Pesticides, antidépresseurs et agnotologie du suicide

Un retentissant procès vient de condamner Monsanto à verser 250 millions d’euros à un jardinier intoxiqué par le glyphosate. Cette sentence est considérée par la plupart des commentateurs comme une preuve définitive de la toxicité du glyphosate. Depuis des décennies, des milliers d’articles scientifiques ont formellement démontré la toxicité des pesticides en général et du glyphosate en particulier. Rares sont ceux qui ont eu un écho, et les plus commentés l’ont été cent fois moins que ce dernier procès. Certes, la science n’a pas le charme médiatique de la justice, mais ce serait là une trop rapide conclusion.

En réalité, la science n’émeut pas les multinationales, car elles en sont les premières productrices. Rien n’est plus facile que de décortiquer les petits biais consubstantiels à toute science et de produire de nouveaux biais. Cette science du doute s’appelle l’agnotologie et elle suffit à maintenir longtemps les institutions en sommeil. Surtout si ce sommeil est profitable à tous les sens du terme.

On pourrait en conclure que seule la justice peut émouvoir les multinationales. Ce pourrait être vrai si les condamnations visaient les dirigeants, mais les peines se résument toujours à d’anonymes indemnités qui ont été largement budgétées en amont. L’industrie pharmaceutique en est coutumière. Le laboratoire Glaxo a payé une amende de 3 milliards de dollars pour avoir dissimulé pendant des années les risques cardiovasculaires mortels liés à son hypoglycémiant (rosiglitazone). Pfizer a payé 2,3 milliards pour avoir promu hors autorisation de dangereux antiépileptiques pour des douleurs banales. Etc. Le procès du glyphosate semble ridicule aux côtés des milliards que paient avec discrétion les compagnies pharmaceutiques pour éviter les procès.

Pourtant, en dehors de la science et de la justice, le bon sens peut parfois suffire. La simple observation de la dévastation animale et végétale immédiate causée par les pesticides suffisait à en évaluer la toxicité. Les paysans du monde entier ne s’y sont pas trompés en choisissant les pesticides comme premier moyen de suicide. Les pesticides sont même responsables de plus d’un suicide sur sept dans le monde. Les antidépresseurs en provoquent probablement plus, mais la preuve est plus délicate, car l’agnotologie pharmaceutique est infiniment plus subtile que l’agnotologie agro-alimentaire.

Constatant le long et tortueux chemin de la vérité avec la science ou la justice comme seul attelage, nous comprenons aisément pourquoi la très grande majorité des humains se réfugie derrière les dogmes. L’industrie agro-alimentaire est là pour nous nourrir. L’industrie pharmaceutique est là pour nous soigner. Voilà des dogmes qui, en plus d’être immuables, sont vraiment reposants.

Références

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2 commentaires sur “Pesticides, antidépresseurs et agnotologie du suicide”

  1. LARAQUE Yves mail privé dit :

    J’ai lu plusieurs de vos livres.
    « L’Art Médical au service de L’Humain et du bien collectif » récemment sorti aux ÉDITIONS LE CAPOIS (FACE BOOK LES ÉDITIONS LE CAPOIS)
    est une réponse à nos énarques qui vivent et nagent dans un monde ou la caractéristique essentielle est frappé du sceau de l’illettrisme.
    Ces moments que nous vivons doivent être éclairés dans la voie de la justesse humaine, dans sa dualité : esprit et corps. La médecine est ma vie, elle n’est pas négociable si elle s’éloigne de la chair humaine. Les moments qui envahissent ce monde médical, les différentes lumières projetées peuvent, si nous n’y prenons garde, nous conduire dans une impasse destructrice.
    Le savoir médical est en permanence balayé, morcelé par le vent de l’espoir qui est en tout être humain…
    Ce livre s’inscrit dans le souhait de trouver dans nos officines des médicaments qui guérissent.
    Or depuis un siècle, les récits légendaires d’une médecine scientifique courent le monde. Un luxe de détails nous est proposé face au panorama des maladies, des plus bénignes aux plus graves. On nous donne l’illusion d’une masse de connaissances étendues, approfondies, permettant des résultats efficaces…
    Nous sommes « pesticides « totalement.LA QUESTION À SE POSER : TOUTES SES INFORMATIONS NE SONT ELLES PAS VOULUES ?
    Votre avis m’intéresse. Confraternellement Dr Laraque Yves

  2. marie josephe dzula dit :

    je suis d’accord avec vous : le monde est dominé par la finance, l’agro alimentaire et l’industrie pharmaceutique: les hommes politiques ne sont que des polichinelles avec un miroir aux alouettes l’art , le luxe mais le monde peut se renverser

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