Archive pour le mot-clef ‘héritabilité’

Epigènes héritables

lundi 20 novembre 2023

Les lois darwiniennes de l’évolution ont tardé à pénétrer les esprits ; inversement, la génétique a connu un succès rapide. L’expression « c’est dans son ADN » suffit à résumer l’engouement des médias et du grand public pour le déterminisme par les gènes.

Pourtant, si l’ADN est responsable de traits biologiques et morphologiques, il intervient moins sur nos traits comportementaux. Les progrès de l’épigénétique nous confirment la primauté de l’environnement sur le comportement.

Il faut distinguer les marquages épigénétiques selon qu’ils opèrent sur des cellules somatiques ou germinales. Dans le premier cas, ils n’entraînent évidemment aucune répercussion sur la génération suivante. Inversement, lorsque des cellules germinales sont marquées, une transmission intergénérationnelle est possible. Cependant, la plupart de ces marques germinales s’effacent avant, pendant ou juste après la fécondation, laissant à l’embryon un ADN « nettoyé » issu de ses deux parents. Puis, la vie in utero, l’éducation et l’environnement viendront poser de nouvelles marques épigénétiques sur cet ADN.

Freud et Lamarck ignoraient la génétique et l’épigénétique. Freud a supposé à raison que des marques posées sur l’ADN de cellules cérébrales entraînent des répercussions sur l’humeur et le comportement. Quant à Lamarck, s’il avait tort pour les marquages somatiques, il avait raison pour certains marquages germinaux.

Aujourd’hui, nous avons maintes preuves de marques germinales non reprogrammées, donc héritables. Certaines concernent l’alimentation dont les marques sur le sperme et les ovules peuvent être transmises à la progéniture. L’exemple le plus connu est celui de la famine hollandaise dont les stigmates sont vécus par la génération suivante.

Nous savons aussi que l’exposition à des médicaments comme le distilbène ou à des pesticides, ont marqué les cellules germinales sur plus de deux générations. Le stress vécu par les parents marque leurs cellules cérébrales, mais peut aussi marquer leurs cellules germinales. Par exemple, les survivants de l’holocauste ont transmis à leurs enfants des épigènes du traumatisme qu’ils ont vécu.

Dans le cas du stress ou de la nutrition, on comprend aisément que l’éducation peut ajouter d’autres marques qui modifieront l’expression des gènes déjà marqués par héritage. Ainsi, l’obésité et l’anxiété peuvent être à la fois héritées et modulées ou aggravées par l’éducation.

L’hérédité épigénétique intergénérationnelle est définie comme une hérédité qui ne traverse qu’une ou deux générations, alors que la transgénérationnelle est celle qui en traverse plusieurs. Nous avons de nombreuses preuves d’hérédité épigénétique transgénérationnelle chez les plantes, mais encore très peu chez l’homme.

Ainsi, malgré les grandes perturbations environnementales que nous subissons, il semble que la reprogrammation de notre lignée germinale fonctionne encore assez bien pour éliminer les marques épigénétiques les plus délétères.

Pourvu que ça dure…

Références