Juste une pilule d’épidémiologie.

Toutes les pilules de la 1ère à la Nième génération ont toujours eu comme effet secondaire néfaste de favoriser les accidents vasculaires (thromboses, phlébites, embolies, infarctus, AVC, etc.) Le risque est de 3 accidents vasculaires (AV) sur 10 000 avec les pilules de première et deuxième générations et de 4/10 000 avec les générations 3 et 4.

C’est pourquoi nous ne devions pas prescrire la pilule en cas d’antécédents familiaux ou personnels de phlébite ou AV quelconque et dans certaines anomalies génétiques de l’hémostase.

L’autre contre-indication à la prescription de pilule est le tabagisme qui fait brutalement monter le risque d’accident vasculaire à 15 ou 20/10 000.

Sachant que le risque naturel d’AV est de 1/10 000 pour toute jeune femme, voyons les différentes façons de signifier l’augmentation du risque.

Les pilules de générations 1 et 2 multiplient par 3 le risque d’AV. Ces pilules augmentent donc le risque de 200%.

Les pilules G3 et G4 multiplient par 4 le risque d’AV. Elles augmentent donc ce risque de 300%.

Peu importe la génération du contraceptif, dans tous les cas, l’augmentation du risque est considérable. En thérapeutique, on ne parle pas de risque, mais toujours d’augmentation ou de diminution de risque.

Transformons-nous maintenant en avocat du diable, en vulgarisateur de l’épidémiologie, en contempteur des risques et en critique de nos bien modestes exploits pharmaceutiques.

Une jeune femme qui prend une pilule G1 ou G2 a 9997 chances sur 10 000 de ne pas avoir un AV et cette chance tombe à 9996 sur 10 000 avec une pilule G3 ou G4.

Une jeune femme qui fume et prend la pilule a 9980 chances sur 10 000 de ne pas faire d’AV.

Je ne dis pas cela pour encourager toutes les femmes à fumer et à prendre la pilule sans aucune retenue ni précaution, car je serais un médecin assassin.

Continuons… Un médicament qui diminuerait de 50% le risque d’AV aurait un succès commercial immédiat et ferait la Une de tous les médias. Il ferait passer le risque d’AV de 1/10 000 à 0.5/10 000 et la chance de ne pas en faire de 9999/10 000 à 9999,5 /10 000. Espérons seulement qu’un tel médicament n’ait pas trop d’effets secondaires, car son bénéfice serait vite inférieur à son risque.

Tous les médicaments prescrits aujourd’hui le sont pour des réductions de risque de l’ordre de 20% à 50% et ils ont le succès que vous savez !!

Alors pourquoi prescrit-on des pilules qui augmentent un risque de 200% ou 300% ? La question est évidemment stupide et la réponse réside dans le bénéfice social de la pilule. Ce bénéfice est-il si considérable qu’il doive faire oublier tous les risques ?

Non bien sûr, mais le bénéfice social est tel que les jeunes femmes qui viennent chercher la pilule et les médecins qui la leur prescrivent n’entrent pas dans ces subtiles considérations épidémiologiques. Là n’est pas leur préoccupation de l’instant.

Malgré ma démonstration que la pilule est « médicalement » et « épidémiologiquement » très dangereuse, les médecins ont une obligation sociale à la prescrire.

Nous devons juste regretter qu’ils remplissent rarement leurs trois devoirs médicaux devant cette obligation sociale :

–          Demander à la jeune femme de ne pas fumer, car c’est le seul facteur vraiment tangible d’augmentation de risque.

–          Prescrire la pilule la plus ancienne, car la nouveauté à l’intérieur d’une classe pharmacologique existante est très rarement un gage de progrès réel.

–          Essayer d’encourager la pose d’un stérilet, car c’est une méthode contraceptive qui offre un rapport bénéfice/risque supérieur à celui de la pilule à tout âge.

2 commentaires sur “Juste une pilule d’épidémiologie.”

  1. Nicole dit :

    Tout d’abord, merci pour cet exposé cohérent, instructif et pratique (calcul pertinent qui interpelle, « bénéfice social », « trois devoirs médicaux »…).
    « Si jamais vous avez des filles, laissez-les lire. » (Jean de La Fontaine). C’est fait ! 🙂

    1. Au départ, n’y aurait-il pas une lacune sur le plan de l’enseignement de l’éducation sanitaire à l’école ?
    L’éducation, telle qu’est est pratiquée de nos jours est, malheureusement, souvent un système d’ignorance imposée.
    La très intéressante thèse d’Elodie Malzevin sur « La relation médecin-patient à l’ère de la médicalisation » est instructive, bien documentée et fort agréable à lire.
    Luc Perino, interviewé par Elodie Malzevin, fait remarquer que l’éducation sanitaire devrait être intégrée dans les programmes scolaires, et « passer par des acteurs de terrain », et cela très tôt dans la scolarité.
    Il y a une espèce de « tabou » dans l’enseignement scolaire d’une science pratique dès le plus jeune âge. Education sanitaire absente et/ou mal faite.
    « Le niveau d’éducation sanitaire à l’école, c’est zéro absolu. »
    Poutant, combien il serait important et vital de bien connaître son corps…

    2. Ensuite, il demeure un problème de relation médecin-patient, souvent perturbée par l’industrie de la santé.
    Brillante démonstration en est faite dans le récent ouvrage de Luc Perino : « Les Nouveaux Paradoxes de la Médecine ».
    « Les profonds bouleversements de la médecine placent le médecin devant des difficultés sans précédent : il est souvent contraint de choisir entre l’intérêt de son patient et les recommandations officielles. La domination de la pensée médicale par le marché perturbe les relations cliniques entre patients et praticiens. » (Luc Perino)
    La chronique sur RCF de ce matin (« Auto-prescription »), vient confirmer cet « imbroglio éthico-commercial »…

    3. Et une chose dont souffrent souvent les patients : le manque d’information.
    Même en étant un patient soucieux de sa santé, un patient-citoyen qui souhaite collaborer, on a bien du mal à obtenir des explications simples et honnêtes. On voudrait pourtant juste savoir… savoir des choses sur ce corps qui nous appartient, pouvoir discuter, échanger.
    Une vraie relation soignant-soigné, cette « balance humaine » dont parle le Docteur Elghozi dans un article de la revue « Médecine » de juin 2012.
    Dans le cadre d’une consultation de contraception, ces « droits et devoirs réciproques dans un nouvel équilibre soignant-soigné » trouvent tout leur sens.
    Peut-être est-ce là également un bon début : « Travailler à ce nouvel équilibre soignant-soigné »…

    Pour finir sur une petite note d’humour. Même si « Les femmes qui lisent sont dangereuses » (parfois, certains soignants en prennent ombrage…), nous lisons, car : « Les mots trouvés au bon moment sont de l’action. » (Hannah Arendt). Ainsi en est-il de cet excellent exposé.

  2. TENAND dit :

    Bonjour
    Je ne suis pas du sérail, par contre prochainement je fais de la formation a une dizaine de médecins
    Ma question comment vous y prenez vous scientifiquement pour prescrire un médicament précis a une personne qui a diagnostic précis alors que vous avez une liste de en moyenne 100 a 150 médicaments pour les symptômes voisins voir très voisins.
    Attention ce n est pas pour vexer quiconque La méthode que je pratique avec succès et que je dispense a été instituée en 1935 par des médecins radiesthésistes dont Foveaux de Courmelles et Meillère ex président de la faculté de médecine

Laisser une réponse