Archive pour le mot-clef ‘génétique’

N’épousez pas de vieux messieurs

dimanche 25 novembre 2018

À leur naissance, les femmes ont un stock limité d’ovocytes dont certains subiront une maturation aboutissant à la libération régulière d’ovules entre la puberté et la ménopause. Chez les hommes, inversement, les cellules germinales souches disponibles à la naissance ne cesseront de se diviser pour émettre quotidiennement un nombre infini de spermatozoïdes.

Ainsi un ovule est une cellule neuve, alors qu’un spermatozoïde est le résultat d’un nombre infini de divisions cellulaires. La génétique de base nous apprend que chaque division cellulaire s’accompagne inévitablement de mutations dites « de novo ».

Plus un père est âgé, plus il transmet de mutations de novo à son enfant. Un père de 20 ans en transmet environ 25, un père de 40 ans en transmet 65, alors qu’une mère n’en transmet qu’une dizaine quel que soit son âge.

Cette base théorique est confirmée par les données cliniques. Le risque global de malformations augmente parallèlement à l’âge du père : 1,5 % pour les pères âgés de 25 à 29 ans ; 4 % pour les pères de 30 à 35 ans ; 8 % pour les pères de 40 à 49 ans ; 15 % pour les pères de plus de 50 ans.

Le cerveau étant un organe comme les autres, les maladies psychiatriques ne font pas exception dans ce tableau. Les pères de plus de 50 ans ont un risque 3 fois plus élevé d’avoir un enfant autiste que les pères de moins de 30 ans, et jusqu’à 6 fois plus pour l’autisme de haut niveau. L’âge de la mère semble n’avoir aucun impact sur cette pathologie. Un père de plus de 55 ans a deux fois plus de chance d’avoir un fils schizophrène et 3,5 fois plus pour une fille. Là encore, le risque relatif augmente régulièrement par tranche de 10 ans d’âge du père.

Même constat pour certaines maladies rares comme le syndrome d’Apert dont la fréquence augmente proportionnellement à l’âge du père.

Des études plus récentes montrent que des risques que l’on croyait liés exclusivement à l’âge maternel, comme le diabète gestationnel et la prématurité, sont aussi majorés par l’âge paternel. Enfin, la mortalité, toutes causes confondues, double chez les enfants nés de père de plus de 50 ans.

Certes, toutes les pathologies citées ici sont multifactorielles, mais quelles que soient les autres causes, le risque global est toujours multiplié par le nombre de mutations de la spermatogenèse. De plus, les mutations de chaque division cellulaire dépendent aussi de la durée d’exposition à des polluants mutagènes. Par exemple, il y a plus de leucémies chez les enfants de père tabagique.

Dans nos sociétés complexes, le choix d’hommes plus âgés ou de meilleur statut social peut être une garantie de ressources. Cette contribution matérielle pourrait être préférée à la contribution génétique d’un jeune géniteur. Cependant ni les biologistes ni les médecins ne peuvent encourager un tel choix.

 

Références

 

 

Les habits neufs de la délinquance

mercredi 11 novembre 2015

Franz Joseph Gall, fondateur de la phrénologie, prétendait établir les traits de caractère et les facultés mentales des hommes par la forme et les reliefs de leur crâne. Les yeux exorbités, certainement repoussés par un important volume cérébral, signaient une intelligence supérieure. La « bosse des maths », tout aussi illusoire, subsiste dans le langage courant, comme ultime témoin de ces extravagances. Ce neuroanatomiste réputé utilisait brillamment les parures de la science pour habiller ses idées.

Quelques décennies plus tard, il inspira Cesare Lombroso. Ce médecin légiste du XIX° siècle est resté célèbre pour avoir écrit plusieurs thèses sur la physiologie héréditaire de la délinquance et la morphologie des criminels. Il prétendait pouvoir identifier les criminels par l’examen clinique au moyen de divers signes et symptômes établis par lui-même, tels que les tatouages et l’épilepsie.

Les épileptiques n’en étaient pas à leur première stigmatisation, puisqu’après avoir été des suppôts de Satan, ils devenaient des criminels-nés.

Malgré l’habillage scientifique de ses propos, Lombroso ne faisait que relater les impressions générales et grégaires d’un populisme récurrent. On pensait à cette époque que la majorité des facultés et comportements s’expliquaient par des diathèses héréditaires liées à la race et à l’appartenance sociale : violence, alcoolisme, intelligence ou même syphilis !

Dans les années 1960, la découverte d’un chromosome Y supplémentaire (syndrome 47,XYY) a promu le chromosome de la criminalité. Puis avec ses parures encore plus flamboyantes, quoique microscopiques et moléculaires, la génétique a proposé plusieurs gènes de la criminalité, ou d’autres plus ou moins triviaux (comme l’on voudra), du romantisme, de l’autisme ou de l’homosexualité.

Les habits de la génétique, s’usant plus vite qu’on ne l’aurait supposé, la prédisposition à la délinquance a eu de nouvelles garde-robes, en endossant les larges toges de la psychiatrie. C’est alors l’hyperactivité infantile qui, malgré les grandes imprécisions de son diagnostic, est devenu la clé de la délinquance future. Un fameux rapport de l’INSERM proposait un dépistage de la délinquance dès l’âge de 3 ans !

Et voilà que la génétique revient avec les gènes MAOA et CDH13, nouveaux germes de la violence et probablement aussi les nouveaux habits du populisme grégaire.

Mais, il me vient une idée, due à la corrélation de toutes ces fascinantes découvertes phrénologiques, génétiques et psychiatriques avec une augmentation progressive des déviances, délinquances et terrorismes divers. Si cette « épidémie » de violence n’est pas qu’une fausse impression, elle devrait plutôt orienter les recherches vers une cause infectieuse, susceptible de mener à la découverte d’un vaccin qui nous débarrasserait définitivement de la criminalité.

Bibliographie

Inné ou acquis ?

mardi 9 décembre 2014

Les caractères individuels ont toujours alimenté de vigoureux débats sur les parts respectives de l’inné et de l’acquis. Les attributs physiques étant plutôt considérés comme hérités et les caractéristiques mentales plus dépendantes de l’environnement. Avant les règnes de la microbiologie, de la psychanalyse et de la génétique, on avait l’asthme de sa grand-mère, la goutte de son grand-père, l’alcoolisme de son père et la mélancolie de sa mère. Etrangement, on héritait aussi de la tuberculose ou de la syphilis de ses ancêtres !

Pasteur, le premier, a réussi à disculper les parents des infections de leurs descendants.

Avec Freud, l’hérédité et les microbes ont reperdu le terrain qu’ils avaient gagné. Il n’y eut plus le moindre symptôme qui puisse échapper aux fautes parentales, surtout maternelles. Pauvre mère désemparée, voyant ses enfants « pansexuels » succomber sous les fantasmes du psychanalyste.

Puis la génétique a soufflé toutes ces fadaises avec sa double hélice d’ADN. Les maladies monogéniques ont été identifiées en quelques décennies, et comme elles étaient rares, on a recherché les prédispositions génétiques à toutes les pathologies et perversions. L’industrie s’est emparée des gènes avec la voracité d’une puissance coloniale, avec l’espoir de breveter les gènes de l’autisme, du tabagisme, du cancer ou du crime, et de vendre les thérapies géniques correspondantes.  La déception a été à la hauteur des espérances.

Avec la montée en puissance de l’épigénétique, les environnementalistes reprennent le dessus. Les comportements des parents redeviennent la cause des maux. L’obésité n’a plus de gènes, elle a désormais des « épigènes » fabriqués par des parents gloutons qui le transmettent à plusieurs générations. Les obèses ne sont plus coupables de leurs excès, mais de ceux de leurs aïeuls.

Revanche des psychanalystes, les mères sont redevenues coupables, lorsqu’elles sont stressées avant ou pendant la grossesse, elles transmettent un épigénome de stress à leurs descendants, et majorent leur risque de névroses et psychoses. Mais le stress n’est-il pas environnemental ?

On découvre enfin qu’un même gène s’exprime différemment lorsque l’environnement change : un gène avantageux dans tel contexte devient délétère dans un autre. Le « gène économe » est celui qui permettait aux humains de supporter les famines en développant l’insulinorésistance, puis avec l’invasion des sucres rapides, ce gène fait des ravages en provoquant le diabète de type 2, l’obésité, la myopie et tant d’autres misères visibles sur les bancs de nos écoles.

On nomme « plasticité phénotypique », cette faculté des organismes à modifier l’expression de l’hérédité et les influences de l’environnement. Une sorte de souplesse adaptative.

Les caractères individuels dépendent désormais de trois facteurs : l’inné, l’acquis et la souplesse.

D’où l’intérêt de faire de l’exercice.

Références

Gestation pour autrui : dernières affres du « tout génétique »

lundi 18 août 2014

Le sujet des mères porteuses est très médiatique, car il ressasse l’impossibilité de choisir entre la sacralisation de l’éthique et celle du progrès.

Dissocier l’éthique sociale de l’éthique biologique pourrait nous aider à pénétrer dans cet imbroglio de la GPA.

Accorder à un couple stérile un ultime moyen d’obtenir un enfant génétique reste bio-éthiquement acceptable. Permettre à une femme riche, ne désirant pas supporter le poids d’une grossesse, de s’offrir le ventre d’une femme pauvre sur le marché mondial, est socio-éthiquement inacceptable. D’un côté, il s’agit encore de soin, de l’autre, il s’agit déjà d’esclavage. Mais ce résumé, volontairement grossier, est hors sujet, car la seule question utile, tant en biologie qu’en sociologie, est de savoir ce qu’est un « enfant à soi »

Avec la génétique dominante et tapageuse des années 1970, où l’on avait grotesquement annoncé la découverte des gènes de la criminalité, du suicide, de l’alcoolisme, ou encore de l’homosexualité, il était normal de penser qu’un enfant était à soi lorsqu’il avait hérité de la moitié de nos gènes.

Aujourd’hui, les considérables progrès de la biologie du développement (embryologie) nous révèlent que les gènes héritables, (ex : couleur des yeux ou forme du nez), ne sont qu’une faible part de la construction génétique de l’embryon. Les gènes architectes et les gènes régulateurs, dont l’expression dépend essentiellement des conditions de la grossesse, ont beaucoup plus d’importance.

Le ventre de la gestante est un lieu d’échanges permanents entre la mère, le père, le fœtus et sa fratrie. Ces interactions se révèlent capitales dans la construction et la répartition des synapses qui feront le système nerveux et la personnalité de l’enfant à naître.

L’ocytocine, qui envahit la mère et l’enfant au début du travail, est une hormone de l’attachement. Le colostrum, le lait et la peau viendront compléter cette liaison au point de la rendre irréversible.

On ne cesse de découvrir l’importance des processus épigénétiques, depuis les gamètes d’avant la fécondation jusqu’à la construction du phénotype, longtemps après la naissance. La variabilité génétique est mille fois moins importante que la variabilité phénotypique, et la pénétrance des mutations défavorables dépend principalement des conditions de vie.

L’erreur biologique est donc de penser qu’un enfant issu du ventre d’autrui est à soi. La part génétique héritable (d’un ou deux parents) représente certainement moins de 20% de ce que sera cet enfant.

L’éthique sociale peut alors s’effacer derrière la bioéthique qui nous impose de dire la vérité biologique : un enfant issu de la GPA ne sera pas plus votre enfant qu’un enfant adopté dont l’épigénome sera peut-être plus proche du vôtre.

Enfin l’adoption est un élément fort de la socialité animale, dont l’éthique est indépassable, tant  sur le plan biologique que sur le plan social.

En biologie, la gestation pour autrui n’est que l’une des dernières affres de l’époque révolue du « tout génétique ».

Éthique décalée : la FDA interdit la vente d’un test génétique

mardi 10 décembre 2013

En 2007, la société « 23andMe » commercialisait un test salivaire permettant d’établir une carte génomique personnelle pour 399 $. Nous avions alors dénoncé (réf) cette proposition qui prétendait évaluer le risque individuel pour les maladies les plus redoutables. La publicité alléchait le chaland en proposant de déterminer aussi la proximité génétique avec des célébrités ou avec une communauté ethnique ou socioculturelle. Devant de telles grossièretés, on peut s’étonner que la FDA n’ait pas réagi immédiatement en interdisant un tel commerce. D’autant plus qu’à l’époque, la recherche n’avait pas les moyens d’attribuer des interprétations solides à la plupart des polymorphismes nucléotidiques détectés sur les génomes.

Comme on pouvait s’y attendre, de nombreux diagnostics erronés ont été posés, ainsi que des prédictions fantaisistes dont on ne pourra jamais évaluer les prolongements psychologiques… D’aucuns diront qu’il faut déjà un profil psychologique particulier pour acheter de tels tests, et c’est certainement sur la connaissance de cette faiblesse humaine que le business plan de l’entreprise avait été élaboré.

Avec des clients de plus en plus nombreux, le prix du test a baissé à 99$ ; l’entreprise a fait fortune et prétend désormais pouvoir analyser jusqu’à 600 000 nucléotides ! Quel chercheur ne peut être pantois devant un si colossal travail de décryptage assuré par une seule entreprise commerciale ! Cela dans le mépris des incessantes découvertes en épigénétique qui relativisent toutes les prédictions cliniques issues des polymorphismes nucléotidiques.

Après de nombreux avertissements sans suite, la FDA vient de réagir en interdisant enfin la vente de ce test.

Ne rêvons pas… D’autres entreprises verront le jour, qui mêleront le sérieux de la recherche aux fantaisies du commerce. Google vient d’annoncer qu’il se lançait dans de grands investissements pour étudier la vieillesse et la longévité. Depuis deux-mille ans, la vie éternelle a toujours beaucoup rapporté à ceux qui en ont fait la promesse. Le business plan doit être très prometteur…

Notre vieille Europe semble être plus prudente. Certes il y a bien des sociétés européennes qui proposent de tels tests génétiques sur internet, mais nos eurodéputés ont adopté des résolutions pour encadrer ce type de commerce et les ont fait inscrire récemment dans les lois de bioéthique en raison d’un risque – je cite – de « conséquences dramatiques ».

L’éthique conséquentialiste consiste à poser les questions éthiques sur les conséquences d’une action AVANT de la mettre en place et avant même de réaliser des études permettant de l’évaluer.

L’Europe n’a pas encore compris qu’il faut faire de l’éthique conséquentialiste APRÈS ; ceci permet de sauver l’honneur sans perdre de gros marchés ! La FDA l’a compris !

Références