Archive pour le mot-clef ‘cancer’

Dépistage de la normalité

mercredi 19 juin 2019

En 2014, résumant les dernières années de recherche, George Johnson osait affirmer « Le cancer n’est pas une maladie, c’est un phénomène ».  

Depuis une décennie, la biologie nous confirme que le cancer est l’évolution normale de toutes les lignées cellulaires. Chacune y aboutissant plus ou moins tôt en fonction de son rythme prédéterminé de renouvellement tissulaire (les muqueuses intestinales ou bronchiques plus rapidement que les os ou les neurones)

Dans le même temps les progrès des technologies biomédicales ont permis de détecter les cellules tumorales dans l’organisme. Les micropuces à ADN avaient inauguré le dépistage de l’ADN tumoral dans les années 1990. Désormais, les ADN, ARN, voire protéines ou exosomes tumoraux sont détectables par la dénommée « biopsie liquide », c’est-à-dire une simple prise de sang. Des biopsies de peau chez de jeunes personnes saines révèlent systématiquement des mutations précancéreuses.

Ces nouvelles technologies rendent caduque le vieux débat sur le dépistage systématique, puisqu’à court terme, elles aboutiront à un diagnostic de cancer chez tous les adultes. Les meilleurs experts non normatifs de la cancérologie commencent à déclarer sans détour que les dépistages systématiques sont inutiles, et certains pays commencent à les supprimer des programmes sanitaires. Décision d’autant plus sage que, toujours dans le même temps, les progrès de la chirurgie, de la radiothérapie, et de rares chimiothérapies ont permis d’améliorer la survie des cancers cliniques.

En dehors de la prévention, les maigres résultats épidémiologiques de la cancérologie depuis un demi-siècle ne résultent pas du dépistage mais du meilleur traitement des cancers cliniquement déclarés. 

La bonne question n’est donc pas, pourquoi nous développons des cancers, mais pourquoi nous en avons si peu qui parviennent au stade clinique ? Les mammifères dont nous faisons partie ont mis en place de solides mécanismes de défense pour retarder cet inexorable phénomène.

Enfin, si l’humour peut améliorer notre appréhension de la cancérologie, ne nous en privons pas. Les statistiques montrent que les patients atteints de maladies psychiatriques ou d’Alzheimer ont beaucoup moins de cancers que les autres. Non, il ne s’agit pas d’une chance compensatrice, mais simplement du fait qu’ils font moins de dépistage systématique. La mort par cancer finit par les rattraper, aux mêmes âges que les autres.

Les patients ne sont pas encore prêts à ces réflexions contre-intuitives. Les médecins non plus, y compris la grande majorité des cancérologues. Il en est ainsi dans les domaines où une orchestration dramaturgique formate la pensée. Mais, n’en doutons pas, un jour relativement proche viendra où lorsqu’un sénior en bonne santé viendra consulter avec l’angoissante question de savoir s’il a un cancer, le médecin pourra sereinement lui répondre :

– oui vous en avez certainement plusieurs, mais rassurez-vous, c’est normal…

Références

Des dépistages inutiles aux dépistages dangereux

mardi 9 janvier 2018

La controverse sur les dépistages organisés des cancers ne cesse d’enfler. Après la prostate, voici le sein dont le dépistage de masse vient d’être définitivement mis à mal. Les administrateurs eux-mêmes estiment que son dépistage organisé sera abandonné dans 10 ans : le temps qu’il faut au ministère pour préparer l’opinion sans être accusé d’abandonner les femmes. Tous les efforts se reportent actuellement sur le dépistage du cancer du côlon, riche de promesses, et encore trop récent pour être correctement évalué.

Ici, notre propos concerne le cancer du poumon, pour lequel d’aucuns évoquent parfois subrepticement l’éventualité d’un dépistage organisé. Anachronique ténacité, puisque pour ce cancer-là, nous avons déjà suffisamment de preuves pour affirmer que son dépistage serait non seulement inefficace, mais probablement dangereux.

Tout dépistage de cancer infraclinique perd de sa pertinence au fur et à mesure que le traitement du cancer clinique s’améliore. Dans le cas du poumon, les progrès thérapeutiques chirurgicaux et médicaux ont permis de faire passer la médiane de survie de 6 mois en 1976, à presque 3 ans aujourd’hui ; ce qui, en cancérologie, est un résultat extraordinaire.

Les scanners thoraciques, de plus en plus fréquents dans nos pays, découvrent des milliers de nodules pulmonaires dont la plupart sont des incidentalomes (incidentalomes  http://lucperino.com/132/incidentalomes.html), mais ces « riens » nécessitent trois ans de surveillance avant de pouvoir affirmer leur bénignité. De plus, les méthodes actuelles révèlent 15% à 35% de faux positifs et 25% de cancers à évolution nulle ou lente : soit 40 à 60% de diagnostics erronés ou inutiles !

La probabilité de découvrir un vrai cancer asymptomatique et évolutif (seul bénéfice théorique du dépistage) est de 6% après 80 ans, et seulement de 0,5% avant 60 ans ! En outre, plus le dépistage est fait chez une personne jeune, plus grande est la probabilité de mourir d’une autre cause : 37% des plus de 85 ans et 98% des moins de 60 ans ne mourront pas de leur cancer du poumon!

Ajoutons que les personnes ayant connaissance de leur cancer du poumon ont un taux de suicide cinq fois plus élevé, avec un pic juste après l’annonce du diagnostic (vrai ou faux). Encore plus surprenant, le stress de cette annonce multiplie par 12 le risque de mort cardio-vasculaire dans la semaine qui suit.

Mais le plus grand de tous les risques, difficile à évaluer, serait d’encourager tacitement au tabagisme (puisque la médecine veille). Ce serait alors le premier dépistage qui, en plus de provoquer une épidémie de diagnostics inutiles, provoquerait aussi une augmentation de fréquence de vrais cancers. Un tel dépistage pourrait paradoxalement profiter au lobby du tabac !

Espérons que la collusion des « fuites en avant » ne permette jamais d’atteindre un tel degré de médicalisation sociale…

Références

Cancer vaincu par la banalité

lundi 8 mai 2017

Depuis quelques années, la frénésie du dépistage a multiplié les diagnostics de cancer, jusqu’à créer un insoluble problème de terminologie. Nul ne sait plus comment différencier un cancer dépisté qui ne se serait jamais manifesté, d’un cancer qui s’est manifesté de lui-même. Ce problème est devenu majeur depuis que les études démontrent que les faibles gains de mortalité en cancérologie ne sont pas dus aux dépistages, mais presque exclusivement aux progrès des traitements de cancers évolués.

Cependant, cancérologues et industriels, par déni ou propagande, assimilent certains cancers à des maladies chroniques pour insister sur la longue durée de vie après diagnostic ; ce sont évidemment les cancers dépistés qui entrent dans cette catégorie. Il faudra alors parler de « cancers aigus » pour les autres.

Mais un problème encore plus épineux se profile, déjà évoqué ici, nous serons bientôt tous des cancéreux chroniques, si l’on en juge par de récents progrès théoriques et techniques.

Nous commençons à comprendre la longue série des mutations cellulaires précancéreuses et nous découvrons que ces mutations sont présentes chez de nombreux adultes. En faisant des biopsies de peau saine sur les paupières de 234 jeunes adultes, on a eu la surprise de découvrir que 25% d’entre eux étaient porteurs de mutations précancéreuses. Il est bien évident que la majorité de ces patients « positifs » n’auront jamais de cancer de la peau.

Une technique récemment mise au point par une équipe française permet de détecter les cellules tumorales circulant dans le sang (probablement aussi nombreuses), sans pouvoir encore préciser le type de cancer dont elles seraient éventuellement issues. Pour l’instant, la publicité présente ce test comme un moyen de surveiller les récidives ou métastases des « cancers aigus ». Mais elle souligne insidieusement qu’il pourrait être proposé à une population sans cancer identifié, en prenant cyniquement la peine de préciser qu’il faudrait une prise en charge psychologique en cas de résultat positif indiquant un cancer débutant (ou chronique !)…

Ne doutons pas que le commerce proposera prochainement ce test en dépistage généralisé, induisant des taux de positifs dépassant largement la réalité morbide du cancer.

Mais voilà peut-être la résolution de notre problème terminologique. La rapidité des progrès techniques et la frénésie du dépistage nous conduiront très bientôt à découvrir que 100% de la population adulte est porteuse d’au moins un « cancer chronique ». Le cancer chronique sera alors une banalité et nous pourrons alors abandonner tous les dépistages et consacrer notre énergie à essayer d’améliorer encore le traitement des « cancers aigus » (les seuls vrais), avec gravité, sagesse et lucidité, sans mercatique ni démagogie. Bonheur de refaire enfin de la vraie médecine, pas celle qui augmente la morbidité chez les bien-portants, mais celle qui la diminue chez ceux qui ont vraiment besoin de nous.

Références

Cancers des rescapés du web

samedi 1 avril 2017

Comme la plupart des dépistages généralisés en cancérologie, celui du mélanome (cancer de la peau) n’arrive pas à faire la preuve de son efficacité. Mais comme pour tous les dépistages, la communication ne repose pas sur les données de la science, mais sur l’intime conviction que si l’on dépistait tous les cancers il n’y aurait plus de mort par cancer.

Les intimes convaincus sont des proies faciles pour tous les marchés. En médecine, particulièrement, la dissociation entre vérité clinique et intime conviction revêt parfois des aspects cocasses.

Au cours des derniers mois, trois annonces se sont succédé sur les grands médias sans qu’aucun lien ne soit fait entre elles. D’une part, une grande étude, menée par la Haute Autorité de Santé Américaine, a confirmé l’absence de bénéfice du dépistage du mélanome. D’autre part, deux firmes ont fait la promotion de gadgets diagnostiques pour ce cancer. L’une était une application pour smartphone basée sur des photos à adresser à un médecin en ligne. L’autre proposait une dermatoscopie rapide et facile. Dans les deux cas, le médecin n’avait pas besoin d’être là, ce qui, d’après les publicités, permettait de gagner du temps !

Une autre intime conviction des patients est que l’intermédiaire d’une machine est un gage de précision. Ceci est encore plus cocasse, puisque l’interprétation d’une photo, d’une dermatoscopie ou d’un examen microscopique repose toujours, au final, sur l’œil du médecin et sa subjectivité.

Dans tous les cas, ce médecin dissimulé à l’autre bout du web ne prendra jamais le risque juridique du sous-diagnostic, et il conseillera d’aller consulter un médecin en chair et en os. Le patient, après avoir perdu du temps et de l’argent, se retrouvera donc à la case départ de sa hantise morbide, devant un praticien supposé faillible. Ce médecin consulté, même s’il fait partie de ceux, désormais nombreux, qui connaissent l’inutilité des dépistages, ne le dira jamais à ce patient internaute, car il risquerait de passer au mieux pour un ennemi du progrès, au pire pour un inconscient.

Face à tous ces rescapés du web, les praticiens essaient donc, avec plus ou moins de patience, de panser les blessures de la science et de colmater les fuites de la raison ; ce qui est aujourd’hui une tâche impossible.

Devant ces inextricables et grotesques situations, le médecin a deux choix diamétralement opposés. Soir empocher 25 € en acceptant d’être un rouage de ce système marchand qui avance inexorablement avec le soutien des intimes convictions. Soit empocher la même somme en fulminant contre ce système, ce qui est intenable à terme.

Le cancer est un vrai fléau autour duquel, la science mercatique a diaboliquement réussi à rendre la science clinique dérisoire.

Références

Les dépistages de cancers ont un bel avenir

vendredi 14 octobre 2016

Dans les incessantes polémiques sur l’utilité des dépistages en cancérologie, les données de la science tiennent bien peu de place, loin derrière l’idéologie et les émotions.

Plus les études avancent, plus il apparaît que ces dépistages ont un intérêt nul ou négligeable en termes de santé publique, et plus les études incluent les paramètres de qualité de vie, plus ces dépistages se révèlent nuisibles en terme de santé individuelle.

Mais les opinions des patients, ainsi que de nombreux médecins et décideurs, ne sont pas modifiées par toutes ces analyses, car leurs principaux déterminants sont d’ordre psycho-social.

Du côté des décideurs et des médecins, le drame du cancer se traduit par des « il faut bien faire quelque-chose », « on ne peut pas rester sans rien faire ». Et cet activisme émotionnel conduit à considérer que toute action, par le seul fait d’être engagée, est dispensée de la preuve de son efficacité. À tel point que le succès d’un dépistage ne se mesure pas en gain de vie, mais en nombre de participants.

Du côté des patients, tout se résume aux « intimes convictions ». Ceux à qui l’on a dépisté un petit cancer ont l’intime conviction que leur vie a été sauvée grâce à ce dépistage précoce, et leurs médecins en sont flattés. Ceux à qui l’on a diagnostiqué un cancer avancé ont l’intime conviction que ce cancer aurait pu être évité s’il avait été dépisté avant, et leurs médecins en sont culpabilisés.

Ceux qui tentent d’ébranler ces deux convictions passent au mieux pour des ignorants, au pire pour des inconscients.

Ces convictions sont si intimes qu’elles confinent à une confusion entre dépistage et prévention, alors qu’il n’y a aucun rapport entre les deux. Le dépistage a pour but de trouver un cancer déjà présent, la prévention a pour but d’empêcher sa survenue. Aucun dépistage ne peut empêcher la survenue d’un cancer.

Enfin, du côté des citoyens, l’irrationalité des choix est encore plus surprenante puisque deux-tiers de nos contemporains sont prêts à se soumettre à un dépistage, même pour des maladies où n’existe aucun soin !

Ce ne sont donc pas les résultats des études qui peuvent ébranler ces intimes convictions et ces choix irrationnels. Plusieurs pays abandonnent déjà certains de ces dépistages de masse, devant les preuves de leur inutilité ; mais ne doutons pas que les dépistages dits ‘sauvages’ continueront. Car devant une clientèle aussi captive, les marchands de dépistages n’auront même pas besoin de convoquer la science pour développer leur argumentaire. Une boule de cristal suffit largement.

Bibliographie

Cancer des prix du cancer

vendredi 17 juin 2016

Depuis le début de l’année 2016, les médias relatent régulièrement des pétitions et réquisitoires de médecins et d’associations de patients contre le prix des médicaments en cancérologie. Cette démarche et justifiée par des prix véritablement scandaleux de 30 000 à 50 000 €, voire jusqu’à 100 000 € par an et par patient !

Comme arguments, ces outragés avancent l’équité d’accès aux soins et le risque de ne plus pouvoir soigner les patients de demain. Qui oserait contester un tel bon sens ?

Evidemment les industriels du médicament, offusqués d’autant d’outrage, rétorquent que la recherche coûte très cher, qu’ils sauvent des vies et font progresser la connaissance. Qui pourrait s’opposer à une telle éthique ?

En réalité, d’un côté comme de l’autre, les arguments sont tellement convenus et normatifs qu’ils ne font que rajouter de l’huile dans une machine qui avance déjà très bien toute seule. En bon avocat du diable, je dirai même que les arguments des patients outragés favorisent la surenchère des prix.

Voici le scenario : le méchant ‘big pharma’ exploite le malheur, l’administration cherche à réduire les dépenses de santé, et les malades s’organisent pour mieux défendre leurs intérêts avec le soutien de leurs cancérologues dévoués. Mais comme nous ne sommes pas à Hollywood, le héros n’arrive jamais.

Ce héros manquant est la science clinique, la seule capable de dire quel est l’impact réel d’un médicament sur la quantité/qualité de vie. Or la cancérologie est un bastion d’obscurantisme thérapeutique où aucun acteur n’a la volonté ou les moyens de pénétrer. Les services de cancérologie fonctionnent avec les essais cliniques financés par l’industrie. Les cancérologues valident des essais contre placebo, malgré l’existence de médicaments de référence actifs et peu coûteux. Les ministères accordent des mises sur le marché avec une étonnante désinvolture (sans préjuger des parts respectives de la démagogie, du soutien à l’économie de la corruption, de la naïveté ou de la foi). Les patients croient la télévision qui parle de « traitement miracle » pour un médicament, ayant démontré une survie de deux semaines chez 20 patients. Les associations de patients ploient sous le sponsoring direct ou indirect de l’industrie qui leur « sauve des vies ». Peut-on reprocher à ces patients de s’unir pour stimuler leur lutte contre la maladie et cultiver leur optimisme ?

Dans les cancers de l’adulte, la chirurgie retarde effectivement la mort. Mais les nouvelles thérapies ciblées, malgré leur flamboyance théorique, restent d’une médiocrité clinique qu’il faut oser dévoiler pour vraiment faire progresser la science.

Le prix est l’arbre qui cache la forêt. Les industriels doivent être ravis de n’être tancés que sur le prix de leurs médicaments; leurs conseillers en communication doivent même leur suggérer de les augmenter encore, car plus c’est cher, plus c’est efficace !

Bibliographie

Lâche-moi la thyroïde

jeudi 3 mars 2016

Le dépistage des cancers est le sujet où se constate le plus grand écart entre la réalité épidémiologique et l’intuition populaire.

Dire que ces dépistages sont inutiles pour la santé publique et individuelle est tellement contre-intuitif que les plus tenaces des détracteurs en ont abandonné la démonstration.

Cependant, après de vaines polémiques sur le sein, la peau, la prostate ou le côlon, il subsiste au moins un organe où le doute n’est plus permis : la thyroïde.

Cette glande qui régule nos métabolismes et notre température est souvent associée à l’image du goitre des montagnardes. Cette disgrâce a disparu simplement lorsque l’on a donné quelques gouttes d’iode à ces femmes qui en manquaient. Vive la connaissance.

Savez-vous qu’en cours de grossesse, le placenta et le fœtus expédient des cellules dans la glande thyroïde maternelle pour la manipuler afin qu’elle transfère plus de chaleur corporelle au nouveau-né ? Ces microchimères persistent longtemps et sont l’une des causes des maladies auto-immunes de la thyroïde, plus fréquentes chez les femmes.

Après la ménopause, l’activité de cette glande diminue naturellement.

Depuis une quarantaine d’années, on assiste à une véritable « épidémie » de cancers de la thyroïde. On a d’abord accusé Tchernobyl, avant de s’apercevoir que les accidents nucléaires ont surtout une incidence sur la glande des enfants, avec un excellent pronostic.

Puis constatant un nombre de cancers triplé ou quadruplé, voire multiplié par quinze dans certains pays vierges de radioactivité, on s’est aperçu qu’il s’agissait d’une épidémie de diagnostics. La puissance actuelle des techniques d’imagerie permet de détecter le moindre nodule millimétrique, bénin dans 80% des cas. Quant aux vrais cancers, ils n’évoluent presque pas, voire régressent naturellement. Voilà pourquoi cette étrange « épidémie » n’a jamais fait varier la très faible mortalité (1 décès pour 200 000 cas) ! Enfin, l’autopsie des femmes révèle moins de cancers de la thyroïde que les hommes, alors que le diagnostic est trois fois plus fréquent chez elles !

Mais les médecins, craignant d’être accusés de négligence, et les patients, étant certains que tout nodule microscopique est un cancer mortel, la thyroïde est enlevée dans 85% des cas !

Cette chirurgie, en plus de son coût financier, a de multiples complications : obligation d’un traitement définitif difficile à stabiliser, dépression, fatigue, paralysie des cordes vocales, destruction des parathyroïdes régulatrices du calcium, ostéoporose, traitement par l’iode radioactif qui augmente le risque de leucémie ou de cancer secondaire. La somme de ces accidents est bien supérieure aux complications naturelles de ce cancer sans gravité.

Certaines institutions et fondations contre le cancer, habituellement alarmistes, sont même allés jusqu’à suggérer l’interdiction de tout examen de la thyroïde.

Mais il est plus long et plus difficile, pour un médecin, de justifier les bienfaits de l’abstention que de promener le patient de radiologues en chirurgiens.

C’est donc au citoyen qu’il faut conseiller d’oublier ses nodules.

Références

Science impossible du dépistage

vendredi 14 février 2014

Actuellement, les dépistages « organisés » ou « de masse » des cancers – donc sans ciblage personnalisé – sont fortement remis en cause par des études qui révèlent leur faible impact sur la santé individuelle et publique.

Les résultats « officieux » des études les plus crédibles diffèrent selon le cancer considéré : rapport bénéfice/risque positif pour le dépistage du cancer du col de l’utérus, neutre ou très faiblement positif pour le sein, neutre pour le mélanome, négatif pour la prostate, l’ovaire et le poumon, et encore indéterminé pour le côlon (trop récent).

Lorsque les études essaient, malgré la difficulté, de tenir compte des surdiagnostics, des surtraitements et d’autres facteurs de diminution de la qualité de vie, les résultats sont encore plus médiocres.

Mais ces études négligent encore deux autres éléments importants. D’une part, la baisse de mortalité due à l’amélioration des thérapeutiques médicales et chirurgicales des cancers évolués. D’autre part, les bons résultats de certaines politiques de prévention, telles que la diminution des traitements hormonaux de la ménopause, pour le cancer du sein, ou la limitation du tabagisme, pour tous les cancers.

Comme les trois actions : dépistage de masse, thérapeutiques efficaces et mesures préventives sont combinées au sein des populations étudiées, il est de plus en plus difficile d’évaluer la part de chacun dans les variations de mortalité et de létalité. D’autant plus que les thérapeutiques efficaces le sont sur des cancers évolués ou métastatiques, ceux où la létalité est la plus forte, et non sur des cancers dépistés où la létalité est logiquement très faible.

Pour des raisons éthiques, ni les thérapeutiques ayant la moindre efficacité, ni les mesures de prévention, ni les dépistages ciblés, ne peuvent être interrompus. La seule façon de connaître l’efficacité réelle des dépistages de masse, serait de les interrompre pendant quelques années.

Bien que cela soit éthiquement acceptable, au vu de leurs résultats médiocres, cela est politiquement, humainement et pratiquement impossible, en raison de deux convictions intimes partagées par tous les patients et de nombreux médecins. 1/ Une tumeur ne se serait jamais développée si elle avait été dépistée à temps. 2/ La « guérison » d’un cancer dépisté est attribuée au dépistage plus qu’à l’évolution naturelle ou à l’efficacité thérapeutique.

Les statistiques « contre-intuitives » susceptibles d’ébranler ces deux convictions devraient avoir des niveaux de preuve et de significativité largement supérieurs aux niveaux actuels. Comme nous venons de démontrer que de telles études sont désormais impossibles à réaliser, il nous faut admettre que la vérité sur les dépistages de masse ne nous sera jamais accessible.

Pour chaque citoyen en bonne santé, tout dépistage est un pari individuel, aux ressorts intuitifs et idéologiques, qu’aucune science ne pourra jamais ni cautionner ni contester.

Référence

Nous sommes tous cancéreux

mardi 17 décembre 2013

Nous en avons désormais la certitude, tous les êtres multicellulaires animaux et végétaux sont porteurs de cancers. Lors du passage de l’unicellularité à la multicellularité, il y a grossièrement un milliard d’années, les cellules ont dû progressivement passer d’une  nature égoïste et ségrégationniste à un comportement coopératif pour optimiser leurs chances de survie au sein des organismes multicellulaires. Comme toujours, dans l’histoire de la vie, il a fallu « bricoler » un compromis entre individualisme et coopération, et comme tous les compromis, celui-ci est instable. Le coût d’une élimination complète des cellules égoïstes ou d’une éradication du comportement individualiste aurait été trop élevé et se serait fait au détriment d’autres processus vitaux. Les lois de l’évolution sont triviales et se résument à ces compromis pour un meilleur taux de survie et de reproduction, au plus faible coût énergétique.

Ainsi, ces cellules individualistes, donc cancéreuses, sont maîtrisées par les autres, faute d’avoir pu être éradiquées. Cet équilibre précaire se maintient le plus longtemps possible, et lorsqu’il est rompu, la tumeur cancéreuse, au sens clinique du terme, apparaît. Mais comme l’évolution ne cesse jamais, une nouvelle variabilité apparaît au sein de la tumeur, entraînant de nouvelles compétitions et de nouveaux compromis. La tumeur peut ainsi subsister longtemps jusqu’à une prochaine rupture d’équilibre. Chaque nouveau compromis a un coût énergétique conduisant à l’amoindrissement d’autres fonctions vitales de l’organisme qui sera, par exemple, une proie plus facile pour les prédateurs. Chez les êtres humains, sans prédateurs, cet affaiblissement viendra, ni plus, ni moins, s’ajouter aux autres décadences de l’organisme vieillissant.

De la naissance à la mort, chaque être humain est donc porteur de cellules cancéreuses avec lesquelles il négocie incessamment, de la même façon qu’avec des parasites de son environnement.

Les progrès fulgurants de l’imagerie, de l’anatomie cellulaire et de la biologie moléculaire nous laissent penser que dans quelques années, la biomédecine sera capable de détecter les cancers d’un ordre de grandeur cellulaire.

La terminologie du cancer va donc devoir affronter un énorme dilemme. Car si nous maintenons la définition actuelle basée exclusivement sur des critères d’anatomie cellulaire au niveau d’un nombre restreint de cellules, tous les êtres humains seront déclarés cancéreux…

Nous devrons impérativement décider ce qu’est un cancer. Il faudra trouver autant de mots différents et adéquats pour nommer un cancer clinique, médical, bénin, dangereux, silencieux, rapide, mortel, chronique, unicellulaire, pauci-cellulaire, mixte, etc.

La médecine ne peut, à la fois, accepter sans discernement toutes les technologies de dépistage, faire l’économie d’une réflexion épistémologique, négliger la biologie évolutionniste et repousser indéfiniment sa réforme sémantique du cancer.

Références