Rappel de 30 000 PIP

En parlant du problème des prothèses mammaires PIP, plusieurs journalistes ont annoncé qu’il faudrait « rappeler » 30 000 femmes. Le terme « rappeler » utilisé de cette façon a pu en choquer certains, car il nous renvoie, entre autres, au rappel de certains véhicules pour des problèmes techniques constatés sur une série déjà vendue.

Pourtant le terme est tout à fait exact, puisque le problème concerne un élément très précis du corps des patientes concernées et qu’il s’agit exclusivement de technologie. Il n’y est question ni de profil psychologique qui pourrait moduler la fragilité d’un organe, ni de prédisposition particulière qui ferait varier les conséquences de l’exposition à un virus ou à un toxique quelconque.

Non, ces femmes sont bien toutes égales devant le danger, elles sont porteuses d’une pièce défectueuse, potentiellement dangereuse à l’usage et qu’il convient de remplacer par une autre. Il n’y a donc plus rien à voir avec la médecine clinique traditionnelle ni avec l’analyse diagnostique ou l’expertise pronostique du clinicinen. Nous somme ici devant une situation innovante de l’histoire socio-sanitaire, un cas de santé publique binaire et mécaniste.

Du point de vue épistémologique on oppose volontiers la conception de l’organisme forêt à celle de l’organisme robot.

Dans la première, les ADN, protéines, cellules, tissus et organes interagissent en permanence pour moduler et atténuer toute perturbation locale à la manière d’un écosystème en équilibre. Les praticiens adeptes de cette conception sont plus attentistes.

Dans la seconde, chaque pièce défectueuse doit être immédiatement réparée ou changée pour ne pas perturber l’ensemble. Les praticiens adeptes de cette vision cybernétique sont très interventionnistes.

Evidemment, chaque médecin a une logique imposée par sa spécialté, la vision de l’infectiologue ou de l’endocrinologue est plus écosystémique et celle du chirurgien orthopédiste est plus cybernétique.

Dans la cas des prothèses PIP, la logique cybernétique est perturbée par une économie sous-jacente de type maffieux, ce qui n’est pas le cas dans l’industrie de la robotique !

Ce problème sanitaire est une nouveauté sociologique et épistémologique comme la médecine marchande sait nous en gratifier de plus en plus souvent.

Pourra-t-on bientôt admirer trente mille forêts après avoir « rappelé » trente mille robots ?

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