Archive pour le mot-clef ‘retard’

Psychosocial ferroviaire

mercredi 6 septembre 2023

Nous nous souvenons plus souvent des trains qui sont arrivés en retard que de ceux qui sont arrivés à l’heure. Comme nous tous, j’ai probablement tendance à exagérer ma statistique personnelle, mais je crois pouvoir affirmer que 20% de mes voyages ont subi des retards notables.

Notre pays, pionnier du réseau ferré et de la grande vitesse, voit cet avantage historique annulé par le nombre de grèves de cheminots. Néanmoins, je ne comptabilise pas ces mouvements sociaux dans mes griefs de retard, car ils ont une forme de noblesse qui m’interdit de les inclure dans ma statistique grincheuse. D’ailleurs, ils ne s’évaluent pas en heures, mais en jours, semaines, voire mois. Ils sont donc hors-catégorie.

Lors de mon dernier voyage en TGV, un mort trouvé sur la voie a nécessité une enquête sur place qui a bloqué le trafic pendant 5 heures. L’année dernière, c’était un suicide qui avait provoqué un retard similaire.  Quelques années auparavant, c’était un sanglier qui avait franchi les clôtures de la voie sans idée préconçue de suicide. Un ami vient de vivre la même aventure avec un cerf. Il serait cependant mesquin d’accuser la SNCF d’écocide involontaire. Et puisqu’il est question d’écologie, notons que des écologistes extrémistes sabotent régulièrement des caténaires pour protester contre une nouvelle ligne ou pour en réclamer une dans un désert ferroviaire. Les écologistes aiment aussi bloquer les gares qu’ils partagent volontiers avec des extrémistes de droite et des grévistes sans affinité ferroviaire. Les djihadistes s’en prennent plutôt aux voyageurs et sont à l’origine de retards mémorables.

Venons-en à la médecine et à la santé, mes sujets de prédilection. Au total, mes proches ont vécu cinq retards importants pour l’évacuation sanitaire de trois embolies et deux AVC survenus dans leur train. La psychiatrie n’épargne pas nos réseaux ferrés, puisque trois de mes amis ont eu à faire à des psychotiques en phase délirante qui avaient actionné le signal d’alarme

Récemment, une locomotive a été bloquée en gare de Lyon, car une chatte gestante s’était réfugiée dessous. Des membres de la SPA ont exigé son évacuation douce. Douceur qui a nécessité deux heures de diplomatie féline.

Quant aux phénomènes météorologiques qui perturbent régulièrement le réseau ferré, il est difficile de désigner des responsables. On pourrait reprocher à la SNCF de n’être pas assez prévoyante, mais il faudrait aussi accuser toute l’humanité qui est en partie responsable de ces évènements climatiques extrêmes. Décidément, beaucoup d’extrémismes, d’incuries et d’idéologies convergent vers nos trains.

Mes propos dissimulent assez mal un agacement de citoyen voyageur. Je me dois donc d’y adjoindre une question philosophique : à partir de quel niveau de complexité psychosociale il n’est plus ni nécessaire ni rentable d’investir dans le progrès technologique ?

Je vous invite à y réfléchir pendant vos prochaines heures d’attente dans un train bloqué…

Référence