L’avenir du syndrome grippal

Dans les dossiers de nos patients, nous avons chacun nos petites manies pour résumer en quelque mots l’essentiel de la consultation du jour : douleurs abdominales banales, crise migraineuse majeure, malaise de type vagal, contrôle d’hypertension, rhino-pharyngite, SEP en poussée, etc.

Pour la multitude des fièvres inexpliquées qui nous arrivent en hiver ou à la mi-saison, j’avais pris l’habitude, comme la plupart de mes confrères, de gribouiller le fameux « syndrome grippal » qui, bien que pouvant correspondre à une multitude d’étiologies virales ou non, avait le pragmatisme de dire exactement ce qu’il voulait dire, c’est-à-dire en termes clairs : « on ne panique pas, on attend et on laisse faire la nature. »

S’il s’agissait d’une vraie grippe, on le saurait bientôt, car la fièvre augmenterait et les désagréables symptômes classiques apparaîtraient, qu’il faudrait évidemment savoir moduler en fonction de la pusillanimité du patient.

Les temps ont changé. Le poids sémantique du « syndrome grippal » a augmenté considérablement en proportion du poids médiatique et économique de la terrible maladie qu’il est supposé taire ou annoncer. Aucun de nos mots et de nos gribouillages ne peut plus être anodin dans le nouvel inconscient sanitaire. Nous devrons donc apprendre la parcimonie dans chacun de nos propos. Le moindre dérapage verbal pourrait entraîner la fermeture d’une école ou d’une usine et paralyser l’économie d’un village, voire d’une région tout entière. Quelle énorme responsabilité civique !

J’encourage donc mes confrères à rédiger leurs fiches à la manière d’un discours politique, avec une méticuleuse prudence. Nous pourrions par exemple parler de FPI (fièvre provisoirement inexpliquée) ou FPA (fièvre provisoirement anodine) ou mieux FAJ (fièvre en attente de jugement.)

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