Archive pour le mot-clef ‘Société’

Pailles de la prévention

jeudi 12 mars 2015

Les jours de grande pollution, de nombreux messages officiels recommandent de garder les jeunes enfants à la maison. Leur système respiratoire, encore immature, est plus sensible aux effets de la pollution atmosphérique. Il est également recommandé aux joggeurs d’éviter de pratiquer leur sport favori dans les villes. Si des enfants doivent absolument aller à l’école, il est recommandé de les y conduire… en voiture… de préférence.

Aux ébahis qui se demandent pourquoi, on n’interdit pas aux véhicules de rouler en suggérant aux parents d’accompagner leurs enfants à pied à l’école, il n’y a qu’une réponse sensée à apporter. L’automobile est doublement indispensable au bon fonctionnement de l’économie : par l’industrie qui les fabrique et pour tous les travailleurs qui l’utilisent quotidiennement. Et nous devons reconnaître, au grand dam de nos convictions écolo-sanitaires, qu’une bonne économie est indispensable à notre bonne santé.

Cependant, si les parents ont l’habitude de fumer à la maison, il est préférable de sortir les enfants dans la rue, car une maison enfumée est plus toxique pour les jeunes enfants qu’une ville un jour de grande pollution. La rue est d’ailleurs le seul endroit où ils ont désormais le droit de fumer en dehors de leur maison !

Aux naïfs et aux censeurs qui se demandent pourquoi on n’arrive pas à faire diminuer plus vite le tabagisme et ses misères collatérales, il y a plusieurs réponses sensées à apporter. Une démocratie digne de ce nom ne peut réduire trop drastiquement les libertés individuelles. Les buralistes ont de bons syndicats qui défendent le commerce de proximité et les emplois qu’il crée. Les cigarettiers ont de bons lobbys qui défendent le PIB, les emplois et les taxes qu’ils créent. Et nous devons reconnaître, au grand dam de notre pédiatrie militante que le PIB, les taxes et les commerces de proximité sont bons pour notre santé, donc pour celle de nos enfants, si dépendante de la nôtre.

Lors des grandes manifestations mystiques, il est recommandé de ne pas laisser les enfants à la portée des religieux qui risquent d’abuser de leur influence sacrée.

Aux athées et anticléricaux qui se demandent comment empêcher la pédophilie et la fanatisation, il serait misérable de sous-entendre que les conservatismes religieux et politiques favorisent un certain aveuglement sur nos différents clergés.

Les jours de grand carnage par arme à feux dans les écoles américaines, il est recommandé de ne pas envoyer les enfants à l’école.

Aux éberlués qui se demandent comment empêcher de telles horreurs, il est recommandé de se reporter aux paragraphes précédents. En rassemblant toutes les pailles de nos yeux on devrait bien finir par trouver une foutue explication à la poutre des autres.

Science impossible du dépistage

vendredi 14 février 2014

Actuellement, les dépistages « organisés » ou « de masse » des cancers – donc sans ciblage personnalisé – sont fortement remis en cause par des études qui révèlent leur faible impact sur la santé individuelle et publique.

Les résultats « officieux » des études les plus crédibles diffèrent selon le cancer considéré : rapport bénéfice/risque positif pour le dépistage du cancer du col de l’utérus, neutre ou très faiblement positif pour le sein, neutre pour le mélanome, négatif pour la prostate, l’ovaire et le poumon, et encore indéterminé pour le côlon (trop récent).

Lorsque les études essaient, malgré la difficulté, de tenir compte des surdiagnostics, des surtraitements et d’autres facteurs de diminution de la qualité de vie, les résultats sont encore plus médiocres.

Mais ces études négligent encore deux autres éléments importants. D’une part, la baisse de mortalité due à l’amélioration des thérapeutiques médicales et chirurgicales des cancers évolués. D’autre part, les bons résultats de certaines politiques de prévention, telles que la diminution des traitements hormonaux de la ménopause, pour le cancer du sein, ou la limitation du tabagisme, pour tous les cancers.

Comme les trois actions : dépistage de masse, thérapeutiques efficaces et mesures préventives sont combinées au sein des populations étudiées, il est de plus en plus difficile d’évaluer la part de chacun dans les variations de mortalité et de létalité. D’autant plus que les thérapeutiques efficaces le sont sur des cancers évolués ou métastatiques, ceux où la létalité est la plus forte, et non sur des cancers dépistés où la létalité est logiquement très faible.

Pour des raisons éthiques, ni les thérapeutiques ayant la moindre efficacité, ni les mesures de prévention, ni les dépistages ciblés, ne peuvent être interrompus. La seule façon de connaître l’efficacité réelle des dépistages de masse, serait de les interrompre pendant quelques années.

Bien que cela soit éthiquement acceptable, au vu de leurs résultats médiocres, cela est politiquement, humainement et pratiquement impossible, en raison de deux convictions intimes partagées par tous les patients et de nombreux médecins. 1/ Une tumeur ne se serait jamais développée si elle avait été dépistée à temps. 2/ La « guérison » d’un cancer dépisté est attribuée au dépistage plus qu’à l’évolution naturelle ou à l’efficacité thérapeutique.

Les statistiques « contre-intuitives » susceptibles d’ébranler ces deux convictions devraient avoir des niveaux de preuve et de significativité largement supérieurs aux niveaux actuels. Comme nous venons de démontrer que de telles études sont désormais impossibles à réaliser, il nous faut admettre que la vérité sur les dépistages de masse ne nous sera jamais accessible.

Pour chaque citoyen en bonne santé, tout dépistage est un pari individuel, aux ressorts intuitifs et idéologiques, qu’aucune science ne pourra jamais ni cautionner ni contester.

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