Les deux préventions

La prévention primaire est celle que l’on pratique pour éviter ou retarder un premier évènement clinique, la prévention secondaire est celle que l’on met en place pour éviter ou retarder un deuxième évènement du même type. Logique.

Les mesures hygiéno-diététiques fonctionnent dans les deux. Le tabac augmente la probabilité d’un premier accident vasculaire, il augmente aussi celle d’un second. Les stimulations cognitives, sociales et sensorielles retardent la survenue d’une maladie d’Alzheimer, ces mêmes stimulations en ralentissent la progression. Il faut marcher pour éviter une première fracture ostéoporotique, il le faut aussi après.  

Après un premier évènement, la médecine propose toujours de la pharmacologie ou de la chirurgie en prévention secondaire. Amputer un sein ou un sigmoïde pour éviter la survenue de second cancer ou sigmoïdite. Prescrire des statines ou un anticoagulant pour retarder la survenue d’un deuxième accident cardio-vasculaire. Ces nouvelles mesures sont souvent efficaces, leur seul risque étant de faire oublier les mesures comportementales.    

Ces succès ont conduit le marché à les proposer aussi en primaire. Pourquoi pas ? Amputer les deux seins avant tout cancer chez une femme à risque. Enlever la vésicule au premier calcul biliaire, le sigmoïde au premier diverticule. Prescrire en continu des statines, de l’aspirine ou de la vitamine D dès la maturité.

Après des millions de publications et de polémiques sur leurs biais et mensonges, les cliniciens constatent que ces préventions primaires additionnelles n’augmentent pas la quantité de vie, voire la diminuent. Pourquoi ?

Un évènement clinique survient lorsqu’une multitude de facteurs de risque, accumulés dans la durée, finissent par converger en un point critique qui fait brutalement franchir le seuil de morbidité. Un banal stress, un minuscule caillot sanguin ou une inflammation soudaine peuvent servir de détonateur sur un monceau de facteurs de risque.

Les règles hygiéno-diététiques et comportementales sont très rentables en prévention primaire, car elles agissent sur plusieurs facteurs, dont certains sont encore inconnus. Agir sur un seul facteur identifié est hasardeux, car nous ignorons aussi son poids relatif et son potentiel de franchissement du seuil de morbidité. Inversement, une fois que le seuil a été franchi, nous pouvons être certain qu’un des facteurs identifiés par la médecine à contribué à son franchissement. Agir secondairement sur ce facteur peut donc retarder un nouveau point critique.

C’est la « boîte noire de l’épidémiologie » : on ne connaît qu’une part des facteurs de risque qui entrent dans la boîte et qu’une part des maladies variables qui en ressortent, mais on ignore tout des autres facteurs et de leurs interférences à l’intérieur de la boîte.

S’il peut être utile de faire appel à la médecine en prévention secondaire, il est plus rationnel, voire plus prudent, de s’en écarter en prévention primaire.

Références

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