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Choisir entre la mère et l’enfant

jeudi 9 mai 2019

Les femmes paient un lourd tribut à l’évolution : la bipédie et le gros volume cérébral ont rendu l’accouchement douloureux et périlleux. La césarienne a mis fin à ces situations dramatiques, surexploitées par Hollywood, où l’on devait choisir entre la vie de la mère et celle de l’enfant. Plus récemment, la péridurale a diminué les souffrances maternelles.

Toutes les alternatives à la péridurale avaient montré d’excellents résultats, mais la généralisation de cette pratique a gommé ces expertises. Ceci nous oblige désormais à aborder la douleur de l’accouchement sous un angle sanitaire comme nous l’avons fait après le fiasco des centres antidouleurs (1) et le drame des addictions aux opiacés (2). Particulièrement dans notre pays surmédicalisé où la péridurale concerne 80% des accouchements (contre 15% aux Pays Bas). Curieusement, l’incitation à la péridurale provient plus souvent du personnel hospitalier que des mères.

Ce sujet est politiquement dangereux, surtout lorsqu’il est abordé par des hommes, suspectés d’indifférence, parfois à tort, car ils ne sont pas totalement exclus des souffrances de leurs compagnes. Dans tous les cas, les médecins mâles ou femelles ont les moyens de comparer les méthodes et d’en évaluer les conséquences. C’est ce qu’ils ont fait…

Le premier impact certain de la péridurale est une diminution de l’allaitement maternel. Les enfants ont une tétée moins vigoureuse et leurs mères diminuent la période d’allaitement au sein. Les causes multiples et partiellement méconnues sont dominées par l’usage systématique d’ocytocine synthétique en cas de péridurale. Cette hormone joue un rôle essentiel dans l’attachement.

Le travail, plus long et moins efficace, entraîne plus d’extractions instrumentales (forceps), voire de césariennes. La péridurale empêche aussi les mères de choisir leur position d’expulsion, donc d’optimiser leur travail.

La mère et l’enfant ont une température plus élevée et un plus grand risque d’infections. Les nourrissons crient davantage. Les nouveau-nés ont des scores de vitalité (apgar) plus bas et sont bien plus souvent admis en réanimation.

Le risque politique du sujet limite les études et leur financement, particulièrement sur les conséquences à plus long terme chez l’enfant. De premiers résultats pointent prudemment des conséquences psycho-affectives telles qu’une plus faible empathie chez les enfants nés sous péridurale.

Les études sur le développement cognitif sont encore plus timides, mais nous savons déjà que toutes les drogues anesthésiques au troisième trimestre de la grossesse et avant trois ans ont un impact négatif.

Certes, les choix que nous faisons aujourd’hui ne sont plus hollywoodiens et n’ont presque plus de conséquences dramatiques à court terme. Néanmoins, nous continuons, d’une certaine façon, à choisir entre la mère et l’enfant. La médecine n’arrivant plus à s’autocontrôler, les mères y parviendront peut-être avec plus de sérénité…

Références

Si les sages-femmes pouvaient…

samedi 4 janvier 2014

En ce moment les sages-femmes manifestent leur mécontentement. Elles ont raison.

Leur travail est clinique, relationnel, technique, décisionnel, bref, un vrai rôle de médecin. Lorsque les généralistes pratiquaient encore les accouchements, c’était sous leur surveillance bienveillante et avec leur aide efficace. L’appel à l’obstétricien était rare, environ 8% des accouchements, pour les césariennes inévitables.

Il est important de rappeler que tout ce qui a été gagné en termes de mortalité et de morbidité maternelle et périnatale, avait été gagné bien avant l’hyperspécialisation et la multiplication des césariennes et des déclenchements.

C’est dans les années 1940 que la mortalité maternelle a chuté brutalement dans les pays européens passant de 500 décès pour 100 000 naissances à une vingtaine dans les années 1970. Aujourd’hui, elle se stabilise autour de 8 pour 100 000 naissances. Quant à la mortalité périnatale, de 1,8/1000 aujourd’hui, elle était inférieure il y a quelques années.

Alors que plus un seul médecin, même pas les gynécologues, ne pratique des accouchements, il est logique de penser que leur surmédicalisation galopante est bien le fait de l’hyperspécialisation obstétricale.

Les sages-femmes peuvent-elles empêcher les deux-tiers de césariennes inutiles qui aggravent la morbidité maternelle et infantile à court et long terme ? Peuvent-elles empêcher les 90% de déclenchements inutiles ?

Il est difficile d’évoquer la péridurale, largement utilisée, car peu d’études ont sérieusement analysé son rapport bénéfices/risques et son impact réel sur le confort global de l’accouchement et de ses suites. Ces études seraient intéressantes, car beaucoup de parturientes ayant connu « avec » et « sans » ont déclaré préférer leur accouchement sans péridurale, en tenant compte de tous les paramètres.

Par contre, de nombreuses études confirment l’impact négatif des césariennes sur la morbidité de l’enfant à court et long terme (asthme, diabète, obésité, etc.) Le risque de mort maternelle ou néonatale est multiplié par deux ou trois au deuxième accouchement !

Les obstétriciens, praticiens du très court-terme, nient ou négligent, à la fois, l’absence d’effet bénéfique à court-terme de cette surmédicalisation et les résultats négatifs des études sur le long-terme. La majorité d’entre eux pense que ces nouvelles pratiques sont bonnes puisqu’elles sont acceptées par les parturientes et la société. Ils ont repris la vieille habitude mandarinale de la « preuve inversée » : ce n’est pas parce que c’est bien que je le fais, c’est parce que je le fais que c’est bien.

Si les sages-femmes, désormais seules face à cette nouvelle donne, avaient la moindre chance de parvenir à stopper cette dangereuse inflation, il faudrait alors leur donner plus de pouvoir et plus d’autorité. Je suis très favorable à leur accès au statut de praticien hospitalier, avec cet objectif sanitaire en contrepartie.

Références