Maladies de riches

La loi du 19 ventôse de l’an XI (1803), relative à l’exercice de la médecine, créa deux catégories de médecins. Les médecins de ‘haut grade’ devaient avoir validé quatre années d’études dans une école reconnue, et les médecins de ‘bas grade’, également nommés ‘officiers de santé’, devaient avoir été formés quelques années sur le terrain.

Les premiers pouvaient exercer en tous lieux, alors que les seconds étaient cantonnés au lieu de leur formation, le plus souvent un village.

Le premier but était de limiter le charlatanisme et le ‘brigandage médical’, le second était de procurer une meilleure qualité de soins aux pauvres. Mais cette loi découlait aussi de la conviction académique que les élites et les citadins avaient des maladies plus ‘complexes’ que celles des pauvres et des campagnards.

Aujourd’hui, cette ‘dichotomie sanitaire’, moins officielle et moins visible, persiste sous des aspects parfois insolites. Certes, les conditions de travail, l’alcool et le tabac génèrent des pathologies socialement marquées. Les addictions des artistes diffèrent de celles des manœuvres. La chirurgie esthétique ne défigure qu’au-delà d’un certain revenu et en deçà de certains paramètres cognitifs.

Il existe aussi un gradient social des engagements pour la prévention et le dépistage, car les pauvres ont l’intime conviction que cela leur sera peu utile. Il existe en conséquence certaines pathologies plus spécifiques aux ‘nantis’.

Il y a quelques années, aux USA, les leucémies étaient plus fréquentes chez les enfants blancs que chez les afro-américains car leur mère ‘bénéficiait’ d’une radio de poumons en cours de grossesse.

Les cancers du sein dépistés (c’est-à-dire non cliniques) sont une maladie ‘de riche’. Les classes sociales supérieures, souvent ‘surdépistées’, subissent davantage le coût des surdiagnostics sous forme de perte d’années/qualité de vie.

Les ingénieurs sont plus souvent les victimes des statines et subissent d’avantage les dégâts de la chirurgie vasculaire, car la technicité de la cardiologie répond à leur fonctionnement cognitif.

Si le vieux dicton « l’argent ne fait pas le bonheur » est fort critiquable, il est au moins certain que l’argent ne protège pas contre les traitements antidépresseurs qui ont pour particularité d’aggraver les dépressions, de provoquer des addictions, d’aggraver les troubles bipolaires et de majorer le taux de suicide. Autant de pathologies dont l’origine iatrogène est plus souvent retrouvée chez les ‘nantis’.

Ces quelques exemples ne suffiront certes pas à  convaincre qu’il y a une justice, mais ils peuvent soulager quelques instants ceux qui pensent désespérément qu’il n’y en a pas…

Références

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