Effet week-end

L’urgence médicale est une notion relative, dépendante du patient, de l’observateur et de l’époque. L’élévation de notre niveau de santé en a augmenté les impératifs. Dans les années 1980, les SAMU en ont augmenté la visibilité, donc la consommation. Electroménager ou urgence vitale, rien ne peut échapper aux effets de la communication.

Les généralistes, modérateurs idéaux de l’inflation urgentiste, ont progressivement disparu du grand ballet des gyrophares. Les services d’urgence sont désormais sursaturés au point de mettre en péril le système et ses acteurs. Pour évaluer les effets de la fatigue, du manque de personnel ou de sa compétence, il faut examiner les situations où ces paramètres dominent : nuits, week-end et vacances. C’est le fameux « effet week-end » désormais bien documenté.

Une étude montre que le taux de mortalité à 90 jours après un passage en réanimation passe de 41% à 44% selon qu’il a eu lieu en semaine ou le week-end. Une autre que la surmortalité est de 6% la nuit et de 10% le week-end.

En réanimation cardio-respiratoire, le taux de survie à 24h chute de 35% à 29% entre le jour et la nuit ou le week-end. Les séquelles neurologiques passent de 85% à 89%. L’effet week-end augmente la mortalité des AVC de 15%

Le taux de décès dans les 30 jours suivant une intervention chirurgicale urgente est d’environ 0,7%, il monte à 1% si l’intervention a eu lieu un vendredi et à 1,3% le week-end (soit des augmentations de 44% et 82% pour le dire de façon plus spectaculaire !)

La très faible mortalité périnatale augmente tout de même de 7% pour les accouchements du week-end.

Pour les pathologies aiguës, certains calculs montrent que la mortalité augmente de 80% quand le délai d’attente est de 6 heures au lieu de moins d’une heure ; d’autres révèlent que chaque heure d’attente augmente la mortalité de 6,5%.

Je me risque à une extrapolation hasardeuse.

En France, 60 000 personnes meurent chaque année en service de réanimation. Soit 15000 personnes dont les soins intensifs ont été affectés par la sursaturation des trois mois d’épidémie de covid. Si nous supposons que cet « effet week-end » particulier n’a augmenté la mortalité que de 10%, il faut ajouter 1500 personnes à la liste mortuaire du Covid.

Par ailleurs 10 000 personnes sont ressorties vivantes des 15000 réanimations supplémentaires pour covid. Malgré le stress et la surcharge, le bilan de réanimation de cette triste période est donc positif.

Il nous reste à évaluer la durée et la qualité de ces survies. Il faudra aussi compter les pertes et gains collatéraux. Pertes (ou gains) par arrêt d’autres soins. Gains par limitation de la circulation et de la pollution. Pertes par violence conjugale ou suicide lié au chômage. Etc.

La réanimation est la plus triviale des équations épidémiologiques. Le monde vivant n’est pas réductible à la mathématique. Un ami, brillant mathématicien, me confirme que le monde physique ne l’est pas non plus. Je m’en serai douté.  

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