Le dysgénisme face à la vertu

Galton, créateur du concept d’eugénisme voulait améliorer l’humanité en interdisant la procréation aux faibles et malades supposés porteurs de mauvais gènes. Quelques pays s’y sont essayés, pour leur plus grande honte et leurs plus gros remords. L’Allemagne nazie a porté l’eugénisme à son paroxysme en éliminant directement les porteurs sans vérifier leurs gènes qu’elle avait décrété nuisibles.

À l’opposé, comme son préfixe l’indique, le dysgénisme consiste à sélectionner de mauvais gènes. Le terme a été créé par un naturaliste américain qui pensait que la première guerre mondiale en tuant les hommes les plus valides, allait sélectionner les invalides restés à la maison.

La médecine est accusée de dysgénisme puisqu’en assistant et en soignant les plus faibles, elle leur permet assez souvent d’atteindre la maturité sexuelle et l’âge de la procréation. Par exemple, la procréation médicalement assistée serait une façon de permettre la diffusion de gènes de la stérilité. Ou encore la pratique des césariennes risquerait de favoriser la reproduction de femmes au bassin étroit, à l’encontre de la sélection naturelle.

De façon moins fallacieuse et plus problématique, les soins à des personnes atteintes d’une maladie monogénique, comme la mucoviscidose dont le gène délétère est connu, leur permet désormais de largement dépasser l’âge de la maturité sexuelle. Ce dysgénisme médical est compensé par le dépistage anténatal de cette maladie suivi d’une proposition d’interruption de grossesse. On peut alors reprocher à la médecine d’être à la fois dysgéniste et eugéniste, mais c’est la rançon d’un progrès que la société lui réclame.

Il ne fait aucun doute que les thérapies géniques, les protéines recombinantes ou les ciseaux moléculaires permettront à des porteurs de maladies génétiques rares d’accéder à l’âge adulte et à des demandes de procréation que la médecine devra tenter de satisfaire au nom de l’égalité des chances. Le dépistage anténatal deviendrait alors impératif, voire obligatoire.

La médecine n’a pas de projet social, et personne ne le lui demande. La technologie n’en a pas davantage. Seul le politique peut interdire, imposer ou réglementer. Quand bien même le politique aurait compris la sélection naturelle, toutes ses décisions seraient contestables et contestées pour des raisons d’éthique ou d’équité.

SJ Gould avait bien compris cette impasse politique et anthropologique lorsqu’il disait déjà en 1995 : « Pourquoi faudrait-il qu’un processus qui a réglé l’histoire des êtres vivants au long de 3,5 milliards d’années sans mettre en œuvre de système éthique explicite fournisse toutes les réponses à une espèce qui est apparue il y a une seconde seulement au niveau des temps géologiques, et qui a ensuite changé les règles en introduisant d’intéressants concepts nouveaux tels que la justice et la vertu ».

Références

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