Placebos culturels

L’effet placebo est sous-estimé par tous. Par les prescripteurs qui pensent que la chimie est plus puissante que leur charisme. Par les patients qui sont convaincus que la pharmacodynamie est supérieure à leur élan vital. Par les industriels qui, au prétexte d’avoir ajouté une part d’effet pharmacologique, négligent d’évaluer la part de l’effet placebo dans l’efficacité totale de leurs médicaments.

L’effet placebo dépend de l’addition des trois déterminants : autosuggestion, hétérosuggestion et médiateur. L’autosuggestion est liée à l’élan vital du patient, l’hétérosuggestion au charisme du prescripteur. Le plus souvent, ces deux suggestions ont besoin d’un médiateur : le placebo qu’il ne faut pas confondre avec son effet.

Les placebos ou médiateurs des suggestions sont nombreux et divers : granule de sucre, prière, gélule colorée, incantation, piqûre douloureuse ou non, imposition des mains, aimant, puissante chimiothérapie, ampoule dont il faut scier les deux bouts, prix élevé, huile onctueuse, importation illégale, herbe, nouveauté, progrès ou son illusion, participation à un essai, caresse, stéthoscope en bandoulière, blouse blanche, horaire, goût, odeur, etc.

Chacun d’eux étant intimement lié à l’individu et à sa culture. Un cadre supérieur est plus sensible au charisme d’un professeur qu’aux incantations d’un gourou. Un enfant est plus sensible à la main maternelle enduite d’une huile onctueuse, à un sirop ou une ampoule sciable. Un Taïwanais est plus sensible à une injection, alors qu’un Chinois continental préfère une herbe. Un populiste préfère l’importation illégale ou le nombre de clicks. Les gélules blanches sont perçues comme des antalgiques par les blancs et comme des stimulants par les noirs. Inversement les comprimés noirs sont perçus comme stimulants par les blancs et comme antalgiques par les noirs. De façon plus subtile, les couleurs chaudes (rouge, orange, jaune) ont un effet stimulant, alors que des couleurs froides (bleu, vert, violet) ont un effet antidépresseur. L’effet placebo du suppositoire s’est amenuisé, alors que celui de la perfusion ne cesse de progresser, indépendamment du contenu de chacun de ces médiateurs.

Les vaccins n’induisent pas d’effet placebo, car ils sont prescrits à des sujets sans plainte qui n’en attendent rien à court terme. En revanche, ils peuvent induire des effets inverses (nocebo) dans certaines catégories sociales refusant toute forme d’autorité.

Pour la grande majorité des médicaments, l’effet placebo est supérieur à l’effet pharmacodynamique. La médecine moderne se contente de prouver qu’il existe une part d’effet pharmacodynamique sans chercher à savoir si cette part représente 1% ou 60% de l’effet total.

Pour mieux progresser, les essais cliniques devraient inclure quelques éléments d’ethnopsychopharmacologie. Mais peut-on leur demander de s’intéresser à une science au nom aussi barbare, alors que beaucoup d’entre ne prennent pas encore en compte l’âge ou le sexe des sujets ?

Bibliographie

Un commentaire sur “Placebos culturels”

  1. marie josephe dzula dit :

    je partage parfaitement votre opinion et même je dis souvent qu’il n’y a que les médecins pour croire à l’efficacité des médicaments surtout quand le patient prend 4 ou 5 médicaments ensemble (la biodisponibilité ?), oui les sens modifient nos perceptions: je me suis intéressée à cela en faisant mon mémoire de soins palliatifs, oui il y a une influence, réponse culturelle aux traitements mais en même temps quand le patient  » s’étouffe  » et que vous lui faîtes des corticoides iv et qu’il s’apaise: on peut croire à l’effet du traitement ?
    Le Professeur Raoult a écrit quelques lignes sur le sujet placebo, nocebo.

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