Splendeur et misère des plaques d’Alzheimer

La démence sénile, longtemps considérée comme une banale dégénérescence – ni cartilage, ni peau, ni artères ne peuvent échapper à la sénescence – est devenue maladie lorsque le microscope d’Alzheimer a permis de voir des fibrilles dans les neurones et des plaques dans le cortex. La biomédecine a l’habitude de transformer un processus de sénescence en maladie lorsque la technologie permet d’en dévoiler une partie. DMLA, ménopause, sarcopénie, ostéoporose, athérosclérose ou dysfonction érectile illuminent cette nouvelle sémantique de la sénescence.

Cette maladie d’Alzheimer fait rêver l’industrie pharmaceutique. Elle a tout pour lui plaire : symptômes flamboyants, fréquence en augmentation logique dans les pays solvables, potentiel d’angoisse facile à entretenir, et signes précurseurs d’une telle banalité que tout citoyen est une cible de diagnostic précoce.

Tous les médicaments proposés ont eu un rapport bénéfice/risque négatif. Seules les mesures hygiéno-diététiques, cognitives et comportementales ont une utilité préventive et ralentissent faiblement la progression. 

Les études montrent que la baisse de vascularisation est le facteur le plus important, comme pour les autres dégénérescences. Tous les organes ont l’âge de leurs artères, cerveau y compris. Mais cette vérité est trop triviale pour les chercheurs et fondations que l’industrie alimente.

Les fameuses plaques du microscope d’Alzheimer, aujourd’hui nommées amyloïdes, sont beaucoup plus présentables. Et bien que nul ne sache si elles sont causes ou conséquences de la maladie, le marché les cible obstinément, car elles sont un critère intermédiaire parfait : montrer une action sur ces plaques permet d’extrapoler sur une possible action clinique. 

L’aducanumab est un nouvel anticorps monoclonal qui limite la progression de ces plaques amyloïdes. Biogen, son fabricant vante une diminution de 23% du déficit cognitif quand le traitement est précoce. Précoce est évidemment le mot important. La polémique est déjà lancée puisque d’autres études ne montrent rien du tout. Mais là n’est pas le sujet, la FDA vient d’autoriser une mise sur le marché provisoire, faisant subitement grimper le cours de l’action du laboratoire et mettant tous les médias au diapason.

Il ne faut pas chercher à savoir quels sont les conflits d’intérêt des spécialistes qui s’expriment sur les ondes, car ils sont par eux-mêmes un énorme conflit d’intérêt en faisant la promotion d’un médicament dont le coût annuel est de 50 000 € par an et par patient, pour un bénéfice qui sera nul ou négligeable en termes de quantité-qualité de vie – Je prends date.

Il est des conflits d’intérêts qui commencent avant la première étude, lorsqu’il est certain que le sujet abordé ne fera progresser ni la médecine, ni la solidarité.  

Les actionnaires connaissent la temporalité des polémiques sur les maladies dégénératives, ils savent que le profit sera excellent longtemps avant la confirmation du misérabilisme clinique.

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