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Les habits neufs de la délinquance

mercredi 11 novembre 2015

Franz Joseph Gall, fondateur de la phrénologie, prétendait établir les traits de caractère et les facultés mentales des hommes par la forme et les reliefs de leur crâne. Les yeux exorbités, certainement repoussés par un important volume cérébral, signaient une intelligence supérieure. La « bosse des maths », tout aussi illusoire, subsiste dans le langage courant, comme ultime témoin de ces extravagances. Ce neuroanatomiste réputé utilisait brillamment les parures de la science pour habiller ses idées.

Quelques décennies plus tard, il inspira Cesare Lombroso. Ce médecin légiste du XIX° siècle est resté célèbre pour avoir écrit plusieurs thèses sur la physiologie héréditaire de la délinquance et la morphologie des criminels. Il prétendait pouvoir identifier les criminels par l’examen clinique au moyen de divers signes et symptômes établis par lui-même, tels que les tatouages et l’épilepsie.

Les épileptiques n’en étaient pas à leur première stigmatisation, puisqu’après avoir été des suppôts de Satan, ils devenaient des criminels-nés.

Malgré l’habillage scientifique de ses propos, Lombroso ne faisait que relater les impressions générales et grégaires d’un populisme récurrent. On pensait à cette époque que la majorité des facultés et comportements s’expliquaient par des diathèses héréditaires liées à la race et à l’appartenance sociale : violence, alcoolisme, intelligence ou même syphilis !

Dans les années 1960, la découverte d’un chromosome Y supplémentaire (syndrome 47,XYY) a promu le chromosome de la criminalité. Puis avec ses parures encore plus flamboyantes, quoique microscopiques et moléculaires, la génétique a proposé plusieurs gènes de la criminalité, ou d’autres plus ou moins triviaux (comme l’on voudra), du romantisme, de l’autisme ou de l’homosexualité.

Les habits de la génétique, s’usant plus vite qu’on ne l’aurait supposé, la prédisposition à la délinquance a eu de nouvelles garde-robes, en endossant les larges toges de la psychiatrie. C’est alors l’hyperactivité infantile qui, malgré les grandes imprécisions de son diagnostic, est devenu la clé de la délinquance future. Un fameux rapport de l’INSERM proposait un dépistage de la délinquance dès l’âge de 3 ans !

Et voilà que la génétique revient avec les gènes MAOA et CDH13, nouveaux germes de la violence et probablement aussi les nouveaux habits du populisme grégaire.

Mais, il me vient une idée, due à la corrélation de toutes ces fascinantes découvertes phrénologiques, génétiques et psychiatriques avec une augmentation progressive des déviances, délinquances et terrorismes divers. Si cette « épidémie » de violence n’est pas qu’une fausse impression, elle devrait plutôt orienter les recherches vers une cause infectieuse, susceptible de mener à la découverte d’un vaccin qui nous débarrasserait définitivement de la criminalité.

Bibliographie

La misère est-elle mauvaise pour la santé ?

mardi 20 août 2013

La médecine basée sur les preuves a encore frappé. Une publication dans un très sérieux journal médical psychiatrique [[1]] révèle que le chômage parental et de mauvaises conditions socio-économiques dans l’enfance favorisent les addictions, les troubles du comportement et la délinquance à l’adolescence.

« Étonnant, non ! », aurait dit feu Pierre Desproges.

Jusqu’à ce jour, beaucoup de parents essayaient de trouver du travail, de mettre leurs enfants dans de bonnes écoles, de diminuer le nombre d’heures passées dans la rue ou devant la télévision, mais ils n’étaient pas encore certains que toutes ces contraintes avaient un intérêt pour leur progéniture.

Désormais, la preuve est faite ; les enfants de chômeurs ont plus de problèmes que les enfants de travailleurs. Mieux encore : « Mieux vaut être riche et en bonne santé que pauvre et malade », comme aurait dit Coluche, un autre grand disparu.

Nous savions depuis longtemps que l’humour est la forme suprême de l’épistémologie. Nous savons désormais que l’absence d’humour est  l’aboutissement des grands diplômes et des études prestigieuses.

Ce sujet sur les dangers de la misère pourrait donc être définitivement clos. Hélas, toute étude est sujette à caution.

D’un côté, quelque ignorant de la chose statistique dira, avec sérieux, qu’il connaît un enfant battu, malnutri et non scolarisé, devenu cadre supérieur et bon père de famille, ou un enfant de milliardaire ayant connu toutes les infortunes comportementales avant de se suicider.

De l’autre côté, un esprit brillant va détecter le biais fatal, car toute étude populationnelle en comporte au moins un. Particulièrement, celles où les critères de jugement sont socio-économiques et psycho-cliniques. Ce lobbyiste ou leader d’opinion pourra alors promouvoir l’illogisme absurde que nous chérissons tant : si la preuve de la thèse est fausse, c’est que l’antithèse est vraie.

Les gouvernements pourront alors laisser tranquillement s’aggraver les inégalités sociales. Les enfants de chômeurs, privés d’école et de diplômes, pourront conserver leur humour.

Et cela donnera du travail à des diplômés pour de nouvelles recherches sur des médicaments actifs contre les addictions et la délinquance, voire sur les causes génétiques de ces deux « maladies », que le chômage ne saurait expliquer !


[1] Seethalakshmi Ramanathan et coll.: Macroeconomic environment during infancy as a possible risk factor for adolescent behavioral problems. JAMA Psychiatry 2013; 70: 218–225.