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À la recherche de contrées spermatiques

mardi 5 juin 2018

Parfois les chiffres s’expriment d’eux-mêmes sans qu’il soit nécessaire de les faire parler. En 1940, la quantité de spermatozoïdes par ml de sperme était de 113 millions. Cinquante ans plus tard, en 1990, elle était de 66 millions. Pendant la même période, le volume de l’éjaculat est passé de 3.40 ml à 2.75 ml.
Alors qu’un degré de réchauffement climatique fait l’objet d’un catastrophisme rabâché sur tous les médias, cet effondrement de la spermatogénèse se déroule dans le plus grand silence. Ce déficit de vulgarisation de la biologie et de la médecine, comparées à toutes les autres sciences dures ou molles, est un problème chronique qui provient essentiellement de la manipulation des normes.
Ainsi, devant cette catastrophe spermatique, l’OMS a tout simplement modifié les normes de l’hypospermie (limite à partir de laquelle on considère le sperme comme insuffisant). Surprenante manipulation. Pour l’éjaculat, cette norme était 3ml en 1940, 2ml en 1999 et 1,5 ml en 2010. Pour le taux de spermatozoïdes par ml, on a vite oublié les 66 millions de 1990, pour tomber rapidement à 20 millions en 1999 et à 15 en 2010 ! On a même décrété que la fertilité pouvait subsister jusqu’à 5 millions, sans considérer qu’un spermatozoïde victorieux qui pénètre un ovule du XXI° siècle a combattu vingt fois moins d’adversaires qu’en 1940.
Nous savons depuis longtemps que les multiples perturbateurs endocriniens de l’agro-alimentaire et de la pétrochimie sont à l’origine de cette dégénérescence spermatique, et nous savons depuis peu que les marques épigénétiques de ce processus sont héritables. On peut expliquer le silence autour de ces faits de deux façons, l’une réfléchie, l’autre primesautière. La première résulte d’un lobbysme bien compris pour ménager le système productif qui structure toute notre société. La seconde est un mélange confus de sentiments inavouables et contradictoires : avec 7 milliards d’habitants, faisons fi des problèmes de fécondité, espérons que l’hypofertilité épargnera notre pays ou notre communauté socio-culturelle, on inventera de nouvelles procréations médicalement assistées, etc. Lorsque l’autruche met sa tête dans le sable, c’est peut-être parce qu’elle a honte.
Les spermatozoïdes deviennent encore plus rares et plus fragiles que les abeilles et le dogme de la croissance du PIB est intouchable. Après avoir sauvé plusieurs industries en abaissant les normes de la spermatogenèse, la docile OMS a également favorisé l’industrie pharmaceutique en abaissant les normes de la glycémie et de la tension artérielle.
Devant l’impossible vulgarisation des sciences biomédicales, il ne nous reste plus qu’à espérer qu’il subsistera des contrées spermatiques où nos filles pourront aller se faire féconder…

Références