Archive pour le mot-clef ‘santé’

Santé conjugale et sexuelle

mercredi 12 février 2020

S’intéresser aux liens entre conjugalité, sexualité et santé serait suspect de moralisme si l’épidémiologie ne nous révélait pas des vérités plus subtiles que celle d’affirmer que les maladies vénériennes n’arrivent qu’aux infidèles.

Par exemple, le taux d’adrénaline est plus élevé chez les célibataires, et leur risque de coronaropathie par stress mental est deux fois plus important. Ou encore, la survie d’un infarctus après 75 ans est meilleure si l’on vit en couple.

Pour l’hypertension artérielle, le statut matrimonial ne suffit pas, il faut aussi une bonne relation : les chiffres tensionnels sont d’autant plus élevés que la relation conjugale est jugée médiocre, particulièrement chez les femmes.

Le mariage d’amour, qui a succédé au mariage de convenance, a permis d’enrichir la sexualité du couple et, en corollaire, sa qualité de vie et sa santé, comme le confirment plusieurs indicateurs sanitaires.

Il en est du sexe comme du sport, une activité régulière diminue les risques. Mais ce cercle vertueux s’inverse après 60 ans, car le risque cardio-vasculaire augmente avec le nombre d’orgasmes masculins. Le ‘coup de foudre’ est déconseillé chez les séniors, et plus encore la testostérone et autres stimulants dont la toxicité multiplie le risque. Le Viagra® rend les passions mortelles ! Inversement, les orgasmes féminins à un âge avancé ont moins de répercussions négatives sur la tension artérielle, ils semblent diminuer le niveau de stress et améliorer globalement la santé.

La mort subite au cours d’une relation sexuelle est rare. Notons que les rapports extraconjugaux sont plus meurtriers puisqu’ils représentent 90% de cette mortalité. L’infarctus est plus souvent en cause chez les hommes et l’hémorragie méningée chez les femmes. Dans les deux cas, l’infidèle évite les explications fallacieuses !

Mais remplacer l’adultère par la pornographie dégrade les capacités cognitives : le temps passé sur les sites dédiés diminue la quantité de matière grise du noyau caudé et sa connectivité au cortex préfrontal.  Encore fallait-il le prouver !

Comme on pouvait s’en douter, la restriction calorique améliore non seulement l’espérance de vie, mais aussi la fonction sexuelle.

Les antidépresseurs dont on connaît déjà l’inefficacité et les dangers ont un impact négatif sur l’amour et l’attachement au partenaire, particulièrement chez les couples récemment formés. Avant de vous engager avec un dépressif, assurez-vous qu’il n’en consomme pas.

Si alcool, Viagra® et psychotropes peuvent faciliter les premières expériences, ils altèrent à la fois la durée et la qualité de la vie sexuelle. Ils ne s’inscrivent donc pas dans l’humour des plaisirs qui raccourcissent la vie mais dont l’absence la fait paraître plus longue.

Enfin, le sexe est un puissant support mercatique, l’industrie pharmaceutique est allée jusqu’à considérer la dysfonction érectile des séniors comme un signe de maladie cardio-vasculaire à traiter impérativement. Il fallait oser !

Références bibliographiques

La santé nous submerge

lundi 18 septembre 2017

Les plus fréquents thèmes de conversations impromptues de rue et de comptoir sont la météo et la santé, cette dernière a résolument pris le dessus, donnant aux thèmes médicaux une dimension sociale envahissante.

Un jour, le journal de 20h révèle le traitement qui éradiquera le cancer, et le lendemain,  il annonce l’épidémie qui exterminera les survivants. Les hormones de jouvence se succèdent à un rythme impressionnant et l’échec de la précédente ne diminue jamais l’enthousiasme pour la suivante. Les étiquettes des produits alimentaires sont devenues de véritables manuels de diététique. Les joggeurs de rue et les cyclistes d’appartement sont bardés de capteurs à l’affût de leur physiologie. Les autotests de diagnostic sont vendus à côté du rayon de l’électro-ménager et votre smartphone vous indique la distance qui vous sépare du plus proche cas d’Ebola, ou votre probabilité de mourir d’un accident vasculaire. Tout est devenu médical, depuis les premières tétées de bébé jusqu’aux dernières érections de papy.

Parallèlement à cette effervescence de préventions et de prédictions, on s’étonne de voir que les médecins sont aussi négligents ou nonchalants. Tout article parlant d’une quelconque maladie commence par affirmer qu’elle est sous-diagnostiquée. En résumé : si les médecins faisaient vraiment bien leur travail, il y aurait beaucoup plus de cancers du sein ou du colon, encore plus d’hyperactivité, bien plus de dépression, d’hypertension, de migraines, de maladie d’Alzheimer ou d’impuissance.

C’est pour cela que les mêmes médias sont alimentés par de nombreux spots publicitaires incitant aux donations pour la recherche médicale. Certes, les généreux donateurs mourront d’une maladie que leur médecin aura diagnostiquée trop tard ; mais on peut espérer que leurs descendants auront la chance de pouvoir bénéficier de diagnostics beaucoup plus précoces. Car à force de martelage, chacun a profondément intégré que plus un diagnostic est précoce, plus le traitement est efficace. Nous pouvons ainsi espérer, grâce à nos généreux dons, que nos enfants, dont la future maladie mortelle (vasculaire, tumorale ou neurodégénérative) sera diagnostiquée dès la naissance, auront enfin des traitements qui leur permettront de survivre plus de 80 ans après le diagnostic de leur terrible maladie…

Mes confrères parviennent à sourire de tout cela lorsqu’ils dominent la grossièreté de cette machinerie mercatique. Ils en souffrent lorsqu’ils n’arrivent plus à gérer les paradoxes de cette surmédicalisation qui les blâme et les nourrit à la fois. Ils en pleurent parfois lorsqu’ils apprennent, par exemple, que 80% des personnes se déclarent prêtes à subir un dépistage, même pour des maladies pour lesquelles n’existe aucun traitement, voire aucune connaissance physiopathologique.

Références

Douteux avenir sanitaire des bracelets connectés

lundi 4 septembre 2017

Comme la plupart des badauds, j’ai regardé au moins une fois les applications proposées par mon smartphone. Quelle que soit notre opinion sur l’inutilité ou le mésusage de certaines d’entre elles, nous ne pouvons qu’être admiratifs devant toutes ces technologies concentrées en un seul objet compact et aussi peu encombrant.  Ce petit objet me permet de téléphoner, de photographier, de ne plus me perdre dans Paris ou Lyon, de trouver la date de naissance de Louis Pasteur et de Jeanne Moreau et, surtout, il m’a définitivement libéré de ce bracelet-montre qui me gênait et arrachait les poils de mon avant-bras gauche.

J’avoue avoir utilisé une ou deux fois l’application qui me permettait de savoir combien de pas j’avais marché dans la journée, et très vite, mes capacités cognitives m’ont permis de comprendre que le nombre de pas que j’avais fait était proportionnel au temps pendant lequel j’avais marché. Je craignais donc que ce gadget n’avilisse la mémoire à court-terme qui me permet encore de me souvenir combien de temps j’ai marché dans la journée. Il est d’ailleurs beaucoup plus profitable de marcher que de chercher à s’en souvenir, car la marche améliore considérablement la mémoire… C’est pourquoi, j’ai gloussé en voyant cette application sanitaire proposée séparément dans des bracelets dits « connectés » capables de relater aussi la quantité de sommeil, le rythme cardiaque ou le temps de natation.

Certes, j’ai compris depuis longtemps que la santé débride l’imagination des marchands, et que la peur de la perdre est un inépuisable support mercatique, mais je me suis senti brutalement déconnecté du monde, et tout particulièrement de celui des bracelets connectés et de leur désuet retour à la dépilation de l’avant-bras.

Mais de récentes nouvelles me laissent supposer que la majorité de mes concitoyens est encore capable de lucidité physiologique : ces bracelets auraient une faible durée d’utilisation et leurs ventes ne décolleraient pas aussi vite que prévu. Devant ce constat, le marché réfléchit déjà à des boucles d’oreilles, voire à des implants connectés.

J’ignore quelle prévalence d’addiction technologique il faut atteindre dans une population pour qu’un nombre suffisant de gogos se fassent greffer un implant pour connaître leur nombre de pas quotidiens. En tant que médecin, j’espère simplement qu’il n’y aura pas trop d’accidents d’anesthésie locale ni d’infections secondaires.

Références

Marchons, marchons, qu’un sang…

mardi 28 octobre 2014

Nous savons depuis longtemps que la marche modérée et régulière diminue le risque de maladie cardio-vasculaires, d’obésité et de troubles métaboliques (sucre, cholestérol). Les publications sur les bienfaits de la marche sont peu sponsorisées et peu valorisantes pour leurs auteurs, il en existe cependant des centaines dont les méta-analyses apportent le niveau de preuve le plus élevé qui soit.

Pour bien évaluer les bénéfices de la marche, il faut la comparer avec des médicaments tels que les statines qui sont les plus utilisées dans le monde. Chez les hypertendus, les statines diminuent les maladies cardio-vasculaires de 20% et la mortalité de 12%, ces chiffres passent à 50% et 30% avec seulement deux fois trente minutes de marche par semaine. Soit un bénéfice deux fois et demi supérieur à celui du meilleur médicament.

Aucun médicament ne diminue le risque d’apparition d’un diabète de type 2, alors que 40 minutes de marche par jour diminuent ce risque de 27%. Si le diabète est installé, la marche reste 3 à 10 fois supérieure à tous les médicaments !

Les bienfaits de la marche s’observent aussi dans des pathologies où l’on ne s’y attendait pas, avec le même niveau de preuve que pour les maladies cardio-vasculaires et métaboliques.

Pour la maladie d’Alzheimer où aucun médicament ne possède la moindre action, la marche quotidienne  diminue le risque de 70%. Trois périodes de marche hebdomadaire pendant 6 ans diminuent le risque de 40%. Après 65 ans, la marche régulière diminue encore le risque de 50%. Enfin, chez les sujets prédisposés (porteurs du gène APO ε4), la marche diminue les dépôts amyloïdes sur leur cortex.

Pour l’ostéoporose, 18 mois de marche régulière augmentent la densité osseuse de 77% et diminuent le risque d’autant. Chez les personnes âgées, la marche régulière diminue le risque de chute de 37% et le risque de fractures de 61%.

Chez les insuffisants cardiaques auxquels on conseille parfois de ne pas trop marcher tant ils sont essoufflés, la marche diminue leur mortalité de 40%.

Les résultats sont tout aussi extraordinaires dans des domaines encore plus inattendus La marche diminue de 30% le risque d’insuffisance rénale. Neuf heures de marche par semaine réduisent de 45% le risque de développer une maladie de Crohn. Sept heures de marche par semaine réduisent de 50% la mortalité par cancer du sein et cancer du côlon. Deux heures de jogging par semaine diminuent de 30% le risque de psoriasis. Encore plus époustouflant, les fameux télomères dont la longueur est supposée indiquer la longévité, voient leur taille augmenter de 10% après cinq ans de cet exercice !

La seule explication possible, pour une telle concordance de résultats dans des domaines pathologiques aussi variés, est d’ordre évolutionniste : homo sapiens est fait pour marcher. Il est le seul primate dont le pied est exclusivement adapté à la marche, son génome n’est pas adapté à l’arrêt brutal de cette activité.

Références