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Le placebo n’est pas une insulte

jeudi 14 novembre 2013

Nous ne cessons jamais de redécouvrir la puissance de l’effet placebo ni de disserter sur ses mécanismes obscurs.

De tous temps, les placebos ont représenté l’essentiel des thérapeutiques ; en réalité, ils contenaient toujours quelque « simple », « essence » ou « principe », hérités de croyances et d’empirismes ancestraux. Ces traditions d’apothicaire se sont maintenues jusqu’à nos jours, permettant d’éviter d’avoir à affronter cette vérité : la plupart des maladies et symptômes ont une histoire naturelle qui les conduit spontanément à la guérison, à la tolérance ou à la disparition. Les pharmaciens ont ainsi fabriqué et vendu avec bonheur d’innombrables placebos dont le seul véritable effet était souvent un effet indésirable. Certaines nuisances de ces placebos étaient d’ailleurs vécues comme une preuve indirecte de leur efficacité. Le seul critère d’évaluation étant la conviction intime des patients.

Puis avec l’émergence de la « médecine basée sur les preuves », il a fallu fabriquer de « véritables » placebos afin de les comparer à des médicaments dont on voulait prouver l’efficacité par des méthodes statistiques. Ces placebos destinés aux essais cliniques ne contiennent qu’une poudre inerte à l’intérieur d’une gélule ou d’un comprimé. Ces placebos « modernes » sont donc moins toxiques que les anciens, ils ne peuvent avoir aucune nuisance réelle, même si l’on s’étonne de constater qu’ils provoquent aussi de véritables effets secondaires ! Ces « nocivités placebos » confirment bien l’extraordinaire complexité du phénomène.

Cette méthodologie conduit à la disparition progressive des anciens placebos, car les autorités refusent de rembourser des médicaments n’ayant pas réussi l’épreuve statistique. Par ailleurs, on refuse de commercialiser de nouveaux vrais placebos, car de très nombreux patients vivraient, sans doute, la chose comme une insulte à leur égard.

Essayons maintenant d’être pragmatiques. Un vrai placebo a deux effets possibles : soit ne rien faire, soit faire du bien. Un ancien placebo et un vrai principe actif ont trois effets possibles : soit ne rien faire, soit faire du bien, soit faire du mal.

Soyons maintenant plus biologistes en considérant les gestes et objets de  médiation dont Konrad Lorenz a démontré l’importance, dans le monde animal, comme « déclencheurs innés » des chaînes réflexes et comportementales. L’homme ne fait pas exception et le placebo est certainement l’un de ces « déclencheurs ».

Rien ne devrait donc nous empêcher de réhabiliter, de commercialiser, voire de rembourser le vrai placebo, car sa balance bénéfices/risques est toujours positive et il n’est décidément pas une insulte à la biologie la plus élémentaire.

PS : Idéalement, éduquer nos enfants à ne pas ingérer de vrai ou faux placebo les aide à mieux connaître l’histoire naturelle de leurs symptômes. Cette connaissance sert assurément de « déclencheur acquis » pour les adultes ainsi éduqués.