Harcèlement tardif

Traditionnellement, la médecine a toujours tenté de limiter le nombre des maladies sans traitement. Dans les années 1970, ce principe séculaire s’est inversé avec l’apparition de traitements sans maladie.

La ménopause est un fleuron que l’évolution a façonné pour une meilleure survie des groupes humains. La médecine moderne en a fait une maladie lorsque la synthèse des œstrogènes est devenue facile. L’idée d’un traitement continu sur la moitié de la population adulte a stimulé l’imagination des marchands. L’épidémie de ménopause a été brutale, célébrée par les gynécologues et nombre de leurs patientes.

Comme on aurait dû s’en douter, il est impossible de modifier en quelques années ce que l’évolution a minutieusement concocté pendant des millions d’années. Une épidémie de cancers (sein, ovaires, poumons et nerfs) et de thromboses a suivi de près l’épidémie de ménopause, faisant s’effondrer le commerce florissant de la ménopause.

L’industrie sanitaire ne pouvait se résoudre à abandonner un tel marché. Fort heureusement, avec l’âge les os changent de texture à l’imagerie. C’est donc l’ostéoporose qui est devenue la nouvelle maladie des femmes mûres. L’épidémie dure encore, mais une nouvelle menace plane sur ce commerce, car on découvre que le risque fracturaire est sans rapport avec l’imagerie et  n’existe que chez les sédentaires. Encore un créneau médicamenteux que la simple marche peut anéantir !

Il fallait donc inventer une nouvelle maladie. Tout expert du marketing sait que l’argumentaire du sexe n’a jamais failli. Les laboratoires ont alors inventé le « trouble du désir sexuel hypoactif féminin » (HSDD) afin de recycler des antidépresseurs sérotoninergiques qui arrivaient en fin de brevet. L’un d’entre eux, la flibansérine a été le premier traitement approuvé par la FDA dans cette indication. Ce traitement surnommé « Viagra des femmes « n’a pas encore franchi l’Atlantique, mais soyons patients… À moins que nos ménopausées européennes soient moins dupes ou moins atteintes de HSDD !

Enfin, de nouvelles études tentent de réhabiliter les œstrogènes pour préserver les fonctions cognitives des femmes ménopausées. Chacun sait que les fonctions cognitives baissent avec l’âge. Voilà un beau syllogisme mercatique en perspective : ménopause égale âge, donc ménopause égale déficit cognitif. Il faudra donc revenir aux œstrogènes pour rester intelligente.

Somme toutes, le harcèlement des femmes ne cesse jamais, il change simplement de nature.

Et si la chirurgie plastique parvient à vendre l’idée qu’une femme liftée peut être belle, c’est qu’il existe encore une clientèle captive pour les marchands de la ménopause. Je peux même les aider à imaginer d’autres syllogismes mercatiques autour des rides, des cheveux ou des muscles…

En attendant, je vais marcher avec ma vieille compagne de route, dont les cheveux blancs et les rides dessinent parfaitement sa belle vérité.

Références

Un commentaire sur “Harcèlement tardif”

  1. Zouzou dit :

    Ah, merci pour cet article sur la marchandisation de la ménopause (et plus généralement du vieillissement y compris normal) par les firmes pharmaceutiques !

    Vous évoquez le déclin des fonctions cognitives lié à l’âge. Des études montrent que là aussi, comme pour la prévention de l’ostéoporose, l’activité physique a son rôle à jouer… et elle est gratuite (une paire de baskets suffit). Dommage pour l’industrie des gélules, comprimés et autres.

    Les labos ont plus d’un tour dans leur sac. Nul doute qu’ils ne cesseront de vouloir vendre leur trouvailles afin de contrer l’épidémie de vieillissement normal.

    Bien à vous,

    V.
    (bientôt ménopausée mais aux aguets)

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