Fermer les facultés de médecine ?

Plusieurs enquêtes l’ont confirmé, 95% des facultés de médecine n’ont aucune politique pour protéger leurs étudiants de l’influence de l’industrie. Et parmi les 5% qui tentent de faire face à la suprématie du marché, les contre-mesures sont timides et peu suivies. Ainsi la totalité de nos carabins accumulent des biais d’éducation tout au long de leur cursus.

Ce constat ne devrait pas étonner, puisque les universitaires ont eux-mêmes subi ces biais de formation et que leur carrière ne progresse pas en fonction de leur compétence clinique, mais en fonction du nombre de leurs publications quasi-exclusivement financées et gérées par l’industrie. Le discours de certains universitaires influents ressemble à s’y méprendre à l’argumentaire d’un visiteur médical. Nos étudiants, raisonnablement suspicieux devant un camelot, succombent au charme savant de leur maître.

Dans nos facultés, l’Histoire de la médecine est optionnelle, l’épistémologie du diagnostic est inconnue. La biologie de l’évolution est absente. Les maladies sont enseignées comme des entités fixes en négligeant leur histoire naturelle. Les sciences humaines et sociales sont enseignées en première année alors que c’est en fin de cursus qu’elles pourraient éveiller l’esprit critique nécessaire à l’indépendance.

Malgré l’évidence de la complexité sociale et des nouvelles contraintes environnementales comme causes des maladies, l’enseignement reste basé sur une conception monofactorielle des maladies et de leurs diagnostics. Tout facteur de risque légèrement modifiable par un médicament domine l’enseignement sans rationalité étiologique. Les analyses et mesures s’écartant de la norme dominent l’enseignement diagnostique aux dépens de l’épistémologie et de la nosologie.

Tout l’enseignement est formaté par le réductionnisme scientifique imposé par l’industrie soumise elle-même aux impératifs de preuves réductionnistes. Les thérapies cognitives et comportementales sont négligées derrière la pharmacologie dominante. Les règles hygiéno-diététiques sont simplement mentionnées sans programme de sociologie dédié.

Plutôt que d’apprendre à dépister un cancer du poumon ou une sténose coronaire selon les normes de l’industrie du diagnostic, il faudrait enseigner à déjouer l’agnotologie des industriels du tabac. Plutôt que d’enseigner l’efficacité théorique des anticorps monoclonaux, il faudrait apprendre à mieux juger leurs maigres résultats cliniques. On peut négliger d’enseigner les maladies neurodégénératives, dont tout traitement rapportera a priori plus d’argent que d’années/qualité de vie, au profit des maladies neurodéveloppementales de l’enfant et de l’adolescent où chaque infime progrès est plus prometteur.

Les cliniciens se font rares, les facultés peuvent disparaître, car la conception réductionniste du diagnostic et du soin et très adaptable aux nouveaux marchés de l’intelligence artificielle.

Pourvu qu’il nous reste quelques chirurgiens de guerre pour les traumatismes de la route.

Références

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