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Truvada®, houlala !

lundi 11 janvier 2016

Le Truvada® est une association de deux antirétroviraux, déjà utilisée dans le traitement du SIDA, et qui vient d’obtenir une autorisation temporaire d’utilisation (ATU) en France dans la prévention chez les sujets à risque (homosexuels masculins à rapports multiples, acteurs de films X, conjoints de séropositifs, prostituées acceptant des rapports non protégés, etc.)

Les opposants à cette ATU avancent que le risque de ces pratiques marginales ne doit pas être pris en charge par la solidarité nationale. Certes 500 € par mois paraissent excessifs pour une prévention aléatoire, mais il semblerait discriminant et contraire à notre belle solidarité nationale de ne pas l’accorder à ceux qui ont choisi ces pratiques, au seul prétexte qu’ils les ont choisies.

S’interroger sur la pertinence de cette ATU est risqué pour le médecin débatteur, car lorsque la mayonnaise médiatique a déjà pris, le politiquement incorrect devient encore plus effrayant que le SIDA. Mais ne portons pas le débat sur ce point.

L’étude ‘Ipergay’ à l’origine de cette décision comporte un biais grossier, souvent utilisé depuis quelques années par les laboratoires financeurs, consistant à interrompre l’étude avant son terme au prétexte que continuer à donner le placebo ne serait pas éthique en raison de bons résultats partiels. Éthique fallacieuse qui fonctionne bien auprès des ministères. Mais ce n’est pas non plus sur ce point qu’il faut porter le débat.

Ce médicament entraîne des résistances, comme tous les antirétroviraux, et sa généralisation aux « bien-portants » risque d’accélérer ces résistances. Mais ce n’est toujours pas de ce point dont il faut débattre. Ce médicament comporte aussi des risques non négligeables d’insuffisance rénale, mais là non plus n’est pas le sujet de notre propos.

Non le danger socio-sanitaire le plus prévisible est ailleurs, il se situe au cœur du défaut historique de la médecine, de son défaut le plus structurel, le plus permanent : l’extension des indications. Depuis la saignée qui a été mille fois trop pratiquée, jusqu’aux statines mille fois trop prescrites, en passant par les antibiotiques ou les antidépresseurs toujours cent fois trop, tous les médicaments mis sur le marché ont suivi le cours de l’extension immodérée des indications.

N’en doutons pas, le Truvada suivra cette inexorable dérive. Seule l’industrie pharmaceutique est capable de créer un marché de 20 € supplémentaire par coït, marché dont même les proxénètes et les industriels du préservatif n’auraient jamais osé rêver. Imaginons que seulement 0,1 % des coïts pratiqués dans notre pays soient ainsi pris en charge à 100% par la Sécurité Sociale ; que deviendrait alors le budget de notre belle solidarité nationale ? Il ne me vient à l’esprit que le mot avec lequel les humoristes étrangers caricaturent volontiers notre langue : houlala !

Bibliographie