L’ultime blason des déserts médicaux

La maternité rurale et le petit hôpital ont fermé pour des raisons de sécurité, car les taux de mortalité y étaient prétendument supérieurs aux standards nationaux. La fermeture des lignes ferroviaires régionales n’empêche cependant pas d’atteindre le magnifique hôpital situé à cent kilomètres, car les routes sont déneigées en permanence, garantissant une survie en accord avec les standards nationaux…

Avec la concurrence des tomates andalouses et après la fermeture de l’école et de l’épicerie, un paysan célibataire et sans enfants s’est tourné vers la conservation de semences rares pour les zones rurales atypiques. Il a commencé par faire de la vente par correspondance, mais avec la fermeture du bureau de poste, il a dû abandonner et faire de la vente directe à d’autres paysans. Hélas, il vient de perdre son procès, car la vente de semences non validées par un certificat est interdite. Il a dû vendre sa voiture pour payer l’avocat, un grand spécialiste de la ville. Son fils est parti quand son usine du chef-lieu de canton a fermé, il ne pourra plus l’emmener en voiture à l’hôpital. Il reste encore les hélicoptères, il les voit à la télévision, on lui a certifié qu’ils viennent même lorsque la télévision n’est pas là. Quant aux médecins ruraux, ils ont été les derniers à partir, mais ils ont fini par faire comme tout le monde, surtout les jeunes qui avaient besoin d’écoles pour leurs enfants.

Le gouvernement s’attelle aujourd’hui au problème de la désertification médicale. Soyons certains que les solutions ne manquent pas. Il reste encore quelques médecins français ascètes et célibataires ou des médecins chinois ou roumains dont la famille a faim. Le vrai sujet n’est donc pas la solution au problème, mais le fait que le problème soit posé…

Pourquoi veut-on absolument soigner les habitants de nos campagnes ? Ceux qui ont su résister, après tout ce qu’on leur a pris, ne sont certainement pas prêts à se laisser déménager dans un établissement pour personnes âgées dépendantes. Ils ne verraient plus leur environnement familier. Certes le poulailler est vide depuis l’abattage des poules après l’alerte à la grippe aviaire, certes l’usine est vide mais son mur est toujours visible. On leur donnerait, le soir, des neuroleptiques, pour calmer leur agitation devant ce nouvel horizon non familier. Peut-être même voudrait-on soigner à la hussarde leur inéluctable cancer de la prostate…

Chers confrères, ayons au moins l’humanité de les laisser mourir dignement et en silence derrières les rideaux de leurs fenêtres. Promettons-leur de ne jamais aller nous installer dans ces campagnes dont le refus sanitaire pourrait bien être le dernier blason.

Un commentaire sur “L’ultime blason des déserts médicaux”

  1. Jérémie dit :

    Je découvre votre blog, j apprécie la modération de vos remarques ( chose rare sur l interweb) et le choix de vos sujets.

    Je partage votre opinion , la dénotation désert médicaux est connotée politiquement , et parler de pépinières médicales ( zone considérées comme surdotées ) ne serait pas aussi utile aux politiciens ( elles sont de toute manière bien rare et limitées dans un nombre conséquent de régions).

    Cela est sans doute révélateur de l absence quasi totale de projets politique de devellopement ruraux depuis des décennies .
    Hormis celui d en faire des cités dortoirs, et des succursales de Paris si l occasion s en présente.
    Le milieu rural n’a t il sans doute jamais eu la meme capacité à financer les parti poliiques.

    Aussi ces zones sont elles laissées à l état de friches, devenues hors du temps ( celui des villes ), d’ou le fait que l on puisse arguer ( avec un extrémisme de bon aloi) que leur consacrer de l’énergie soit une perte de temps ( de même que la viellesse est devenue une perte de temps dans les milieux urbains)

    Il est loin le temps ou nos élites clamaient  » labourages et pastourages sont les deux mamelles de la France. »

    Tout comme vous je l’imagine , j aimerai avoir des solutions à proposer.
    La crise financière actuelle les brident sans doute , puisque le développement médical est fréquement tributaire d une large part de mécénat.
    Ou peut être est ce la la source de ses maux actuels ?
    On voit bien que le choix n est pas simplement politique .

Laisser une réponse