Éthique sous le tapis

Nombreux sont ceux qui considèrent que « légal » et « éthique » sont synonymes : si c’est légal c’est éthique.

Pourtant, lorsque la peine de mort était légale, il n’était ni éthique ni élégant de trancher le cou d’un être humain. Il est légal de vendre des armes et rarement éthique de les utiliser. Il est éthique de fixer des limites de vitesse, mais légal de vendre des motos qui roulent à quatre fois ces limites. Si les avocats de Donald Trump parviennent à lui épargner la prison, leur succès sera juridique sans être éthique. Le 49.3 est constitutionnel donc légal, mais il manque d’éthique. Si le glyphosate reste autorisé, il n’est plus éthique de le laisser filer à vau-l’eau. Etc.

Cette façon de glisser l’éthique sous le tapis se développe dans tous les domaines. La médecine ne saurait y échapper, elle a même développé une certaine expertise dans cette confusion.

Les autorités sanitaires acceptent la commercialisation d’un médicament, car les marchands les ont éthiquement convaincus de son utilité pour l’humanité souffrante. Et il est légal de le prescrire longtemps après la preuve de son rapport bénéfices/risques négatif tant que les mêmes autorités ne l’ont pas retiré. Cela vous rappelle forcément plusieurs histoires.

Il est illégal de vendre de la morphine et du cannabis, mais éthique de les prescrire à visée thérapeutique. Cette éthique débridée a conduit à la crise des opioïdes, une des premières causes de mortalité aux USA ; ne doutons pas que la légalisation du cannabis thérapeutique suivra la même voie. Il est légal de vendre de l’alcool, du tabac, et l’on semble considérer éthique d’en faire la promotion en précisant qu’ils sont dangereux pour la santé ? Y a-t-il encore de la place sous le tapis ?

Les laboratoires jugent éthique d’investir en cancérologie en font légaliser le prix faramineux de leurs découvertes par des autorités qui deviendraient presque illégitimes en s’y opposant. Et lorsque ces médicaments s’avèrent inefficaces et dangereux, leur éthique met longtemps à sombrer dans le gouffre financier. Un peu comme le Concorde qu’il fallait continuer à faire voler en espérant un retour sur investissement.

S’il semble éthique d’œuvrer dans une ONG, il ne l’est pas d’en tirer un salaire de PDG. De manière générale, plus la compassion s’affiche de façon flamboyante, moins elle est éthique. En médecine, les plus compassionnels ont souvent les plus gros conflits d’intérêts.

La médecine revendique toujours sa compassion et sa légalité sans trop s’interroger sur l’éthique des bases sur lesquelles elles reposent. Celui qui ose mettre en doute l’éthique de sa pratique et de sa science est perçu comme marginal, complotiste, voire illégitime. En médecine, éthique et légalité se rejoignent en des consensus mous et labiles auxquels l’académie et les médias donnent l’apparence de la rigueur et de la stabilité.

Les belles victoires passées de la médecine ne suffisent plus à calmer mes inquiétudes quant à l’avenir de son éthique.

Référence

2 commentaires sur “Éthique sous le tapis”

  1. SANSIGOLO dit :

    Superbe, cher confrère. Toujours aussi intelligent, clairvoyant et honnête.

  2. marie josephe dzula dit :

    d’un côté, on reproche (les sociétées anti douleur) aux médecins de ne pas prescrire assez d’anti douleurs et de l’autre on les suspecte de complicité de détournement abusif.
    Il y a aujourd’hui dans notre société occidentale quelque chose qu’elle a oublié: le collectif. Dans une formation sur la douleur , le médecin nous disait que ça rreflétait surtout un mal être de notre société qu’on médicallise pour avoir une paix sociale.
    Est ce éthique de proposer une cure de kétamine réguliére à des patients qui ont un profil plutôt psy, qu’il faudrait pec autrement

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