Les césariennes, l’âne et le lion.

Le nombre de césarienne s’accroît de façon vertigineuse dans le monde. Cette augmentation vient essentiellement de l’augmentation du nombre de césariennes dites de « confort »

Il y a deux ou trois décennies, le pourcentage de césariennes pour raisons médicales était inférieur à 10% des naissances dans tous les pays du monde.

Aujourd’hui, ce taux est de 14% en Suède, de 21% en France, de 28% en Allemagne, de 38% en Italie, de 47% en Chine, de 50% dans certaines régions d’Amérique latine. Le record se situe dans les cliniques privées du Brésil avec un taux de 80% [1] !

Le risque de complications sévères de ces césariennes double si elles sont réalisées à la date prévue de l’accouchement et triple si elles sont réalisées avant.[2]

Le risque de morbidité respiratoire globale et sévère du nouveau-né est multiplié par 2 à 5 selon l’âge de la grossesse.[3]

Le taux de morts nés pour les deuxièmes enfants chez les femmes ayant eu une première césarienne est le double de celui des deuxièmes enfants après un premier né par voie vaginale.[4]

En France, le risque de décès maternel du post-partum se révèle 3 fois plus élevé après césarienne qu’après accouchement vaginal. Dans d’autres pays, 4 fois plus[5].

Tous ces chiffres, largement méconnus du public, donnent le frisson. Nous ne parlons pas ici de l’augmentation de nombreuses autres pathologies chez l’enfant après césarienne ou accouchement déclenché, dont le niveau de preuve est moins élevé que pour les pathologies précédemment citées.

Il est époustouflant de constater que l’anesthésie péridurale n’a rien changé à cette augmentation de demandes de confort, elle l’a au contraire aggravée !

Parmi les facteurs qui favorisent cette inflation de la médicalisation outrancière de l’accouchement, le premier est évidemment la certitude que cette solution est sans risque. Il serait bon de diffuser les informations sur les risques réels et d’informer nos parturientes que la grossesse et l’accouchement ne sont pas des maladies, même si plus personne ne doute de la réelle douleur d’un accouchement. Les autres facteurs sont les publicités dans les journaux féminins et bien évidemment la cupidité des obstétriciens comme en témoignent les chiffres cliniques privées de Chine, d’Italie ou du Brésil.

Seule l’Afrique noire est encore épargnée par ce fléau médical, puisque le taux de césarienne excède rarement 12%.

Tout cela me rappelle ce conte que je tiens d’un vieux sage africain. Un âne et un lion sont devenus amis et se promettent fidélité. Puis un jour le lion, ayant très envie de manger l’âne, lui demande ce que l’on risque si l’on trahit une promesse. L’âne lui dit : « toi tu ne risque rien, mais tes enfants paieront pour toi ». En se précipitant alors pour dévorer l’âne, le lion s’embroche sur un pieu. Pendant son agonie, il dit à l’âne « tu m’as menti, tu m’as dit que ce seraient mes enfants qui paieraient pour ma trahison. »

L’âne lui répond : « tu es peut-être en train de payer pour les fautes de ton père. »

En racontant aujourd’hui cette histoire ailleurs qu’en Afrique, n’oubliez pas de rajouter : « et pour les fautes de ta mère et de son obstétricien ou obstétricienne. »


[1] Torloni MR et coll.: Portrayal of caesarean section in Brazilian women’s magazines: 20 year review
BMJ 2011;342:d276.

[2] Souza J.P. et coll.: Caesarean section without medical indications is associated with an increased risk of adverse short-term maternal outcomes: the 2004-2008 WHO Global Survey on Maternal and Perinatal Health. BMC Medecine 2010; 8: 71.

[3] Hansen A K et coll.: Risk of respiratory morbidity in term infants delivered by elective caesarean section: cohort study. BMJ 200.

[4] Smith G et coll.: Caesarean section and risk of unexplained stillbirth in subséquent pregnancy. Lancet 2003; 362: 1779-84.

[5] Deneux-Tharaux C et coll.: Postpartum Maternal Mortality and Cesarean Delivery.  Obstet Gynecol 2006;108:541-548

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