Archive pour le mot-clef ‘diabète de type 2’

Les spécialistes de la prévalence

mardi 12 décembre 2017

Une hypothèse concerne l’avenir, un fait concerne le passé. Entre les deux il y a l’expérimentation.

Si je dis que telle mesure va faire diminuer la prévalence d’une maladie, c’est une hypothèse. Si j’expérimente cette mesure et que la prévalence baisse, il faut alors introduire une nouvelle distinction entre corrélation et causalité. La maladie peut avoir baissé parce que l’hypothèse était juste, mais elle peut avoir baissé pour plusieurs autres raisons parmi lesquelles se trouvait ou non mon hypothèse.

En bref,  mon hypothèse était fausse ou irréaliste si la maladie persiste et mon hypothèse était peut-être juste si la maladie a disparu ou diminué.

Ainsi, la médecine peut prétendre qu’elle a joué un rôle dans la disparition de la peste et de la variole, car les maladies ont disparu, mais il lui est difficile de prétendre qu’elle a joué un rôle dans le diabète de type 2 ou dans la grippe, car elles sont en augmentation ou en stagnation. Une étude plus détaillée montre que la médecine n’a joué aucun rôle dans la disparition de la peste, mais qu’elle a joué un rôle majeur dans la disparition de la variole grâce au vaccin.

Dans une société où la mercatique domine largement la science, le raisonnement fonctionne à contre-courant : les constats présents et les spéculations sur l’avenir sont bien plus nombreux que l’analyse des faits passés.  Une logique marchande n’utilise pas les données pour confirmer ou infirmer une hypothèse passée, mais toujours pour vanter une action future. Au lieu de dire, c’est parce que la variole a disparu que j’ai été efficace ou parce que la grippe persiste que j’ai été inefficace, on dit, c’est parce que l’hypertension augmente que je vais être efficace.

On peut connaître avec assez de précision la part de mercatique et la part de science dans un article en comparant le nombre de ligne consacrées à relater la gravité du problème à celui des lignes consacrées à l’analyse des actions passées. Dire que la grippe ou le cancer sont des fléaux ne suffit pas à justifier les réflexions et hypothèses qui vont suivre. Dire que telle chirurgie a fait baisser la mortalité, que telle vaccination a eu peu d’impact ou que tel dépistage est ininterprétable ont plus de pertinence pour induire de nouvelles hypothèses et actions.

Lorsque les diabétologues vantent leur importance en disant que la prévalence du diabète de type 2 sera de 35% en 2050, ils peuvent être considérés comme des spécialistes de la prévalence, mais difficilement comme des experts du diabète. C’est un peu comme si un marchand d’avion disait qu’il faut acheter son avion parce qu’il a réellement pris conscience que les crashs sont trop nombreux.

Références

Diabète de type 2 : on continue sans rien changer

mardi 26 novembre 2013

Parmi cent articles identiques sur le diabète, j’en choisis un au hasard, récemment inséré dans mon quotidien préféré (sans participation de sa rédaction). Dès les premières lignes, on comprend qu’il s’agit du diabète de type 2 (DT2). L’article précise, avec raison, que l’on ne meurt pas de ce diabète, mais de ses complications. C’est l’occasion de rappeler qu’à la différence du diabète de type 1 (DT1), pathologie gravissime qui tue rapidement les malades laissés sans soins, le DT2  n’est pas une « maladie », mais un « facteur de risque ». On peut s’étonner ici que la médecine manque de rigueur au point de donner le même nom à un facteur de risque non perçu par les patients, et à une maladie mortelle. Seul le numéro change. J’ai parfois lu certains articles de grands médias où le numéro du diabète n’était même pas précisé ! Stupéfiant laxisme qui ne peut guère améliorer le niveau de l’éducation sanitaire.

L’article, commandité par deux industriels, précise le coût sanitaire du DT2 (18 milliards € en France). Ce « facteur de risque » se répand à vive allure, il y a 350 millions de « malades » dans le monde (ce sont en réalité des non-malades à risque de le devenir), et il y en aura le double dans dix ans, d’après les prévisions de l’OMS.

Le décor de la catastrophe sanitaire est ainsi posé par les plus hautes autorités de santé et relayé avec sérieux par ces industriels vigilants. Voyons maintenant quels sont les remèdes proposés par les sponsors de l’article. Il faut « accompagner » ces « patients » en dosant leur sucre, de plus en plus tôt et de plus en plus souvent, en leur suggérant une meilleure hygiène de vie et, surtout, en leur enseignant l’observance thérapeutique pour faire baisser leur glycémie (taux de sucre).

Comme aucun symptôme ni aucun signe clinique ne donne à ces « patients » une idée approximative de leur glycémie, les auteurs « suscitent » l’anxiété en incitant à des dosages répétés pour vérifier que ce taux de sucre se situe bien au-dessous de la norme prédéfinie par la médecine. Tout semble clair et logique : c’est la seule façon d’éradiquer ce véritable fléau mondial…

La lecture est terminée…

Les esprits les plus curieux et les plus éveillés, se demandent alors certainement pourquoi cette méthode, déjà prônée et appliquée depuis plus d’un demi-siècle, n’a pas enrayé la forte progression de l’incidence du DT2, malgré des dépenses faramineuses.

Enfin, comment peut-on, au sein du même article, donner la méthode pour vaincre une « maladie » et annoncer le doublement de son incidence dans les dix ans ?

Les médecins n’auraient-ils donc plus confiance en leurs méthodes, ou se laisseraient-ils trop naïvement dicter leurs articles et leur mode de pensée par les stratèges de la mercatique, sans même prendre la peine d’une relecture attentive de clinicien et d’épidémiologiste ?

Références