Archive pour le mot-clef ‘facteurs de risque’

Maladies des assureurs

mercredi 7 mars 2018

Beaucoup de maladies actuelles ont été inventées par des compagnies d’assurance.

Le commerce des assureurs est assez différent des autres, car ce qu’ils vendent est un service potentiel, une prestation hypothétique. La publicité consiste à convaincre le client de payer pour « rien » avec la promesse d’un vrai service en cas de besoin : « l’assurance ne paraît chère qu’avant l’accident ».

D’un côté, le client accepte de payer pour les autres en souhaitant ne jamais bénéficier lui-même du service. De l’autre côté, le prestataire utilise ses gains pour les redistribuer aux clients malchanceux. Dans le cas de l’assurance-maladie, les organismes publics jouent correctement le jeu de cette mutualisation. Inversement les assurances privées veulent limiter les pertes pour maximiser leurs profits. Afin d’éliminer les clients les plus fragiles, ces compagnies ont toujours cherché à évaluer les risques de maladies à venir.

La notion de facteur de risque est née avec le principe de l’assurance-maladie. Dans la version publique, on a promu l’hygiène et les vaccinations pour limiter les maladies infectieuses. Dans la version privée on a promu la détection des facteurs de risque. Après la généralisation de la prise de la tension artérielle vers 1910, les compagnies d’assurance ont lancé des études pour en évaluer les répercussions. La très célèbre étude de Framingham, en 1948, a tenté d’établir une liste exhaustive des risques de maladies cardio-vasculaires. Seul le stress, difficile à quantifier, a été éliminé des calculs statistiques.

Le succès pour le marché a été double. D’une part, l’industrie pharmaceutique a proposé des traitements de ces facteurs de risque, désormais considérés comme des maladies (hypertension, hyperglycémie, hyperlipidémie, etc.). D’autre part, les organismes publics ont payé ces traitements visant à limiter les pertes des assureurs privés. Véritable coup de génie !

Cette confusion permanente entre facteur de risque et maladie a un coût exorbitant pour la Sécurité Sociale. Les assureurs privés, ne supportant ni le coût de la détection des facteurs de risque, ni celui de leur illusoire correction, ont dû chercher de nouveaux marchés en exploitant les secteurs négligés par la Sécurité Sociale. Les lunettes et autres prothèses dentaires ou auditives ont servi de nouvel argumentaire. Mais des marchands encore plus voraces, ayant compris que ces prothèses quasi-inévitables sont le premier argument de la souscription à une assurance complémentaire, en ont augmenté scandaleusement les prix. Nouvelle forme d’exclusion des plus fragiles.

Les assureurs privés ont ainsi promu le traitement de maladies inexistantes et empêché le traitement de maladies réelles.  La supercherie mercatique continue puisqu’une mutuelle privée est désormais obligatoire pour tous les salariés. À moins que le gouvernement n’ait l’intention de laisser les marchands s’entre-dévorer, en se débarrassant définitivement de toutes ces patates chaudes…

Références

Dépister ou non l’Alzheimer

jeudi 12 septembre 2013

La Conférence de l’Association Internationale de l’Alzheimer s’est tenue à Boston en juillet dernier (AAIC 2013).

L’une des questions les plus débattues a été celle de l’utilité d’un dépistage et d’un diagnostic précoces. La question était hypocrite, puisque l’on sait que les sponsors de ces associations et conférences orientent déjà toutes les recherches vers un dépistage de plus en plus précoce, indépendamment des avertissements et des inquiétudes des cliniciens.

Malgré cette hypocrisie, dont la médecine prédictive est coutumière, les arguments étaient valables des deux côtés. Les partisans du dépistage insistaient sur la nécessité de la précocité pour améliorer la prise en charge et le pronostic. Les adversaires arguaient qu’il n’existe actuellement aucun médicament susceptible de retarder l’apparition de la maladie ou de ralentir son évolution. Ce dépistage est donc sans intérêt, et risque, en outre, d’inquiéter plus longtemps les patients et leurs familles, sans pouvoir rien changer au pronostic.

Les partisans rétorquaient qu’il existait déjà quelques moyens non pharmacologiques, tels que la marche, l’exercice physique, l’affection, l’entraînement cognitif, la suppression du tabac, des opiacés et des somnifères, le toucher et toutes les stimulations sociales et sensorielles, ainsi que la lutte contre l’obésité. Autant d’éléments qui rangeaient adroitement ces partisans du diagnostic précoce du côté de l’écologie et de l’empathie. Argument combattu maladroitement par les adversaires qui savent que ces thérapies non médicamenteuses sont mal appliquées, ou très vite abandonnées, dès lors que le marché propose un médicament, même si celui-ci est inefficace ou nuisible. Car la croyance en une chimie pouvant tout guérir est tenace, même pour une maladie neuro-dégénérative d’apparition tardive.

Les médecins attentifs savent que la recherche sur la maladie d’Alzheimer, ne pouvant aboutir à guérir ou à éradiquer cette maladie, veut ouvrir des pistes « crédibles » d’un traitement préventif, « vendable » à tous les adultes anxieux et assurés sociaux.

En attendant cette prouesse mercatique et – pourquoi pas – scientifique, l’examen attentif des données actuelles de la science peut mettre tout le monde d’accord sur l’inutilité actuelle du dépistage. Il apparaît que les meilleurs traitements préventifs de cette terrible maladie sont les mêmes que les thérapies considérées comme les plus actives pour en ralentir le cours. Citons-les encore : scolarisation longue et précoce, régime peu calorique, suppression du tabac, entraînement cognitif, socialisation, toucher, exercice physique, affection, stimulation sensorielle, etc. Seuls moyens possédant, à ce jour, la preuve d’une efficacité, tant préventive que curative.

Peu importe alors de chercher à définir le moment opportun du diagnostic, puisque ces traitements ne doivent jamais cesser, avec ou sans diagnostic.