Archive pour le mot-clef ‘évolution’

Évolution des épidémies

mardi 17 mars 2020

Lors d’une épidémie, les autorités n’ont pas d’autre choix que celui de la prudence, en ajustant progressivement les contraintes aux données des experts. Cela indépendamment de l’inflation médiatique et sans se préoccuper des conséquences économiques. Il n’y a donc rien à reprocher à notre ministère dans la crise actuelle.

Le risque de cet exercice imposé est de créer une inquiétude démesurée. Étrangement, le comportement général est assez serein. La France apparaît plus disciplinée et moins dépressive que ne l’est sa réputation sur ces deux traits. Serions-nous un peuple mûr, rompu aux folies et mensonges du web ? Aurions-nous tout compris des récupérations individuelles politiques et professionnelles inhérentes à ces crises ? Il semble que presque…

Pour aller dans le sens de plus de sérénité sans perdre celui de la réalité, parlons ici de l’aspect évolutionniste des épidémies, logiquement peu abordé en situation d’urgence.

La pression parasitaire désigne l’ensemble des nuisances provoquées par les microorganismes et leurs vecteurs (bactéries, virus, protozoaires, insectes et acariens). Cette pression est évidemment plus faible dans nos pays que dans les pays tropicaux, et nous avons développé divers moyens pour la maintenir au niveau le plus bas possible. Cependant, il y aura toujours de nouvelles souches de virus et de bactéries qui viendront troubler notre récente sérénité. Heureusement, car l’inverse signifierait la disparition de toute vie.

Ce qui a changé au cours des cinquante dernières années n’est pas le nombre ou la virulence des attaques, mais notre capacité clinique, épidémiologique et technologique à les détecter et à en préciser le germe. Il existe une sorte de hiérarchie de la détection. Lors d’une forte épidémie, il n’est pas besoin d’experts pour que le peuple constate l’augmentation de la mortalité. Au niveau inférieur, ce sont les cliniciens et les épidémiologistes qui font le constat. Puis au niveau le plus bas, seuls les microbiologistes peuvent détecter le risque.

Si les virologues n’avaient pas détecté ce coronavirus, les cliniciens auraient constaté une mauvaise grippe et les épidémiologistes n’auraient pas noté de variation de la mortalité par virose saisonnière. Mais les virologues ont eu raison de donner l’alerte, car une mutation chez un virus à transmission respiratoire (grippe, corona ou autre) n’est pas anodine a priori.

Les virus sont à la limite du vivant, car ils n’ont pas d’autonomie reproductive, ils doivent pour cela pénétrer une cellule et utiliser son matériel génétique. Malgré tout, ils répondent aux lois de l’évolution pour optimiser leur diffusion et leur reproduction. Tuer leur hôte n’est jamais un bon choix, car c’est l’équivalent d’un suicide. Inversement, une forte contagiosité est un choix qui leur assure une excellente diffusion, surtout si elle est respiratoire, bien plus efficace que la transmission sexuelle ou sanguine.

Cela peut expliquer que dans la plupart des épidémies, la virulence diminue régulièrement au profit de la contagiosité. D’autant plus si les populations possèdent déjà des anticorps pour des souches voisines et en développent de nouveaux pour la nouvelle souche. Lorsque les pics épidémiques sont passés, les virus continuent à circuler avec la plus grande discrétion possible. C’est leur intérêt.

Mais comme rien ne peut empêcher un virus à transmission respiratoire de faire le tour du monde, il est logique de tout faire pour confiner une épidémie à son début, en attendant que l’évolution ait le temps d’agir à son rythme plus lent. Mille morts en cinq ans sont préférables à mille morts en deux mois. CQFD.

Félicitons donc les autorités pour leurs précautions et les populations pour leur serein pressentiment de l’évolution. Tant que la science aura droit de cité, l’apocalypse virale devra attendre.

Références

Lointaines origines des humeurs féminines

samedi 16 décembre 2017

Le « disease mongering » désigne le procédé mercatique consistant à inventer des maladies dans le but de vendre des médicaments aux personnes saines. Activité très lucrative en raison de la supériorité numérique des bien-portants.

Beaucoup de ces maladies sorties de l’imaginaire marchand concernent les femmes. La ménopause a été le premier grand succès de ces fantasmagories pathologiques. Hélas, son traitement a tant multiplié les cancers du sein qu’il a fallu recourir à des sous-catégories pour ne pas laisser échapper ce gros marché. La première a été l’ostéoporose post-ménopausique où s’est révélée l’inutilité de tous les traitements préventifs et curatifs, hors la marche régulière. La seconde est la baisse de libido post-ménopausique, dont la proposition thérapeutique est la testostérone : rien de moins ! Pas besoin d’être devin pour savoir que cette hormone mâle prescrite à des femmes provoquera des catastrophes sanitaires aux côtés desquelles la barbe et la moustache ne seront qu’inesthétiques broutilles.

La ménopause et ses avatars se révélant décidément rétifs, le marché a investi le cycle hormonal régulier des femmes, dont la plus repérable des ponctuations est le saignement régulier qui se produit tous les 28 jours. D’autres ponctuations sont plus discrètes, comme l’attractivité, la réceptivité sexuelle et le désir qui sont plus importants lors de l’ovulation. Trois traits qui ont permis d’assurer la perpétuation de notre espèce. Ces trois traits sont inversés dans la période prémenstruelle entièrement dédiée à préparer le réceptacle d’un éventuel embryon. Le changement d’humeur qui accompagne ces variations physiologiques est parfois repérable par le conjoint. De là est venue l’idée de traiter ces changements d’humeur comme une pathologie et de lui donner un nom : « trouble dysphorique  prémenstruel ». Lequel est désormais classé comme un trouble dépressif dans le DSM5 (manuel de psychiatrie), et certains vont jusqu’à lui chercher une origine génétique. Trouver une origine génétique à la reproduction serait alors, sans humour, un argumentaire capable de justifier des traitements antidépresseurs et hormonaux !

En notre époque où le harcèlement des femmes est devenu un sujet majeur de société, comment pouvons-nous rester aussi aveugles à leur harcèlement itératif et insidieux par un marché habilement banalisé ?

Les femmes assurent depuis toujours l’essentiel du coût de la reproduction et des soins parentaux. Leurs humeurs cycliques sont une rémanence bien discrète du long processus évolutif qui nous a permis d’être là. Comment peut-on être dégénéré, cupide ou prétentieux au point de vouloir les infléchir ?

Références