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L’erreur n’est pas toujours le médicament

jeudi 23 mai 2013

Le Thalidomide® et le Distilbène® font partie de ces gros scandales de l’histoire de la pharmacie qui ont provoqué un durcissement des normes des essais cliniques, des mises sur le marché, et de la pharmacovigilance.

Tous ces efforts louables portent toujours sur les normes de production et de surveillance des médicaments, en négligeant de critiquer les dérives de leur consommation et les fondements de leur prescription.

Les dérives sont habituelles. Même si les indications d’un médicament sont précises et limitées, le moteur marchand entraîne progressivement producteurs, prescripteurs et consommateurs à forcer la consommation au-delà des besoins. Pour agir sur les paramètres de cette dérive, le meilleur moyen est le dépistage des conflits d’intérêts.

Mais dans les deux exemples cités, c’est au niveau même du fondement de la prescription qu’il fallait poser les questions et évaluer les risques. Si le Thalidomide® et le Distilbène® ont généré de si graves handicaps sur plusieurs générations, c’est que nul médecin ne s’est interrogé sur le bien-fondé de la nécessité même d’un médicament dans ces cas précis.

Le Thalidomide® était destiné à limiter les nausées du premier trimestre de la grossesse. Malgré le constat d’inefficacité, nul prescripteur ne s’est posé la question sur la nature profonde de ces nausées, certes parfois inconfortables, mais toujours sans danger.

Le distilbène était censé lutter contre les menaces de fausse-couche, sans que nul ne s’interroge sur le taux quasi immuable de ces fausses-couches spontanées.

Nous savons aujourd’hui que les nausées du premier trimestre sont un pur produit de l’évolution, destiné à protéger l’embryon particulièrement vulnérable à d’éventuelles toxines alimentaires.

Nous savons que les fausses-couches spontanées sont un processus naturel d’élimination d’embryons et fœtus non viables, donc un choix naturel optimal pour l’espèce.

Prescrire un médicament, dans ces deux cas, n’était pas une aberration pharmacologique ; c’était un interventionnisme stupide. Certes, les médecins de l’époque ne le savaient pas…

Aujourd’hui, pourtant, nous voyons de nombreuses prescriptions où il est aisé de supputer une erreur fondamentale au niveau de la prescription elle-même, indépendamment des risques inhérents au produit prescrit.

Tous les traitements pharmacologiques de l’obésité se sont révélés  néfastes, sans aucune exception. Le bon sens suffit à comprendre qu’aucune chimie ne peut faire maigrir sans risques ; pourtant, la recherche pharmacologique continue dans ce domaine. Le bon sens devrait encore suffire à comprendre que les insomnies réelles, perçues ou virtuelles des séniors, ne sont qu’un processus naturel du vieillissement. Pourtant, la promotion de la mélatonine (une hormone) a déjà commencé activement dans cette indication. Etc.

Non, l’erreur n’est pas toujours le médicament : c’est son indication, c’est l’argument même de sa prescription.