Mais qui donc est prescripticide ?

Les lanceurs d’alerte ou redresseurs de torts doivent avoir plus de rigueur scientifique et méthodologique que leurs cibles. Ceci est particulièrement vrai en médecine où, malgré quelques scandales retentissants, les activités médicales jouissent d’une image très positive, car il est insoutenable de penser trop longtemps que ceux dont les missions sont l’assistance et le soin puissent être falsificateurs, inconséquents, guidés par le lucre ou avides de pouvoir.

Au-delà de sa science et de ses résultats, le pouvoir biomédical actuel s’est accru de sa réussite commerciale, de ses capacités démagogiques et de ses collusions médiatiques, le tout démultiplié par l’a priori d’empathie et de bienfaisance dont bénéficient ses acteurs.

La méthode et les mots pour s’attaquer à de tels pouvoirs, doivent être de la plus grande précision, car la moindre erreur déchaîne les quolibets ou la vindicte. Rien n’est plus simple pour le lion que de faire accuser l’âne.

Critiquer la médecine sur l’imprécision de ses termes comme nous l’avons fait, par exemple, pour la confusion permanente entre facteur de risque et maladie, ou pour le mot « diabète » qui désigne deux entités totalement dissemblables, nécessite d’éviter soi-même les erreurs de terminologie.

Après cette envolée lyrique, j’en arrive à mon sujet du jour : le mot « prescripticide ». Ce mot est récemment apparu sur quelques « wiki » anglophones et réseaux sociaux pour désigner une prescription médicale qui tue.

Ceux qui souhaitaient ainsi, avec raison, vulgariser les dangers bien réels de la médecine auraient dû mieux réfléchir à l’étymologie.

Homicide, infanticide, fratricide, bactéricide et suicide désignent successivement le fait de tuer (cide) un homme, un enfant, un frère, une bactérie ou soi-même. Un prescripticide serait alors celui qui tue un prescripteur ou, de façon imagée, une prescription, c’est-à-dire exactement l’inverse du sens donné par les internautes à ce mot.

Le Mediator (par exemple) n’a pas été prescripticide (sauf pour lui-même), alors que ses prescripteurs ont perpétré des homicides (involontaires pour la plupart). Ce type d’homicide par les médecins est déjà bien désigné depuis l’antiquité par le mot « iatrogène » (provenant du médecin). On parle de pathologie iatrogène ou de mortalité iatrogène pour désigner les maladies et les morts provoquées par la médecine elle-même.

Les médecins et leurs prescriptions ne sont donc jamais « prescripticides », mais ils peuvent commettre des homicides iatrogènes. Occasion de rappeler ici que la mortalité d’origine médicale représente dans les pays occidentaux, la troisième cause de mortalité après les cancers et les maladies cardio-vasculaires. Ce qui mériterait une longue réflexion méthodique et contradictoire pour laquelle il n’est besoin d’aucun mot nouveau. Un peu de science et de courage suffisent.

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