Espérance de vie et tourisme

Le peuple français se félicitait avec raison d’avoir l’espérance de vie à la naissance la plus élevée d’Europe et l’une des meilleures du monde.

Voilà qu’une enquête de l’INED vient ternir cette belle image. Ces enquêteurs briseurs de rêve ont eu la malveillante idée d’introduire le paramètre de qualité de vie dans l’évaluation des exploits sanitaires des nations. Et patatras, voilà que la France n’arrive désormais qu’en onzième position en Europe et je n’ose même pas imaginer sa place dans le monde…

On vivrait donc vieux, mais malades ou tristes.

Mauvaise pour notre orgueil national, cette nouvelle est excellente pour le clinicien que je suis. Désormais, un chiffre ne devrait plus suffire à établir la vérité clinique. Puisque l’énumération des années écoulées entre le premier et le dernier souffle de vie ne sont plus le label officiel de la bonne santé, nous pouvons espérer que les chiffres perdront progressivement leur monopole sémiologique.

Ainsi les baisses de chiffres tensionnels, glycémiques, lipidiques ou PSAïques ne seront plus les seuls critères de la réussite médicale, encore faudra-t-il prouver l’impact de ces décroissances sur la quantité et la qualité de vie.

Ces nouvelles évaluations qualitatives seront-elles réellement moins factices et moins manipulables que les traditionnelles évaluations numériques ? On peut en douter…

Je pense à ces nombreuses personnes âgées, venues me voir, angoissées à l’idée de leur prochain départ pour les Indes ou le Pérou, car elles avaient eu la malencontreuse idée de succomber à la mercatique du voyage organisé part leur mutuelle de santé. Certaines me suppliaient de faire un certificat médical les dispensant de ces départs vers l’inconnu, même si mon acte illicite risquait de nuire à l’industrie du tourisme.

Si le tourisme du troisième âge était défini comme critère de « qualité de vie », il se trouverait des manipulateurs capables de produire du tourisme à la chaîne, pour améliorer les indicateurs sanitaires. Pour que le critère touristique soit scientifiquement validé, il faudrait le moduler en indiquant si le voyage a été réalisé avec la joie au cœur ou avec la peur au ventre.

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