chiffres suspects, disparaissent comme ils apparaissent sous l’effet de multiples facteurs variables et labiles. On peut être hypertendu pendant deux ans et ne plus l’être pour tout le reste de sa vie. On peut avoir une cellule cancéreuse sans que jamais n’apparaisse ni tumeur ni métastase. Dans leur grande majorité, les prédispositions génétiques restent indéfiniment à l’état de prédisposition.

Le plus surprenant est la définition rétrospective de ces virtualités à partir d’une proposition théorique de soin. C’est exclusivement l’idée d’un soin qui leur confère une réalité morbide.

Cette inversion complète des processus diagnostiques et thérapeutiques répond merveilleusement aux nouvelles normes mercatiques et informatiques de notre monde auxquelles la médecine n’a pas de raison d’échapper. Ce n’est plus le patient qui vient proposer au médecin des symptômes vécus dans l’espoir qu’il ne s’agisse pas d’une vraie maladie, ce sont les médecins qui proposent des pathologies virtuelles que le patient va alors vivre comme de vrais maladies.

Avec cette nouvelle normativité, aura-t-on encore besoin de l’expertise clinique des médecins ? Si oui, quel sera alors l’utilité de ces nouveaux experts ? Nous avons de bonnes raisons de penser que leur rôle principal consistera à dissimuler un diagnostic de maladie virtuelle lorsqu’ils estimeront que le fait de la donner à « vivre » pourrait dégrader la santé plus que ne le ferait la maladie réelle supposée évitable…

Vaste programme à inscrire d’urgence dans le cursus universitaire médical…

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Très chères minutes de vie

dimanche 11 novembre 2018

En cancérologie de l’adulte, la chirurgie et la radiothérapie ont permis de prolonger la vie de nombreux patients. On a longtemps et honnêtement pensé que la pharmacologie pourrait encore améliorer les choses. Mais depuis une vingtaine d’années, les études indépendantes montrent l’inefficacité globale des anticancéreux anciens ou modernes.

Pour évaluer l’action des anticancéreux lors des essais cliniques, on utilise principalement trois critères : les biomarqueurs (analyses biologiques), l’amélioration clinique et la survie sans progression tumorale. Il s’agit de critères dits « intermédiaires ». Le seul critère   important pour le patient et ses proches étant celui de la survie globale assortie ou non d’une qualité de vie acceptable. Les critères intermédiaires ne sont que des leurres. Certes la baisse d’un biomarqueur ou la diminution du volume tumoral à l’imagerie sont une grande source de satisfaction pour les patients et les médecins, mais elles ne sont pas corrélées à une augmentation de la quantité-qualité de vie.

Il peut paraître cruel de dire les choses aussi brutalement, mais peut-on vraiment faire progresser la médecine sans admettre les faits cliniques ?

Par rapport aux anciens antimitotiques, les nouvelles thérapies ciblées, et plus récemment, les immunothérapies, ont trois caractéristiques nouvelles : un support théorique séduisant, des tests de surveillance auto-satisfaisants et un coût faramineux. Hélas, à une ou deux fragiles exceptions près, elles ne prolongent la vie que de quelques mois ou semaines.

Ces coûts exorbitants et injustifiés ont deux effets pervers inattendus. D’une part, ils deviennent la plus importante part de l’effet placebo, d’autre part, en politisant le sujet, ils majorent les revendications des associations de patients. « Le cancer est un fléau » et « la vie n’a pas de prix » sont devenus des arguments indirects bougrement efficaces qui détournent l’attention hors de l’examen objectif des résultats. Les lobbyistes  de l’industrie ont bien compris la puissance de ces arguments indirects et ils misent diaboliquement sur la détresse des patients en utilisant leurs associations pour faire pression sur les ministères. Ils savent aussi que les élus sont piégés par l’électoralisme et la démagogie et que les médias sont à l’affut de leurs moindres ambiguïtés.

Enfin, la validation de ces supercheries par les agences du médicament soulève inévitablement la question de la corruption.

Quand bien même certaines thérapies feraient gagner quelques minutes de vie, aucune société, quel que soit son niveau de richesse, de compassion ou de solidarité, ne peut supporter les coûts indécents de chacune de ces minutes, sans se mettre toute entière en péril.

Il est difficile d’expliquer ceci à des patients en détresse et à leurs proches, mais ce n’est pas une raison pour laisser de séduisantes théories renouer avec l’obscurantisme médical des siècles d’antan.

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Renouveau du magnétisme médical

lundi 29 octobre 2018

En 1778, le médecin Allemand Franz Mesmer fit la gloire du magnétisme médical. Ses fameux « baquets » de « fluide universel » devinrent de célèbres lieux de mondanités hystériques du Tout-Paris. Puis, lorsque cette mode thérapeutique connût des dérives érotiques – pâmoisons magnétiques de dames calmées par des messieurs dans des boudoirs annexes – l’Académie s’en émut. En 1784, Louis XVI demanda à deux illustres savants, Benjamin Franklin et Antoine Lavoisier, d’évaluer la magnétothérapie. Après des observations au protocole exemplaire, leur conclusion fut sans appel : « Le magnétisme sans l’imagination ne produit rien. La pratique de la magnétisation est l’art d’augmenter l’imagination par degrés ».

Aujourd’hui, malgré nos progrès, il subsiste de nombreuses situations (douleurs chroniques, troubles somatomorphes, désordres fonctionnels) où la médecine est constamment bafouée. Laissant libre cours à toutes les fantaisies thérapeutiques qui peuvent alors fleurir, flétrir, mourir et renaître de leurs cendres.

Le magnétisme thérapeutique est réapparu en neuropsychiatrie dans les années 1980 sous la forme plus sérieuse de « stimulation magnétique transcranienne » (TMS). Abandonnée en 2015 dans la schizophrénie par manque de résultats, les TMS se poursuivent ailleurs, car les ondes électromagnétiques semblent pouvoir activer ou inhiber certains circuits neuronaux.

Le terme d’hystérie ayant été banni, on parle aujourd’hui de troubles « somatomorphes », « psychogènes », « conversifs » ou « fonctionnels », autant de qualificatifs qui occultent le désarroi médical devant des symptômes incompris et souvent handicapants. Les expériences de TMS relatent des cas miraculeux (guérison de paraplégies) ; hélas ces cas individuels ne permettent ni généralisation ni théorisation. Et la médecine scientifique, bien qu’ayant admis l’extraordinaire efficacité de l’effet placebo, ne peut s’empêcher de fouiller au-delà.

Sur des douleurs chroniques, comme la fibromyalgie, les résultats très fluctuants ont néanmoins permis aux médecins de ne plus seulement considérer la douleur comme le signal d’alerte d’une autre maladie, mais comme une maladie neurologique en soi. Malgré la forte corrélation de ces douleurs à l’anxiété ou au manque de flexibilité mentale, la médecine veut savoir pourquoi les nerfs « modifient leur cadre physiologique habituel ». Une périphrase qui masque l’ignorance, tout en défendant l’idée de modifications neurologiques réelles encore inaccessibles à nos technologies.

On a prouvé récemment que des ondes électromagnétiques de faible intensité induisaient la réparation de l’ADN, alors que des ondes de forte intensité libéraient des toxines cellulaires. Ces recherches ravivent évidemment de nouveaux charlatans qui facturent des séances de magnétisme au prix de la neurochirurgie.

Tant qu’un nouveau Lavoisier n’aura pas sonné le glas de ces expérimentations, gardons l’espoir que le cerveau puisse un jour comprendre le cerveau…

Références