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Grossièreté neuroleptique

samedi 19 octobre 2019

Les quatre domaines du soin sont la chirurgie, l’obstétrique, la médecine et la psychiatrie. Nul ne peut contester les extraordinaires progrès des deux premiers. En ce qui concerne la médecine, nous devons louer la morphine, les vaccins, l’insuline et les antibiotiques. Pour la psychiatrie, en dehors des neuroleptiques et des thérapies comportementales, une certaine modestie s’impose.

Les neuroleptiques ont révolutionné le soin en supprimant la camisole de force, transformant les « aliénés » en « patients ». La pharmacologie psychiatrique, trop souvent en échec, a transformé ce succès en une grossièreté mercatique. Lorsque la chlorpromazine (Largactil®) a été découverte dans les années 1950, ce premier neuroleptique a été proposé dans – va-t-on me croire – l’alcoolisme, l’anxiété, l’asthme et toutes les douleurs (arthrose, tendinites, brulures, etc.)

Comprimé magique également promu pour l’hyperactivité infantile et tous les troubles du comportement de l’enfant, décrétés innombrables. Une publicité est allée jusqu’à proposer un dérivé de la chlorpromazine pour les enfants qui détestaient leurs jouets. En cette époque de domination psychanalytique, venger les injustices de la vie sur sa poupée devait être un signe de déséquilibre mental.

Et aussi le hoquet, les nausées y compris celles de la grossesse, les vomissements, l’ulcère gastrique, la ménopause, le psoriasis et les émotions liées à toutes les maladies de la peau.

Le cancer a été particulièrement choyé puisque la chlorpromazine était indiquée pour la phobie du cancer, les souffrances liées à la maladie et à sa radiothérapie. Donc avant, pendant et après !

Sans oublier l’agitation sénile et plus simplement la sénilité. Tous les patients agités ou contestataires, mais aussi les patients apathiques. Et encore, les manies, l’agressivité, les déficiences mentales, le stress. Une publicité vantait la « libération de l’esprit » en décrivant ces comprimés comme des « compagnons » sur lesquels on pouvait compter pendant des mois et des années. Les années étant préférables.

La schizophrénie, seule véritable indication, n’avait pas de priorité particulière. Certes la publicité mentionnait l’action sur les délires, ajoutant que le médicament pouvait aussi aider les personnes distraites à se maintenir dans la réalité.

Enfin, ce médicament faisant somnoler les patients avant l’anesthésie, on pouvait vanter son action aux quatre « point cardinaux » : obstétrique, chirurgie, médecine et psychiatrie.

Hygie et Panacée, les deux filles d’Asclepios dieu de la santé, étaient rivales, l’une prévenait les maladies, l’autre les guérissait toutes. Avec les neuroleptiques, Panacée a failli gagner. Aujourd’hui Hygie a repris de l’influence. Mais Panacée n’a certainement pas dit son dernier mot. En prescrivant largement des neuroleptiques, dès le plus jeune âge, notre efficacité sur les pathologies serait globale : avant, en supprimant la crainte, pendant, en masquant les symptômes, et après, en effaçant le souvenir.

Références