Si les sages-femmes pouvaient…

En ce moment les sages-femmes manifestent leur mécontentement. Elles ont raison.

Leur travail est clinique, relationnel, technique, décisionnel, bref, un vrai rôle de médecin. Lorsque les généralistes pratiquaient encore les accouchements, c’était sous leur surveillance bienveillante et avec leur aide efficace. L’appel à l’obstétricien était rare, environ 8% des accouchements, pour les césariennes inévitables.

Il est important de rappeler que tout ce qui a été gagné en termes de mortalité et de morbidité maternelle et périnatale, avait été gagné bien avant l’hyperspécialisation et la multiplication des césariennes et des déclenchements.

C’est dans les années 1940 que la mortalité maternelle a chuté brutalement dans les pays européens passant de 500 décès pour 100 000 naissances à une vingtaine dans les années 1970. Aujourd’hui, elle se stabilise autour de 8 pour 100 000 naissances. Quant à la mortalité périnatale, de 1,8/1000 aujourd’hui, elle était inférieure il y a quelques années.

Alors que plus un seul médecin, même pas les gynécologues, ne pratique des accouchements, il est logique de penser que leur surmédicalisation galopante est bien le fait de l’hyperspécialisation obstétricale.

Les sages-femmes peuvent-elles empêcher les deux-tiers de césariennes inutiles qui aggravent la morbidité maternelle et infantile à court et long terme ? Peuvent-elles empêcher les 90% de déclenchements inutiles ?

Il est difficile d’évoquer la péridurale, largement utilisée, car peu d’études ont sérieusement analysé son rapport bénéfices/risques et son impact réel sur le confort global de l’accouchement et de ses suites. Ces études seraient intéressantes, car beaucoup de parturientes ayant connu « avec » et « sans » ont déclaré préférer leur accouchement sans péridurale, en tenant compte de tous les paramètres.

Par contre, de nombreuses études confirment l’impact négatif des césariennes sur la morbidité de l’enfant à court et long terme (asthme, diabète, obésité, etc.) Le risque de mort maternelle ou néonatale est multiplié par deux ou trois au deuxième accouchement !

Les obstétriciens, praticiens du très court-terme, nient ou négligent, à la fois, l’absence d’effet bénéfique à court-terme de cette surmédicalisation et les résultats négatifs des études sur le long-terme. La majorité d’entre eux pense que ces nouvelles pratiques sont bonnes puisqu’elles sont acceptées par les parturientes et la société. Ils ont repris la vieille habitude mandarinale de la « preuve inversée » : ce n’est pas parce que c’est bien que je le fais, c’est parce que je le fais que c’est bien.

Si les sages-femmes, désormais seules face à cette nouvelle donne, avaient la moindre chance de parvenir à stopper cette dangereuse inflation, il faudrait alors leur donner plus de pouvoir et plus d’autorité. Je suis très favorable à leur accès au statut de praticien hospitalier, avec cet objectif sanitaire en contrepartie.

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